Cardinal Sako: «un temps pour se réconcilier»
Entretien réalisé par Olivier Bonnel - Cité du Vatican
L'Irak a renoué avec la violence terroriste le 21 janvier dernier: un double attentat suicide a frappé un quartier commerçant à Bagdad, la capitale, faisant 32 morts et plus d'une centaine de blessés. Un attentat rapidement revendiqué par le groupe État islamique, dont le pouvoir de nuisance est encore réel. Cela faisait plus de trois ans que la capitale irakienne n'avait pas connu pareil bain de sang. Le président Barham Saleh a dénoncé des «tentatives malignes de faire trembler la stabilité du pays».
Cette attentat a ravivé également l'inquiétude des chrétiens du pays qui s'apprêtent à accueillir le Pape François du 5 au 8 mars prochain. Le patriarche de Babylone des Chaldéens Raphaël Louis Sako a invité les chrétiens du pays à prier pour le succès de cette visite très attendue. Depuis ce lundi, les chrétiens irakiens ont par ailleurs entamé trois jours de jeûne pour la paix et la réconciliation dans leur pays.
Le cardinal Sako nous a expliqué le sens de ce jeûne et fait part de sa confiance dans le fait que la visite du Saint-Père pourra se tenir comme prévue. Une visite pastorale dont les fruits rejailleront selon lui sur tout le pays.
Quelle est la signification de ces trois jours de jeûne ?
Dans notre Église ce jeûne est très important, presque aussi important que le grand jeûne du Carême, c’est une sorte de deuxième carême pour nous. Ce jeûne est lié à l’histoire de l’Irak. Nos pères ont pris le livre de Jonas et l’ont interprété. Jonas est un juif libre et ouvert, il pense que Dieu est venu pour tout le monde, y compris pour les Ninivites qui sont violents et qui sont en guerre contre les juifs. Pour lui, les juifs doivent se repentir du fondamentalisme, et les habitants de Ninive cesser la violence. Chez nous au XVIII ème siècle, il y a eu une pandémie très forte en Irak, et le patriarche de l’époque a demandé aux fidèles de jeûner trois jours, pour que les gens soient sauvés. Aujourd’hui, nous vivons dans le même contexte avec la pandémie de coronavirus et c’est une bonne occasion pour insister sur la prière pour notre salut, pour sortir de cette pandémie, mais aussi pour demander la conversion à la fraternité, demander la fin du fondamentalisme et de la violence et montrer à tous la solidarité. Les gens prient beaucoup, les églises seront pleines.
La semaine passée Bagdad a été frappée par un double attentat-suicide, dans quel état d’esprit est la population irakienne après ce nouvel accès de violence ?
Les gens sont très choqués, il y a une grande révolte dans la population, dans les médias de nombreuses personnes crient leur ras-le bol, disent qu’ils en ont assez des explosions, des morts et des destructions. Ces attaques-là sont politisées, elles sont préparées par des groupes qui envoient des messages au gouvernement irakien, des groupes qui ne sont pas content des mesures de sécurité, des armes contrôlées par le gouvernement, des mesures prises contre les milices. C’est aussi un message envoyé au nouveau président des États-Unis: quelle est la priorité pour lui? Est-ce l’Iran, l’Irak? Il ne faut pas oublier l’Irak et l’embargo qui pèse sur l’Iran. Je crois que c’est cela le message qui veut être envoyé. Mais à présent la vie est revenue à la normale, le gouvernement a pris beaucoup de mesures.
Comment se prépare le voyage du Saint-Père dans ce contexte sécuritaire et sanitaire difficile?
Je crois qu’il n’y a pas de risque pour le Pape. Nous nous préparons avec le gouvernement, mais la population irakienne attend cette visite-là, une visite qui n’est pas celle d’un chef d’État ou pour venir signer des contrats économiques. C’est une visite pastorale et j’espère que les Irakiens ne perdront pas de vue l’esprit religieux de cette visite, qu’elle ne sera pas vue comme quelque chose de folklorique ou superficielle. Pour nous, cette visite et le message que le Pape vient nous apporter, je la compare au livre de Jonas, où l’on entend ces mots: «assez de guerres, de conflits», c’est un appel à se réconcilier, à pardonner et construire un avenir meilleur pour tous les Irakiens, vivre tous comme frères et sœurs comme dans une grande famille qui s’appelle l’Irak. Le Pape nous apportera le réconfort, et surtout l’espérance.
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