En Éthiopie, le partage des terres, terreau de violence politique
Entretien réalisé par Marine Henriot - Cité du Vatican
Depuis fin 2015, le pays de la corne de l’Afrique est confronté à un mouvement de protestation inédit en 25 ans. L’instauration de ce nouvel état d’urgence, le 17 février, survient au lendemain de la démission du Premier ministre Hailamariam Desalegn, au pouvoir depuis 1991.
Six mois après la suspension de l’état d’urgence précédent, les Éthiopiens sont de nouveaux plongés dans un régime où les manifestations sont interdites et dans lequel les forces de sécurités, -fédérales, régionales et milices locales, maintenant placés sous un commandement unique-, peuvent arrêter quiconque, sans mandat. Pour le ministre de la Défense, Siraj Fegessa, qui a annoncé l’état d’urgence à la presse ce samedi, cette décision se justifie en raison du risque de «nouveaux affrontements sur des lignes ethniques», pour préserver l’ordre constitutionnel et éviter le «chaos et du désordre».
«D’abord le problème de la terre»
«Le problème de l’Éthiopie, c’est d’abord le problème de la terre», explique Alain Gascon, géographe, professeur émérite de l’Institut français de géopolitique de l’université Paris-VIII. En 1984, la population éthiopienne comptait 42 millions d’habitants, y compris les Érythréens qui ont pris leur indépendance en 1993. Aujourd’hui, le pays compte 102.4 millions d’habitants.
Une démographie galopante qui fait naître de nombreux problèmes. 80% de la population vit sur 30% du territoire, et la densité s’élève à plus de 250 habitants par kilomètre carré. Parallèlement, le gouvernement mise sur le développement économique du pays, un pari réussi puisqu’entre 2004 et 2016, la croissance moyenne annuelle de l'Éthiopie s'est élevée à 10,5 %.
Une croissance économique au détriment des paysans
Mais cette croissance se fait au détriment de la terre et des paysans locaux. De nombreux agriculteurs se voient dépouillés de leurs terres afin de laisser les constructeurs locaux et étrangers, notamment saoudiens et chinois, implanter leur commerce. Aujourd’hui, Addis Abeba est à la recherche de nouveaux terrains à bâtir, et met la main sur les terres des Oromo, une ethnie installée dans la périphérie de la capitale.
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