Il y a 50 ans, sainte Thérèse d’Avila était proclamée docteur de l’Église
Caterina Ciriello – L’Osservatore Romano
2020 est une année qui nous offre des anniversaires très importants: les cinq-cents ans depuis la mort de Raphaël; les cent ans de la naissance de Federico Fellini; les deux-cent cinquante ans de la naissance de Ludwig Van Beethoven; il y a cinquante ans, les Beatles se séparaient, tandis que mourait Jimi Hendrix est mort, pour n'en citer que quelques-uns. Et il y a tout juste cinquante ans, le 27 septembre 1970, Paul VI proclamait sainte Thérèse d'Avila docteur de l'Église.
Les années soixante-dix ont marqué un parcours singulier pour les femmes en Italie et en Europe. Ce n’est qu'en 1979 que le taux de présence féminine au Parlement européen atteignit 16 %, alors que l'égalité des chances entre les sexes avait été déclarée comme une valeur fondamentale par l'Union Européenne dans l'article 119 du traité de Rome en 1957. Les femmes italiennes ont commencé à se déplacer de manière plus indépendante, en s’affirmant dans le domaine sociopolitique et, en 1976, Tina Anselmi est devenue la première femme à occuper un poste de ministre dans le troisième gouvernement de Giulio Andreotti. Un difficile chemin en montée qui, dans le sud de l'Italie, trouve encore les femmes en état de subordination et de difficultés socioculturelles et économiques.
Un idéal féminin accessible aujourd'hui
Paul VI, grand intellectuel, d'une grande profondeur humaine et culturelle - ainsi que spirituelle -, dans cette contingence historique particulière, a certainement voulu indiquer aux femmes de tous les continents un idéal féminin et chrétien à suivre et à contempler dans la vie quotidienne. Thérèse d'Avila est la première femme de l'histoire proclamée docteure de l’Église, et suivie - une semaine plus tard - par le doctorat de sainte Catherine de Sienne. Pas une, donc, mais deux femmes pour souligner l'importance de la présence et de la contribution féminine dans l'Église et dans la société.
Dans son homélie du 27 septembre 1970, non sans émotion, le Souverain Pontife déclarait: «Nous la voyons apparaître devant nous comme femme exceptionnelle, comme religieuse qui, toute voilée d’humilité, de pénitence et de simplicité, rayonne autour d’elle la flamme de sa vitalité humaine et de sa vivacité spirituelle ; puis comme réformatrice et fondatrice d’un Ordre religieux, historique et insigne ; écrivain ô combien génial et fécond, maîtresse de vie spirituelle, contemplative incomparable et inlassablement active». Ces quelques lignes résument toute la personne de Thérèse d'Avila, qui était en effet une femme extraordinaire par sa simplicité et par son charme mystique qui attirait, et attire encore, l'intérêt de nombreuses personnes. La femme possédait profondément un cœur «viril et vertueux», c'est-à-dire plein de l'audace propre à ceux qui aiment sans réserve: «Persuadons-nous, mes filles, que la vraie perfection consiste dans l'amour de Dieu et du prochain. Plus nous observerons exactement ces deux préceptes, plus nous serons parfaits».
La relation au Christ, pilier de sa vie
Sa singularité, même en tant que religieuse, n'est pas enracinée en elle-même, mais en Dieu, “en las mercedes que el Senor me ha hecho” [dans les miséricordes que le Seigneur m’a faites], dans les dons divins qui la transforment en son être et lui donnent l'intime certitude d'avoir enfin trouvé le tout de sa vie. Ce n'est pas un hasard si Thérèse ne devient un écrivain fécond qu'après l'expérience de sa rencontre avec Dieu, c'est-à-dire lorsqu'elle entre dans la “vida nueva” [la vie nouvelle]. C'est là qu'elle connaît et entre en relation avec le Dieu de miséricorde, vivant une relation extrêmement personnelle avec Celui qui deviendra son Ami fidèle. Thérèse écrit: «Pour moi, l'oraison mentale n'est rien d'autre qu'une relation d'amitié, c’est se retrouver fréquemment seul à seul avec Celui dont on se sait aimé», une expression qui rappelle ce que dit [la constitution apostolique] Dei Verbum: «Par cette révélation, le Dieu invisible s’adresse aux hommes en son surabondant amour comme à des amis, il s’entretient avec eux pour les inviter et les admettre à partager sa propre vie». Et pour Thérèse, seule cette “amitié particulière” permet d'avoir une relation intime avec Dieu. De la fidélité à la prière et de la foi absolue en Dieu jaillit sa vitalité en tant que femme et personne.
