Il y a 57 ans, le voyage de Saint Paul VI en Terre Sainte
Manuella Affejee - Cité du Vatican
Jamais depuis Pie VII un Pape n’avait quitté l’Italie; jamais depuis Saint Pierre, le «serviteur des serviteurs de Dieu» n’avait foulé la Terre Sainte. C’est dire donc toute la portée historique de ce voyage, qui eut lieu du 4 au 6 janvier 1964, en plein Concile Vatican II. Paul VI ne voulait pas effectuer une quelconque visite, mais bien un pèlerinage; être «pèlerin de la paix» dans les lieux de la Rédemption, en signe de «prière, de pénitence et de rénovation».
Il faut dire que le contexte géopolitique de l’époque n’incite guère à un voyage autre que religieux. Le conflit israélo-palestinien déchire en effet le Moyen-Orient; la ville trois fois sainte, Jérusalem, est divisée en deux depuis 1948: sa partie orientale -où se concentrent les principaux Lieux saints chrétiens, juifs et musulmans- est sous contrôle jordanien, tandis que sa partie occidentale est sous souveraineté israélienne. L’État hébreu ne jouit en outre d’aucune reconnaissance des nations arabes, ni du Saint-Siège. C’est donc une réalité complexe et délicate qui attend le Pape Montini, sans parler des divisions entre chrétiens, particulièrement tangibles dans les Lieux saints partagés.
Un accueil mémorable
Son avion atterrit à Amman le 4 janvier; à sa descente de l’appareil, Paul VI est chaleureusement accueilli par le Roi jordanien Hussein; commence alors un pèlerinage très dense qui le mène sur les lieux de la Passion et de la Résurrection du Christ à Jérusalem, -Via Dolorosa, Saint-Sépulcre, Gethsémani-, puis en Galilée, -Cana, Nazareth, Capharnaüm et les bords du Lac de Tibériade-, de nouveau à Jérusalem, et enfin à Bethléem. À chacune de ces étapes, les foules réservent un accueil mémorable au successeur de Pierre. L’allégresse confine parfois à l’agitation; les images télévisées de l’époque, impressionnantes, montrent une frêle silhouette blanche manquant de se faire engloutir par une marée humaine, mais Paul VI ne semble pas s’en formaliser, visiblement heureux de mettre ses pas dans ceux du Christ et du chef des apôtres, de rencontrer les communautés locales en quête d’espérance et d’encouragement.
Accolade fraternelle entre St Paul VI et Athénagoras
L’un des moments-clés de ce pèlerinage restera sans aucun doute l’accolade qu’il échangera à deux reprises avec le Patriarche de Constantinople, Athénagoras. L’image de cette étreinte fraternelle, celle de Pierre et d’André, dans cette ville où Jésus pria afin «que tous soient un», fera le tour du monde. «Grande est notre émotion, profonde est notre joie en cette heure vraiment historique, où, après des siècles de silence et d’attente, l’Église catholique et le Patriarcat de Constantinople se retrouvent à nouveau en présence», déclare Paul VI à cette occasion. Cette rencontre constituera une pierre milliaire dans le dialogue œcuménique entre catholiques et orthodoxes après 1 000 ans de schisme.
De ce voyage, on retiendra également la beauté et la profondeur des discours et homélies de Paul VI, déclamée d’une voix forte parfois étranglée par l’émotion, de ses appels vibrants à l’unité entre chrétiens et à la paix, comme celui qu’il lança depuis Bethléem, «patrie terrestre du Christ» lors de la messe qu’il célèbre en la Solennité en l’Épiphanie: «Nous sentons l’impérieux devoir de renouveler aux chefs d’État et à tous ceux qui portent la responsabilité des peuples Notre appel pressant en faveur de la paix du monde. Que les gouvernants entendent ce cri de Notre cœur et qu’ils poursuivent généreusement leurs efforts pour assurer à l’humanité la paix à laquelle elle aspire si ardemment. Qu’ils puisent auprès du Tout-Puissant et au plus intime de leur conscience d’homme une intelligence plus claire, une volonté plus ardente et un esprit renouvelé de concorde et de générosité, afin d’éviter à tout prix au monde les angoisses et les affres d’une nouvelle guerre mondiale, dont les conséquences seraient incalculables. Qu’ils collaborent encore plus efficacement à instaurer la paix dans la vérité, dans la justice, dans la liberté et dans l’amour fraternel. Tel est le vœu que Nous n’avons cessé de présenter à Dieu dans une prière instante tout au tours de ce pèlerinage».
Ce voyage apostolique restera dans toutes les mémoires, à plus d’un titre. Il inaugure en quelque sort la tradition des Papes voyageurs, qui n’hésiteront plus désormais à quitter le Palais apostolique du Vatican pour se rendre aux quatre coins du monde, à la rencontre des fidèles. Et le pèlerinage en Terre Sainte sera désormais un «passage obligé» pour tous les Papes suivants, -Jean-Paul II, Benoît XVI et François.
Article mis à jour le 4 janvier 2020.
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