Le Pape à Budapest: la Croix n’est pas à la mode mais elle guérit
Delphine Allaire - Cité du Vatican
Au moins 75 000 fidèles -chiffre annoncé, variation possible-, nombre de cardinaux et évêques d’Europe centrale, mais aussi le Patriarche œcuménique de Constantinople, ont pris part à la célébration eucharistique sous le ciel bleu de la Place des Héros, au centre de la capitale hongroise.
Dans son homélie, le Pape a indiqué trois voies pour passer de l’admiration à l’imitation de Jésus.
«Aujourd’hui encore, en fixant le regard sur chacun de nous, le Seigneur nous interpelle personnellement: «Mais moi, qui suis-je vraiment pour toi? Pour toi qui suis-je?» «C’est une question qui, adressée à chacun de nous, n’exige pas seulement une réponse exacte, de catéchisme, mais une réponse personnelle, de vie», a affirmé d'emblée l’évêque de Rome, précisant que de cette réponse personnelle naissait le renouvellement de la condition de disciple, qui passe par trois moyens: l’annonce de Jésus, le discernement avec Jésus, le cheminement à la suite de Jésus.
L’annonce de Jésus. À ce «Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je?», Pierre répond que Jésus est le Christ, le Messie. «C’est exact mais incomplet. Il y a toujours le risque d’annoncer une fausse messianité, selon les hommes et non selon Dieu», assure François.
Un serviteur crucifié, non pas un messie puissant
C’est pourquoi Jésus commence, à partir de ce moment, à révéler son identité pascale, celle que nous trouvons dans l’Eucharistie, estime le Pape. «Il explique que sa mission culminera, bien sûr, dans la gloire de la résurrection, mais en passant par l’humiliation de la croix. Jésus impose le silence sur son identité messianique, mais pas sur la croix qui l’attend.»
Conscient de «cette annonce bouleversante», le Souverain pontife déclare que nous pouvons être nous aussi stupéfaits. «Nous aussi, nous voudrions un messie puissant au lieu d’un serviteur crucifié.»
La simplicité d'un Pain qui se laisse rompre
«L’Eucharistie se trouve devant nous pour nous rappeler qui est Dieu. Il ne le fait pas par des mots, mais concrètement, en nous montrant Dieu comme Pain rompu, comme Amour crucifié et donné. Nous pouvons ajouter beaucoup de cérémonies, mais le Seigneur est là, dans la simplicité d’un Pain qui se laisse rompre, distribuer et manger. Pour nous sauver, il se fait serviteur; pour nous donner la vie, il meurt», poursuit l’évêque de Rome.
Deuxième étape du raisonnement du Saint-Père: Le discernement avec Jésus. Face à l’annonce du Seigneur, la réaction de Pierre est typiquement humaine: lorsque la croix se profile, avec la perspective de la souffrance, l’homme se rebelle, explique-t-il, ajoutant: «Et après avoir confessé la messianité de Jésus, Pierre se scandalise des paroles du Maître en tentant de le dissuader d’avancer sur sa voie». Or, relève le Pape, «La croix n’est jamais à la mode: aujourd’hui comme dans le passé. Mais elle guérit au-dedans», a insisté le Pape.
La part de Dieu, la part du monde
C’est devant le Crucifié que nous faisons l’expérience d’une lutte intérieure bénéfique, l’âpre conflit entre le «penser selon Dieu» et le «penser selon les hommes», détaille le Saint-Père. D’un côté, il y a la logique de Dieu, qui est celle de l’amour humble: «La voie de Dieu rejette toute imposition, toute ostentation et triomphalisme, elle est toujours tendue vers le bien d’autrui, jusqu’au sacrifice de soi», assure le Successeur de Pierre. D’un autre côté, il y a le «penser selon les hommes»: c’est la logique du monde, attachée à l’honneur et aux privilèges, tournée vers le prestige et le succès. C’est l’importance et la force qui comptent ici, ce qui attire l’attention du plus grand nombre et sait se faire valoir devant les autres, vilipende le Pape.
Consacrer du temps à l'adoration
Toutefois, selon François, la différence n’est pas entre qui est religieux et qui ne l’est pas. «La différence cruciale est entre le vrai Dieu et le dieu de notre moi», note-t-il. «Combien celui qui règne en silence sur la croix est loin du faux dieu que nous voudrions voir régner par la force et réduire nos ennemis au silence! Combien le Christ qui se propose seulement avec amour est différent des messies puissants et vainqueurs adulés par le monde ! Jésus nous secoue, il ne se contente pas de déclarations de foi, il nous demande de purifier notre religiosité devant sa croix, devant l’Eucharistie», s’est exclamé le Pape, proposant d’intensifier l’adoration, afin «que Jésus nous libère de la servitude paralysante de la défense de notre image, qu’il nous inspire à le suivre là où il veut nous conduire».
Le décentrement libérateur de soi
Enfin, troisième passage pour parvenir à imiter le Christ: Le cheminement à la suite de Jésus. «Le cheminement chrétien n’est pas une poursuite du succès, mais il commence par un certain recul, par un décentrement libérateur, par le fait de se retirer du centre de la vie», indique d’abord François, en vue de passer «de l’admiration stérile du Christ à l’imitation concrète du Christ».
«C’est là que nous pousse l’Eucharistie: nous sentir un seul Corps, nous rompre pour les autres». Et le Pape d’exhorter à cette transformation dans l’Eucharistie à l’image «des grands et courageux» saints hongrois, Étienne et Élisabeth.
«Comme eux, ne nous contentons pas de peu; ne nous résignons pas à une foi qui vit de rites et de répétitions. Ouvrons-nous à la nouveauté scandaleuse de Dieu crucifié et ressuscité, Pain rompu pour donner la vie au monde», développe le Successeur de Pierre, souhaitant que ce 52ème Congrès eucharistique international, point d’arrivée d’un parcours, soit «surtout un point de départ» pour accueillir «le tournant de la grâce».
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