Des élections législatives anticipées auront lieu les 30 juin et 7 juillet 2024 en France. Des élections législatives anticipées auront lieu les 30 juin et 7 juillet 2024 en France.   Les dossiers de Radio Vatican

Les élections législatives, «une rupture pour la vie politique française»

Après le résultat des élections européennes au soir du dimanche 9 juin, le président français Emmanuel Macron a dissout l’Assemblée nationale et provoqué de nouvelles élections législatives les 30 juin et 7 juillet. Une clarification des lignes des partis politiques, autant à droite qu’à gauche se dessine, au gré des accords électoraux.

Xavier Sartre et Jean-Benoît Harel – Cité du Vatican

Depuis une semaine, le monde politique français est en effervescence. Après l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, le 9 juin au soir, les partis de gauche et d’extrême gauche se sont unis sous une bannière commune, le «Nouveau Front Populaire» regroupant notamment les socialistes, les écologistes, les communistes, quand les partis de droite tentent de s’unir autour du Rassemblement national, provoquant la division au sein de plusieurs partis.

Pour Vincent Martigny, professeur de science politique à l'Université Côte d'Azur et à l'École Polytechnique, la dissolution et la recomposition politique en cours forment «une rupture pour la vie politique française».

Entretien avec Vincent Martigny, professeur de science politique

Un moment historique

En effet, seuls deux présidents ont dissous l’Assemblée nationale pour des raisons tactiques au cours des 66 ans de la Ve République. Jacques Chirac en 1997 qui avait ensuite perdu sa majorité et Emmanuel Macron en 2024.

Un acte décisif car, comme le rappelle Vincent Martigny, «la majorité parlementaire et le Premier ministre disposent de la quasi-intégralité des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 19 et 20 de la Constitution, c'est à dire conduire la politique de la nation». Le président de la République se réduit, selon la Constitution, aux questions de défense et de politique étrangère.

Une union des droites

«La nouveauté de cette campagne, c'est la rupture “officielle“ de la digue qui existait entre l'extrême droite et la droite “classique“, en l'occurrence le parti Les Républicains» souligne le professeur de science politique. Depuis presqu’un siècle, la politique française s’est construite sur l’idée d’un ennemi anti-républicain, longtemps incarné par le Front national devenu le Rassemblement national.

Or, le 11 juin, le président des Républicains Éric Ciotti a annoncé vouloir faire une alliance avec ce parti, ce qui provoquera une scission entre les cadres pro-alliance et ceux qui la refusent. Toutefois, cette rupture se révèle plutôt une «clarification» puisque depuis 2012 et la campagne droitière de Nicolas Sarkozy, «la droite et certains de ses cadres avaient fait des clins d'œil appuyés au Rassemblement national et à ses idées», relève Vincent Martigny. Une question d’efficacité électorale également.

Dans l'histoire de la Ve République, une famille politique seule est très rarement arrivée au pouvoir sans coalition. Donc le fait de s'afficher comme un alliage entre la droite et l'extrême droite permet à la fois de créer un narratif qui est peut être plus rassurant pour les électeurs de droite, car ainsi, une partie de leur famille politique sera liée au gouvernement.

L’union à gauche

En juin 2022, les partis de gauche s’étaient alliés dans la «Nouvelle Union populaire écologique et sociale» (Nupes). En 2024, ce sera le «Nouveau Front Populaire» (NFP). Mais Vincent Martigny relève plusieurs différences entre ces deux unions. D’abord un rééquilibrage des forces politiques, après une forte poussée de La France Insoumise en 2022. Ensuite, des amendements du programme: par exemple, la retraite à 60 ans n’est plus une priorité mais un objectif de long terme. Enfin, les représentants de la «gauche universaliste modérée, de centre gauche» comme les anciens proches du président socialiste François Hollande (2012-2017) soutiennent le NFP, ce qui n’était pas le cas pour la Nupes en 2022.

Le camp présidentiel

À la suite d’«une des décisions les plus folles de l'histoire de la Vème République de la part d'un président en exercice», la coalition présidentielle devra tenter de résister à sa droite comme à sa gauche. «Totalement désarçonné par la décision d'Emmanuel Macron et assez sidéré par ce qui lui arrive», il sera difficile pour le camp présidentiel de proposer un programme nouveau, étant de plus au pouvoir depuis sept ans.

Vincent Martigny estime que le président Macron sera «condamné au retrait» dans les différents scénarii envisageables, notamment une victoire de l’alliance de la droite ou de celle de la gauche.  «On a du mal à voir quel serait le scénario dans lequel Emmanuel Macron pourrait tirer les marrons du feu et profiter d'une situation d'une vie politique française tourmentée dans laquelle il deviendrait le plus petit dénominateur commun» souligne-t-il.

Emmanuel Macron a tenu une conférence de presse le mercredi 12 juin pour lancer la campagne électorale.
Emmanuel Macron a tenu une conférence de presse le mercredi 12 juin pour lancer la campagne électorale.

L’idée d’un gouvernement d’union nationale semble impossible tant «l’acrimonie contre le président Macron est forte», tant du côté du Rassemblement national que de la gauche démocrate. Surtout que «la pratique du pouvoir d’Emmanuel Macron a été le contraire depuis sept ans d'une négociation avec les forces politiques» analyse le professeur.

Vers un gouvernement minoritaire?

En raison de la rapidité de la décision, seul le NFP a publié un programme commun, mais ceux de la droite et du camp présidentiel ne devrait pas tarder, estime Vincent Martigny.

S’il est difficile de pronostiquer les résultats d’un scrutin uninominal à deux tours sur 577 circonscriptions, où les paramètres locaux et nationaux se mélangent, le politiste assure que la solution d’un gouvernement minoritaire est possible, même «l’option la plus probable». Car pour obtenir une majorité absolue, la gauche doit doubler son nombre de députés par rapport à 2022, le camp présidentiel en gagner une cinquantaine de plus et enfin pour le Rassemblement national, en obtenir 200 de plus, soit plus du triple des 89 députés actuels.

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17 juin 2024, 17:28