En Inde, recueillement et amertume douze ans après les massacres d’Orissa
Adélaïde Patrignani - Cité du Vatican
C’est une fin août teintée de douleur et d’espérance pour les chrétiens indiens, qui vont vivre deux semaines de prière et d'initiatives spéciales en mémoire des violences anti-chrétiennes survenues en 2008 dans le district de Kandhamal, dans l'État d'Orissa. Parmi eux, le père Manoj Kumar Nayak, prêtre, travailleur social et militant des droits de l'homme dans le diocèse de Cuttack-Bhubaneswar, qui englobe le territoire de Kandhamal. Il lance un appel à l’agence Fides: «À l'occasion du 12ème anniversaire des violences dans le district de Kandhamal, unissons-nous dans la prière pour soutenir les chrétiens persécutés pour leur foi dans tout le pays». Tous les chrétiens du pays sont invités «à prier pour les familles de ceux qui ont perdu la vie, qui ont subi des persécutions, afin qu'ils puissent vivre en sécurité et avec la protection nécessaire», explique le prêtre.
Appel au respect de l’État de droit
«Aujourd'hui, nous allons de l'avant avec le courage de vivre et de témoigner de la foi chrétienne à notre prochain, avec un regard évangélique de compassion, de pardon et d'acceptation», déclare quant à lui l'archevêque John Barwa, à la tête de l'archidiocèse de Cuttack-Bhubaneswar, selon qui le drame survenu en 2008 est l’expérience «la plus douloureuse de l'histoire de l'Église en Inde». «Plus de dix ans après ces jours tragiques, ceux dont les droits ont été violés et bafoués attendent toujours que justice soit faite», fait aussi remarquer l’archevêque.
Un constat qui rejoint celui du père Nayak, membre du National Solidarity Forum (NSF), un réseau de plus de 70 organisations de la société civile indienne qui défend et promeut les valeurs démocratiques et pluralistes inscrites dans la Constitution du pays. «Nous exigeons que toutes les institutions civiles et religieuses s'engagent à respecter les garanties constitutionnelles et la liberté religieuse en Inde et à respecter l'État de droit», demande-t-il.
La NSF a d’ailleurs lancé un appel à tous les citoyens pour qu'ils se battent pour leurs droits et pour que justice soit rendue aux victimes et aux survivants des massacres d’Orissa, où les violences menées contre les chrétiens du district de Kandhamal, à partir du 23 août 2008, ont marqué la mémoire collective. Les groupes extrémistes hindous avaient alors accusé les chrétiens du meurtre du leader religieux hindou Swami Laxmanananda Saraswati, bien que le meurtre ait été revendiqué par les groupes rebelles maoïstes. Ce meurtre a été le prétexte pour déclencher une vague de violence qui a duré plusieurs jours. Une centaine de personnes ont été tuées, tandis qu’une quarantaine femmes chrétiennes ont été violées, harcelées et humiliées. Environ 395 églises et lieux de culte et 6 500 maisons ont été rasés, et plusieurs établissements d'enseignement, sociaux et de santé ont été dévastés et pillés. Plus de 50 000 fidèles ont quitté leurs villages et ont fui, tandis que leurs propriétés étaient occupées et saisies illégalement.
Les incohérences du procès
Comme l'indique une note du NSF envoyée à Fides, plus de 3 300 plaintes ont été déposées auprès de la police après le massacre, mais seulement 800 ont été officiellement enregistrées. Parmi les plaintes, seules 518 affaires ont été déposées. Les autres sont allés au tribunal, mais 88% des accusés ont été acquittés par manque de preuves ou de témoins, qui ont souvent subi des intimidations. Aucun des auteurs des crimes commis n'est aujourd'hui en prison. Cependant, sept chrétiens innocents ont été emprisonnés 11 ans, après avoir été accusés et condamnés en première instance pour le meurtre de Saraswati, et ils sont maintenant libres sous caution, alors que la procédure d'appel devant la Haute Cour de l'Orissa est en cours.
En 2016, la Cour suprême a rendu un arrêt jugeant les dommages-intérêts accordés par les tribunaux de première instance «inadéquats», et a ordonné la révision de 315 cas de violence collective signalés. Cependant, quatre ans plus tard, les procès n'ont pas été rouverts.
Selon l'Église locale, la véritable tragédie est le fait que des centaines de familles chrétiennes ne peuvent pas retourner dans leurs maisons et villages et craignent toujours pour leur vie. Les personnes déplacées à l'intérieur du district vivent dans de nouvelles colonies, issues des premiers camps de réfugiés, avec de sérieuses difficultés pour leur subsistance et leur éducation.
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici