Francesco Patton : au Moyen-Orient, un retour à la pensée diplomatique
Francesca Sabatinelli - Cité du Vatican
Relancer le dialogue entre Israéliens et Palestiniens «pour parvenir à une solution à deux États» et préserver le statut de Jérusalem, ville sainte des trois religions monothéistes. C'est ce qu’a souligné la rencontre entre le Pape et le président de l'État de Palestine, Mahmoud Abbas, reçu ce 4 novembre au Vatican.
L’entretien entre le chef d’État et le Saint-Père intervient 6 mois après la vague de violences qui a éclaté entre Israéliens et Palestiniens en mai dernier. Durant 11 jours, du 10 au 21 mai, des manifestations contre les expulsions de familles palestiniennes de Sheikh Jarra, une banlieue de Jérusalem-Est, ont mené à de violents raids aériens et tirs de roquettes entre l’Etat d’Israël et le Hamas. Trois semaines plus tard, une nouvelle coalition politique élue a mis fin au gouvernement de Benjamin Nétanyahou, et laissé place à son opposant et aujourd’hui Premier ministre, Naftali Bennet.
Père Patton, quelle est la situation des communautés israélienne et palestinienne aujourd'hui, après les violences de mai dernier ?
La situation, d'un certain point de vue, a légèrement changé depuis les affrontements entre Gaza et Israël. Ce qui est nouveau est également qu'un nouveau gouvernement a été formé (en Israël, ndlr) et j'ajouterais qu'il y a eu divers dialogues plus ou moins secrets ou connus entre des représentants du gouvernement israélien et des représentants de l'Autorité nationale palestinienne. L'un d'entre eux, la rencontre entre le ministre Benny Gantz (ministre israélien de la Défense, ndlr) et le président Abu Mazen (à Ramallah, en Cisjordanie, le 29 août), a notamment eu une résonance particulière.
La situation actuelle est encore fortement conditionnée, bien sûr, par le contexte et par un dialogue officiel qui n'a pas encore été rouvert. Ensuite, il y a certainement un conditionnement dû au contexte de la pandémie et à la reprise des colonies. Ce sont des éléments qui, d'une certaine manière, ne contribuent pas à apaiser les choses et (à inviter au) dialogue, mais je dirais que malgré tout cela, des petits pas ont probablement été faits ces derniers mois, et aucun d'entre nous ne sait tout ce que les autorités israéliennes et palestiniennes ont pu se dire.
Le Pape, en ce qui concerne la situation au Moyen-Orient, a toujours souligné la nécessité d'un dialogue...
Bien sûr, nous savons que lorsque nous rencontrons le Pape, François insiste beaucoup sur l'importance de trouver des solutions pacifiques par la diplomatie, par des accords. Bien sûr, il le dit au niveau du Magistère, il suffit de penser à l'encyclique Fratelli tutti, et il le dit aussi avec des gestes concrets et quotidiens, il suffit de penser à ceux faits ces jours-ci, à l'occasion de la fête des morts, avec son «non» très fort à toute forme de guerre, de violence, d'armement.
Je pense donc que le Pape François continuera à pousser au dialogue entre les autorités israéliennes et palestiniennes. Et nous espérons tous que le dialogue que le dialogue se débloquera réellement et que, petit à petit, nous recommencerons à raisonner de manière diplomatique, et non par une autre voie.
Outre ses appels répétés à la paix, François a également invoqué la voie du pardon. À quel point est-ce plus difficile ?
Je dirais que le chemin du pardon indiqué par le Pape est celui indiqué dans l'encyclique Fratelli tutti, où François dit qu'il faut savoir combiner la vérité avec la justice et le pardon. Il est ainsi évident que le pardon ne va pas seul. Le Pape le dit dans l’encyclique : le pardon n’efface pas le souvenir des événements et le courage même d’une reconstruction historique suffisamment objective. Et c’est l’un des problèmes au niveau local, parce que la façon même de raconter l’histoire est souvent une façon qui tend à exclure l’autre, donc il faut aussi apprendre au niveau local à se rapprocher de la vérité des faits, de la vérité de l’histoire, avec une certaine sérénité, sans lunettes idéologiques, je dirais, de part et d’autre.
La Terre Sainte, à partir du 6 novembre, se prépare à nouveau à accueillir les pèlerins qui pourront également retourner dormir à Bethléem, après la longue pause imposée par le Covid. Ce sera un moment important pour se remettre au travail pour les Palestiniens, surtout les chrétiens...
Cela signifie beaucoup, surtout (…) pour la région de Bethléem, qui est sans doute la plus touchée par l'absence de pèlerins, avec toute la région environnante (…). Je dirais que cette réouverture est un signe extrêmement positif, cela signifie que les habitants de Bethléem et surtout les chrétiens, vont pouvoir recommencer à vivre de leur travail, aussi bien ceux qui travaillaient comme guides, que ceux qui travaillaient dans les hôtels, que ceux qui fabriquaient de petits objets de dévotion et les vendaient ensuite aux pèlerins. Donc de ce point de vue, je dirais que c'est un signe très positif d'aide et de soutien à la partie la plus faible, qui est précisément la population chrétienne de Bethléem.
Ensuite, je dirais que ce serait un Noël très triste pour Bethléem de se trouver, pour la deuxième fois consécutive, dans l'impossibilité de célébrer la naissance de Jésus avec les pèlerins du monde entier, parce qu'à l'époque de Noël (…) il y a vraiment un air de grande joie, de grande vitalité, et c'est quelque chose qui dure pratiquement tout le mois de janvier. C'est un peu comme si à Bethléem, les mois de décembre et de janvier, avec les différents calendriers, orientaux, occidentaux, et avec les différentes liturgies, les nôtres, celles des Grecs, des Arméniens, étaient deux mois de Noël, au cours desquels les gens font vraiment la fête, non seulement pour la naissance de Jésus, mais aussi parce que de cette façon ils peuvent exprimer leur propre identité chrétienne de manière plus forte.
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