En Afghanistan : une élection, deux présidents
Marine Henriot, avec agences - Cité du Vatican
Immédiatement après l’annonce des résultats, Abdullah Abdullah a annoncé qu’il formerait son propre gouvernement. «Notre équipe, en se fondant sur des votes biométriques propres, a gagné (...). Les fraudeurs sont la honte de l'histoire et nous annonçons notre gouvernement de rassemblement», a affirmé le chef de l’exécutif.
De son côté, Ashraf Ghani s’est réjoui de «l’expression de la volonté du peuple afghan»; il est apparu triomphant, la tête ceinte d'un turban blanc, dans un discours devant la presse.
Deux vainqueurs pour une présidentielle entachée d’irrégularités : 16 500 plaintes ont été déposées, et plus d’un million de vote sur 2,7 millions exprimés ont été écartés, jugés irréguliers.
Cette crise politique à un air déjà vu pour les Afghans : c’est le même scénario qu'en 2014, Abdullah Abdullah avait refusé sa défaite contre Ashraf Ghani. Après trois mois de crise, les deux hommes étaient parvenus à un accord pour se partager le pouvoir et Abdullah Abdullah avait hérité du poste de chef du gouvernement, créé pour l’occasion.
Fragiliser le processus de paix
Cette crise au sommet de l’Etat risque de fragiliser le processus de paix, déjà très difficile, avec les Talibans. Ceux-ci négocient pour l’instant directement avec Washington pour faire taire les violences dans le pays, contre le retrait des soldats américains. Sitôt l'annonce faite, les Talibans ont annoncé rejeter les résultats, arguant d'une élection faite, selon eux, «sous occupation» et «contre le processus de paix».
Si le gouvernement de Kaboul a jusqu'ici été écarté de la table des négociations, il doit participer aux discussions intra-afghanes avec les rebelles, censées s'ouvrir après la signature d'un accord entre Américains et talibans. Une telle signature pourrait se faire le 29 février, selon un haut responsable afghan.
Ashraf Ghani, qui devra probablement se retrouver face aux Talibans si de futures discussions intra-afghanes venaient à se tenir, a toutefois déclaré que les «bras» de son gouvernement étaient «ouverts à tout le peuple d'Afghanistan», donc y compris aux insurgés. «Nous voulons que les Talibans participent aux élections», a-t-il encore ajouté. Cependant, un exécutif afghan faible et divisé ne pourra qu’être un frein aux négociations.
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