En 19 ans de mission en Mongolie, le père Viscardi voit grandir une petite Église
Salvatore Cernuzio - envoyé spécial à Oulan-Bator, Mongolie
Le père Ernesto Viscardi a passé dix-neuf ans de sa vie en Mongolie. Seize autres en Afrique. Une vie de mission pour ce prêtre italien des Missionnaires de la Consolata, première congrégation à avoir assisté à la renaissance de l'Église mongole après la transition démocratique du pays et l'effondrement du communisme dans les années 1990. Le père Ernesto a été l'un des premiers missionnaires italiens à arriver en 2003 pour écouter les gémissements de ce que Mgr Wenceslao Padilla, premier préfet apostolique d'Oulan-Bator, appelait une «petite Église». Une Église aujourd'hui limitée en nombre mais grande en œuvres, vers laquelle le Pape va à la rencontre au cours de son voyage apostolique en Mongolie. Dans une interview accordée à Radio Vatican - Vatican News, le père Ernesto se penche sur les défis futurs: il faut maintenant, dit-il, opérer un «changement» et passer d'un engagement social à un engagement pastoral. «Et peut-être devenir non pas une Église de missionnaires, mais une Église entièrement mongole».
Père Ernesto, revenons en arrière: vous avez vu les premiers pas de cette Église. Quelle a été l'évolution depuis l'arrivée des premiers missionnaires et quelle a été la contribution de l'Église au tissu social de la Mongolie au cours des 30 dernières années ?
Qu'a fait ce premier groupe de missionnaires ?
Ils se sont demandés: que faire? Par où commencer? Avec qui travailler? Qui est là? Rien, personne. Ils ont commencé par regarder autour d'eux et, en se promenant dans la ville, ils ont vu des jeunes dans les rues et des enfants qui vivaient dans les bouches d'égout, à proximité des conduites de chauffage de la ville, pour survivre à l'hiver. Ils se sont dit: pourquoi ne pas commencer par eux? C'est là que tout a commencé, à partir des égouts.
Puis d'autres congrégations sont arrivées....
Oui, et la première activité sociale de l'Église a commencé à se développer. Les Salésiens sont arrivés, des sœurs coréennes, des écoles, des jardins d'enfants et des centres pour enfants ont été ouverts, les sœurs de Mère Teresa se sont occupées des personnes âgées, etc. L'activité de l'Église s'est ainsi développée au point qu'aujourd'hui, sur les 77 missionnaires présents en Mongolie, les deux tiers sont engagés à plein temps dans la pastorale sociale. Le cardinal Giorgio Marengo (préfet apostolique, ndlr), notre collègue de la Consolata, insiste cependant sur un point fondamental: nous sommes engagés dans la charité, ce qui est important, dit-il. Mais il est plus important maintenant que nous nous ouvrions à ce qui est notre travail spécifique, pastoral, l'annonce de l'Évangile, en nous faisant connaître comme une communauté chrétienne attachée au Seigneur et guidée par l'Esprit. Telle sera, je crois, la priorité des années à venir.
Vous avez décrit cette Église comme "en train de venir au monde", 31 ans après, peut-on encore la considérer comme telle?
Il y a eu un changement, mais c'est certainement encore une très petite communauté de 1 500 baptisés. Cependant, il ne faut pas regarder le nombre, mais la qualité. Et sur ce point, il y a eu des avancées importantes, d'abord avec la consécration de deux prêtres locaux, ensuite avec l’augmentation du nombre de personnes formées par l'Église, du nombre de catéchumènes qui ont reçu le baptême et du nombre d'animateurs à plein temps dans les neuf paroisses à l'intérieur et à l'extérieur de la ville. Je travaille moi-même à la formation des Mongols, ce qui fait qu'aujourd'hui nous avons un bon nombre de chrétiens catholiques baptisés, engagés et formés, certains aux Philippines, d'autres en Corée ou même en Italie.
Quelles sont les perspectives pour le proche avenir?
Comme le cardinal Giorgio le répète toujours, nous devons récupérer la partie spirituelle de notre activité. Nous avons fait beaucoup de travail social et nous sommes de très bons organisateurs, comme tous les missionnaires, mais je pense que l'Asie, de par sa nature même, exige que nous soyons des experts de Dieu, plutôt que de grands organisateurs. C'est aussi ce que dit toujours le Pape François. C'est-à-dire que l’on doit mettre en avant notre personne, plus que notre fonction ou notre activité. L'avenir sera donc certainement marqué par une reprise de la proclamation, de l'accompagnement spirituel, de la formation des communautés chrétiennes. Nous devrons alors préparer le personnel local, comme cela s'est fait en Afrique. Qui a évangélisé l'Afrique? Les missionnaires, certes, mais aussi les catéchistes, les locaux, et nous devrons faire de même ici. Si nous voulons concevoir une Église qui ait le sens de la Mongolie, elle doit être faite par des Mongols. Bref, moins de missionnaires et plus de Mongols.
Regardons vers l'avenir mais n'oublions pas le passé, depuis des décennies sous le régime communiste, ou en remontant encore plus loin dans le temps, enraciné dans l'empire de Gengis Khan. Ce bagage a-t-il eu et a-t-il des répercussions sur la construction de l'identité religieuse en Mongolie?
70 ans de communisme, qui ont tenté d'effacer une mémoire historique et religieuse sans jamais y parvenir, sont restés longtemps en toile de fond. Lorsque l'histoire de la nouvelle Mongolie a commencé dans les années 1990, il a fallu chercher des éléments d'identité. Et quels sont-ils? Tout d'abord, Gengis Khan, qui est le fondateur de la patrie et un peu la gloire de ce pays. Le deuxième aspect était religieux, d'où la récupération du bouddhisme comme élément d'identité nationale. Le troisième était le territoire et le quatrième, toutes les traditions: des plus simples aux grandes célébrations, les nombreuses de liturgies pour la naissance et la mort, les fêtes nationales, etc. Le pays a ainsi tenté de retrouver son identité à travers des symboles qui l'ont défini autrefois et continuent de le définir aujourd'hui.
Dans ce contexte, quelle est la signification de l'arrivée du Pape aujourd'hui?
C'est avant tout une grande surprise. Pouvez-vous imaginer que le Pape, pasteur de je ne sais combien de millions de catholiques, vienne visiter une église de 1 500 fidèles? Surprise, joie et gratitude. Je crois que ce sont les mots qui définissent ce voyage. Nous sommes tous un peu excités... Qu'est-ce que le Pape nous apporte maintenant? Il nous apporte sa personne et la personne de François, c'est un style, celui de la simplicité, de la proximité avec les gens des périphéries - et nous sommes une Église des périphéries -, un engagement pour la paix. À nous, catholiques de Mongolie, le Pape adresse un message: vous êtes peu nombreux, mais votre témoignage, votre vie est importante, car elle est un signe de la présence de l'Église. Bien sûr, il parlera aussi du dialogue interreligieux, car nous sommes une minorité dans la tradition du bouddhisme tantrique tibétain. Enfin, le Pape n'oubliera pas - parce qu’il porte ça dans son cœur - de nous demander de prier et de nous engager pour la paix.
C’est une visite très "familiale", c'est-à-dire qu'il n'y a pas les grandes foules dans les rues que l'on voit habituellement lorsque le Pape visite un pays. Il y a de petits groupes dispersés ici et là qui saluent le Saint-Père. Mais, je le répète, c’est une visite très familiale: le 2 septembre, lorsque nous irons à la cathédrale dans l'après-midi, nous prendrons tous une photo avec le Pape. Toute l'Église mongole sera sur la même photo. C'est extraordinaire!
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