Les migrants sont «l’image du Christ qui frappe à nos portes»
La situation des migrants est «une grande et grave blessure qui continue à déchirer le début de ce XXIème siècle. Blessure qui crie vers le ciel. Et c’est pourquoi nous ne voulons pas que l’indifférence et le silence soient notre parole», a expliqué le Pape François après un discours d’accueil de l’archevêque de Tanger, en charge des migrants au sein de l’Église catholique du Maroc, et une danse effectuée par quelques enfants africains. «Merci aux enfants qui sont l’espérance. C’est pour eux que nous devons lutter. Ils ont droit à la vie et à la dignité», a lancé le Pape en réagissant à ce petit spectacle.
Faisant allusion à la conférence de Marrakech, qui a entériné il y a quelques mois l’adoption du Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière, François a expliqué que «ce qui est en jeu, c’est le visage que nous voulons nous donner comme société et la valeur de toute vie. Des pas en avant nombreux et positifs ont été faits dans différents domaines, spécialement dans les sociétés développées, mais nous ne pouvons pas oublier que le progrès de nos peuples ne peut pas se mesurer seulement par le développement technologique ou économique. Il dépend surtout de la capacité de se laisser remuer et toucher par celui qui frappe à la porte et qui avec son regard discrédite et prive d’autorité toutes les fausses idoles qui hypothèquent la vie et la réduisent en esclavage; idoles qui promettent un bonheur illusoire et éphémère, construit aux marges de la réalité et de la souffrance des autres.»
Accueillir, protéger, promouvoir, intégrer : le leitmotiv d’une action efficace
François a rappelé que les quatre verbes «accueillir, protéger, promouvoir et intégrer» doivent être un cadre de référence pour tous. «On ne peut pas penser des stratégies de grande portée, capables de donner la dignité, en se limitant à des actions d’assistance envers le migrant. C’est quelque chose d’incontournable, mais d’insuffisant. Il est nécessaire que vous, migrants, vous vous sentiez les premiers protagonistes et gérants dans tout ce processus.»
Développant le verbe «accueillir», le Pape a rappelé que l’établissement de canaux migratoires réguliers, avec des voies sûres et légales, «est nécessaire pour ne pas accorder de nouveaux espaces aux ‘marchands de chair humaine’ qui spéculent sur les rêves et sur les besoins des migrants. Tant que cet engagement ne sera pas pleinement réalisé, on devra affronter la pressante réalité des flux irréguliers avec justice, solidarité et miséricorde. Les formes d’expulsion collective, qui ne permettent pas une gestion correcte des cas particuliers, ne doivent pas être acceptées. Par contre les parcours de régularisation extraordinaires, surtout dans le cas de familles et de mineurs, doivent être encouragés et simplifiés.»
Le deuxième verbe, «protéger» signifie assurer la défense «des droits et de la dignité des migrants ainsi que des réfugiés, indépendamment de leur statut migratoire. En regardant la réalité de cette région, la protection doit être assurée avant tout le long des routes migratoires, qui sont souvent, hélas, des théâtres de violence, d’exploitation et d’abus en tous genres. Ici aussi il apparaît nécessaire de porter une attention particulière aux migrants en situation de grande vulnérabilité, aux nombreux mineurs non accompagnés et aux femmes. Il est essentiel de pouvoir garantir à tous une assistance médicale, psychologique et sociale adéquate pour redonner dignité à qui l’a perdue au cours du chemin», a insisté le Pape.
«Promouvoir» signifie «assurer à tous, migrants et autochtones, la possibilité de trouver un milieu sûr où se réaliser intégralement. Cette promotion commence avec la reconnaissance que personne n’est un déchet humain, mais que chacun est porteur d’une richesse personnelle, culturelle et professionnelle qui peut apporter beaucoup de valeur là où il se trouve», a insisté François, en appelant à rejeter toute discrimination et de sentiment xénophobe. «L’apprentissage de la langue locale, comme véhicule essentiel de communication interculturelle, sera vivement encouragé, de même que toute forme positive de responsabilisation des migrants envers la société qui les accueille, apprenant à y respecter les personnes et les liens sociaux, les lois et la culture, pour offrir ainsi une contribution renforcée au développement humain intégral de tous».
Mais François a aussi insisté sur l’importance du développement dans les pays d’origine : «n’oublions pas que la promotion humaine des migrants et de leurs familles commence aussi par les communautés d’origine, là où doit être aussi garanti, avec le droit d’émigrer, celui de ne pas être contraints à émigrer, c’est-à-dire le droit de trouver dans sa patrie des conditions qui permettent une vie digne», a précisé le Pape.
Enfin, le quatrième et dernier verbe, «intégrer », permet de «s’engager dans un processus qui valorise à la fois le patrimoine culturel de la communauté qui accueille et celui des migrants, construisant ainsi une société interculturelle et ouverte», sans «se laisser conditionner par les peurs et par l’ignorance».
L’Église reconnaît les migrants comme l’image du Christ
«Ici il y a un chemin à faire ensemble, comme de vrais compagnons de voyage, un voyage qui nous engage tous, migrants et autochtones, dans l’édification de villes accueillantes, plurielles et attentives aux processus interculturels, des villes capables de valoriser la richesse des différences dans la rencontre de l’autre», a expliqué le Pape argentin, lui-même fils et petits-fils de migrants italiens. «L’Église se tient à vos côtés pour construire avec vous ce qui est le meilleur pour votre vie. Car tout homme a droit à la vie, tout homme a le droit d’avoir des rêves et de pouvoir trouver sa juste place dans notre ‘maison commune’! Toute personne a droit à un avenir», a martelé le Saint-Père, avant de remercier tous ceux qui se mettent au service des migrants, qui sont les images du «Christ lui-même qui frappe à nos portes».
«Que le Seigneur, qui durant son existence terrestre a vécu dans sa propre chair la souffrance de l’exil, bénisse chacun de vous, vous donne la force nécessaire pour ne pas vous décourager et pour être les uns pour les autres "un port sûr" d’accueil», a conclu le Pape François.
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