En Irlande, des frères capucins racontent l'évolution de la pauvreté
Lorsque les Dublinois parlent du centre de jour des Capucins, le nom de frère Kevin Crowley vient immédiatement à l'esprit. Depuis plus de 50 ans, ce frère capucin est devenu synonyme d'aide aux pauvres et sans-abris de la ville. Frère Kevin Crowley a vu l'Irlande traverser les périodes les plus difficiles, après une récession dans les années 1980, la crise financière de 2008, la pandémie de coronavirus en 2020, ou encore la crise actuelle du coût de la vie. Alors que le directeur s'apprête à prendre sa retraite à 87 ans après des décennies de travail inlassable, il déplore qu'en 2022, de nombreuses personnes soient confrontées à de graves difficultés économiques.
Un accueil pour tous au coeur de Dublin
L'histoire de l'infatigable service de frère Kevin a débuté en 1969. En constatant qu'un certain nombre de personnes quittaient le matin une auberge de la ville et marchaient dans les rues sans savoir où aller, il décide de mettre sur pied un centre d'accueil de jour, au cœur de Dublin. Ce lieu, tenu depuis par l'Ordre capucin, fournit chaque jours plusieurs centaines de repas. Chaque mercredi, près de 1 500 colis alimentaires sont également distribués aux sans-abris et personnes en situation de précarité de la capitale irlandaise. Le centre propose également un service médical, des cliniques de podologie, un service d'optique et des cliniques de conseil et d'information.
Crise du logement
Frère Kevin Crowley le répète: la municipalité ne fait pas assez pour offrir aux familles de Dublin des logements à des prix abordables. «La situation du logement est cruelle, les gens ont le plus grand mal à se loger. En outre, les familles n'arrivent pas à joindre les deux bouts, et c'est une crise énorme. Ce dont je suis le plus témoin en ce moment, c'est la peur de l'inconnu, de ce que sera l'avenir, et de savoir si les choses vont empirer au lieu de s'améliorer ; et en ce moment, de la façon dont je vois les choses, surtout pour les pauvres, et pas nécessairement pour les sans-abri, ou les personnes qui ont des difficultés dans leur emploi, et surtout les jeunes, il leur est presque impossible d'obtenir un prêt hypothécaire pour une maison», indique-t-il.
Il souligne que tant que l'on ne construira pas davantage de logements à des prix accessibles, la crise se poursuivra, non seulement pour les sans-abri mais aussi pour les jeunes couples qui veulent mettre un pied dans l'échelle du logement. Il souligne également que le coût de la location en ce moment est «absolument effrayant pour les gens».
Le coût de la vie
Le frère capucin exprime sa tristesse de voir qu'en 2022 «nous avons des gens qui font la queue ici tous les jours pour de la nourriture et surtout le mercredi matin, nous avons plus de mille familles qui viennent chercher des colis alimentaires, et puis le lundi matin, nous avons environ deux à trois cents mères et bébés qui font la queue. [...]. Cela ne devrait pas être le cas en 2022», insiste le frère.
Frère Kevin Crowley souligne que le centre a connu une augmentation du nombre de personnes venant chercher de la nourriture. La plus grande crise, indique-t-il, est de ne pas pouvoir payer le loyer et les factures du ménage qui ont considérablement augmenté ces derniers mois en raison de la crise du coût de la vie qui frappe de nombreuses régions d'Europe. Autre observation depuis la création du centre en 1969: le «problème de la boisson» des bénéficiaires a laissé place à celui de la drogue, relate-t-il, soulignant à quel point il était «effrayant de voir le nombre de jeunes qui [en] vendent» aujourd'hui.
Visite du Pape François en 2018
Il y a près de quatre ans, le 25 août 2018, le Pape François s'est rendu dans les rues du centre-ville de Dublin, au milieu de banderoles et de drapeaux du Vatican, jusqu'au Centre pour saluer frère Kevin, son équipe et les pauvres et les nécessiteux. Au cours de cette visite privée, le Pape François a déclaré que les pères capucins avaient «une compréhension particulière du peuple de Dieu et surtout avec les pauvres.»
«Le point culminant de ma vie au centre a été de voir le Saint-Père remonter Bow Street dans la papamobile», déclare le frère Kevin. Il ajoute que la visite ne concernait que les sans-abri et qu'aucun dignitaire n'était présent. Il se souvient aussi très bien des paroles de François ce jour-là, en particulier de la phrase «dignité et respect de chaque être humain», qui, considère-il, «est exactement ce sur quoi nous avons insisté pendant toutes ces années au Centre.»
Des souvenirs précieux
Le frère capucin a de nombreux souvenirs du centre, qui a constitué l'essentiel de sa vie pendant plus de cinquante ans. De tout ce quotidien au centre, ce qui lui manquera le plus «seront les gens qui viennent chaque matin et chaque après-midi», avoue-t-il. Il conclut: «Je m'assure d'aller à leur rencontre et d'avoir une petite discussion avec eux. Ils diront toujours que c'est bien que quelqu'un les reconnaisse et s'assure qu’ils vont bien.»
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