Son apostolat fécond est le fruit de ce “face à face” avec le Christ, qu'elle a épousé mystiquement, mais aussi du courage et de l'obstination avec lesquels elle affronte les événements de la vie: dans un moment historico-religieux marqué par la réforme protestante et la présence en Espagne de la secte des alumbrados, les illuminés, elle est soumise à de dures procédures de l’Inquisition. Mais elle ne se décourage pas et, à dos d'âne, elle parcourt toute la péninsule ibérique pour fonder ses monastères réformés. Il s'agit également de la réforme du Carmel masculin, bien que la mémoire des pères carmes mentionne comme fondateur du premier couvent de carmes déchaux le frère Antoine de Jésus.
Les sept demeures de l'âme
Pour ses dons incroyables, Thérèse d'Avila est encore aujourd'hui l'exemple vivant de tout ce qu'une femme résolue et déterminée peut accomplir dans une époque de fermeture où il n'y avait pas de «vertu de femme qui ne soit regardée avec suspicion». L’insigne «maîtresse spirituelle» indique aux femmes d'aujourd'hui un chemin de foi fortement enraciné dans le Christ et dans l'ascèse quotidienne - qui en elle devient mystique - par un parcours construit sur mesure et tragiquement pour la femme de tous les temps, sur fond d’un complot ourdi par d'autres, auquel Thérèse ne se conforme cependant en aucune façon - nous invitant à faire de même -, afin que ce monde dans lequel elle a vécu et l'Église dont elle s'est sentie profondément fille accepte la “parole de femme”.
Et sa parole était profondément enracinée dans les Saintes Écritures: l'Évangile, en effet, était pour Thérèse un fleuve d'eau vive où elle pouvait venir remplir son cœur. Et en tant que mystique ineffable, dans le Château intérieur Thérèse place tout selon son expérience intérieure: Dieu au centre, et l'âme humaine dans le cœur de Dieu, une rencontre qui a eu lieu dans la dernière demeure, cette “septième chambre” qu'Édith Stein - sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix – atteindra dans l’ultime et extrême sacrifice d'amour. Au centre du château, dans cette pièce, «l'âme reste toujours avec son Dieu, en ce centre» dont elle ne s’éloigne jamais.
Un titre significatif
Rappelons encore les paroles prononcées par Paul VI en 1970: «Tel est (…) le message pour nous de Sainte Thérèse de Jésus, Docteur de la Sainte Église: écoutons-le et faisons le nôtre». Soulignant ensuite combien la sainte est un pionnière dans cette reconnaissance particulière, qui annule «la parole sévère de Saint Paul» - «que les femmes gardent le silence dans les assemblées» (1 Co 14, 34) -, il ajoute: «ce qui veut dire, encore aujourd’hui, que la femme n’est pas destinée à avoir dans l’Église des fonctions hiérarchiques de magistère et de ministère. Le précepte apostolique aurait-il été violé ? Nous pouvons répondre clairement : non. Il ne s’agit pas, en réalité, d’un titre qui comporterait une fonction hiérarchique de magistère ; mais nous devons souligner en même temps que cela ne signifie nullement une moindre estime de la mission sublime de la femme au milieu du Peuple de Dieu».
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