La crainte d’un conflit à cause du barrage de la Renaissance
Entretien réalisé par Xavier Sartre – Cité du Vatican
C’est l’un des ouvrages d’ingénierie civile les plus grands d’Afrique : le barrage de la Renaissance, construit depuis 2011 sur le cours du Nil Bleu en Éthiopie, est peu à peu mis en service. La phase 2 de son remplissage a débuté, et déjà, le Soudan, qui se trouve en aval, a remarqué une incidence sur le débit du fleuve. Les craintes de Khartoum et du Caire ne se révèlent ainsi pas si exagérées. Le Soudan et encore plus l’Égypte, dépendent beaucoup du Nil. Une baisse du débit pourrait ainsi avoir de graves conséquences pour leur agriculture, leur économie et leur population.
«Cet ouvrage pose une question de sécurité» pour le Soudan et l’Égypte affirme Franck Galland, chercheur associé pour la Fondation pour la recherche stratégique. «98% de l’alimentation en eau de l’Égypte dépend du Nil», explique-t-il. Sans compter la nécessité pour le barrage d’Assouan d’avoir un débit minimum pour faire tourner ses turbines. De plus, «95 % de la population égyptienne habite sur le Nil» et le pays doit faire face «à une bombe démographique à retardement». Pour le gouvernement, il s’agit donc d’une «question de sécurité nationale». Pour l’Éthiopie, en plein développement économique, ce barrage est essentiel pour accompagner la croissance de l’économie et de sa population et de ses besoins en électricité.
Échec des médiations
Aucune des parties n’est prête à faire des concessions. Les tentatives de médiation menées jusqu’à présent ont échoué. Le dossier est remonté jusqu’au Conseil de sécurité de l’ONU qui l’a étudié le 8 juillet, estimant qu’un accord était possible. Mais dans les faits, c’est l’impasse.
Or, «plus nous allons attendre, plus les risques d’escalade vont arriver» estime Franck Galland, qui ne cache pas son inquiétude quant à «un conflit de haute intensité». Tous les éléments sont rassemblés : l’Éthiopie connait une situation instable et le Premier ministre a besoin de rassembler sa population autour d’un projet commun, et les enjeux pour l’Égypte sont trop considérables pour ne pas prendre au sérieux ses avertissements.
Le pire est évitable, considère le chercheur. Tout d’abord, deux médiations sont encore possibles : celle de la Chine, qui possède des intérêts importants dans chacun des trois pays, et celle de la Turquie, de plus en plus présente dans la région. Il y a ensuite une approche concertée de la gestion de tous les ouvrages présents sur le Nil, comme celle de l’Organisation de mise en valeur du fleuve Sénégal, créée en 1972 par quatre pays (Sénégal, Mauritanie, Guinée et Mali) pour gérer en commun les eaux du fleuve Sénégal. «C’est ce type d’approche qu’il faudrait favoriser», affirme Franck Galland, et non une approche unilatérale sans se préoccuper des pays de l’aval.
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