Les bas-reliefs de Kong Wang Shan, témoins de la présence chrétienne en Chine?
Claire Riobé – Cité du Vatican
L’hypothèse est ambitieuse, mais suscite à Rome un vif intérêt. À l’occasion d’un colloque interdisciplinaire sur l’histoire des premiers siècles de l’Église, organisé du 27 au 29 octobre 2021 à proximité du Vatican, le scientifique Shueh-Ying Liao a fait part de ses recherches sur l’origine de la célèbre fresque de Kong Wang Shan. Les bas-reliefs chinois, considérés pendant des siècles comme d’origine bouddhiste, font de nouveau l’objet d’une étude plus approfondie depuis les années 1980. Ils pourraient en réalité témoigner de la présence des tout premiers chrétiens en Chine, explique le chercheur de l’université Bordeaux-Montaigne.
Un trésor archéologique inestimable
Le colloque «Enquête sur l’histoire des premiers siècles de l’Église» a été initié par le Comité pontifical des Sciences historiques, en collaboration avec l’Université Catholique de Lyon. Il avait pour objectif d’élargir le périmètre de la recherche historique bien au-delà du bassin méditerranéen, en permettant notamment à des chercheurs aux origines variées de présenter l’objet de leurs travaux.
On apprend que des traces du christianisme antique ont été identifiées jusqu’en Inde et en Chine, terres qui, selon la tradition, ont été évangélisées par l’apôtre Thomas. Il en est ainsi des bas-reliefs de Kong Wang Shan, situés dans l’enceinte de l’ancienne ville portuaire de Lianyun (Est du pays), sur la mer de Chine. S’étalant sur 20 mètres de roche, la frise se compose d’un ensemble de plus d’une centaine de sculptures, gravées entre l’an 58 et 75 de notre ère.
Véritable trésor archéologique, admirablement conservée, elle aurait été commandée par le prince Liu Ying, demi-frère de l'empereur Han Mingdi. Selon Shueh-Ying Liao, «c’est la plus ancienne frise conservée en Chine actuellement», qui «n’a pas son équivalent archéologique ou littéraire» aujourd’hui.
Une origine bouddhiste «peu probable»
Les bas-reliefs de Kong Wang Shan ont fait l’objet d’études successives de la part d’archéologues et chercheurs depuis les années 1980. Si la majorité des chercheurs chinois pense toujours que cette frise signe l'arrivée du bouddhisme en Chine, une autre hypothèse est aujourd’hui avancée. C’est d’ailleurs «le vide laissé par la recherche dans ce domaine», qui a poussé Shueh-Ying Liao à approfondir l’hypothèse d’une origine chrétienne de la célèbre frise.
Le chercheur Pierre Perrier, dans son ouvrage L'apôtre Thomas et le prince Ying, a été un des premiers à remettre en question l'attribution bouddhiste ou taoïste des bas-reliefs de Kong Wang Shan. La logique des figures gravées dans la pierre, avance-t-il, ne devient compréhensible que lorsque l'on prend en considération le judéo-christianisme et la culture parthe.
Le témoignage d’une première persécution religieuse
Pierre Perrier défend depuis la thèse suivante : le thème de la frise est la prédication évangélique initiale de l'apôtre Thomas. Arrivé dans l’Empire impérial par la mer de Chine, depuis le sud de l'Inde, il aurait été accueilli par le Prince Ying. Des propos que corrobore, de son côté, Shueh-Ying Liao. La mort du prince Ying, assassiné sur ordre de l’empereur Ming après gravure de la frise, pourrait être considérée comme «la première persécution religieuse d’un culte divin barbare» en Chine.
Si toute la lumière n’a pas encore été faite sur les origines des bas-reliefs de Kong Wang Shan, leur intérêt pour l’histoire des premiers siècles de l’Église s’en trouve renforcé. Et permet de nous éclairer sur la formation de la chrétienté en Asie mineure.
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