Le Pape souligne que Chypre est un carrefour entre l’Europe et le Moyen-Orient
Cyprien Viet – Cité du Vatican
«Je suis venu en pèlerin dans ce pays, petit par la géographie mais grand par l'histoire; une île qui, au fil des siècles, n'a pas isolé les peuples mais les a reliés; une terre qui a la mer pour frontière; un lieu qui forme la porte orientale de l'Europe et la porte occidentale du Moyen-Orient», a expliqué le Pape François au début de son intervention.
Quelques minutes après avoir déposé des fleurs devant la statue de l’archevêque Makarios, primat de l’Église orthodoxe de Chypre et premier président de la République après l’indépendance en 1960, le Pape François s’est arrêté sur la signification de ce nom. Makarios, qui signifie en grec «bienheureux». «Qui est makarios, qui est vraiment bienheureux selon la foi chrétienne, à laquelle cette terre est inséparablement liée? Tous peuvent être bienheureux, mais surtout les pauvres en esprit, les blessés de la vie, ceux qui vivent avec douceur et miséricorde, ceux qui, sans le montrer, pratiquent la justice et construisent la paix», en expliquant que les Béatitudes sont «la constitution pérenne du christianisme», «la boussole qui guide, sous toutes les latitudes, les itinéraires que les chrétiens affrontent sur le chemin de la vie».
«C'est ici même où l’Europe et l’Orient se rencontrent que la première grande inculturation de l'Évangile a commencé sur le continent, et il est émouvant pour moi de marcher à mon tour sur les pas des grands missionnaires des origines, en particulier les saints Paul, Barnabé et Marc», a souligné l’évêque de Rome.
Un message de beauté et de liberté
«Ce que les premiers chrétiens ont donné au monde par la douce force de l'Esprit était un message de beauté sans précédent, a remarqué François. Ce fut la nouveauté surprenante du bonheur à portée de tous, à gagner les cœurs et les libertés de tant de personnes. Ce pays a un héritage particulier à cet égard, en tant que messager de beauté entre continents.»
Le Pape a souligné la beauté qui jaillit à travers les différentes richesses de l’île: «l’architecture, l’art, notamment l'art sacré, l’artisanat religieux et les nombreux trésors archéologiques. En utilisant une image à partir de la mer qui nous entoure, je dirais que cette île est comme une perle de grande valeur au cœur de la Méditerranée.»
Tissant la métaphore géologique, François a expliqué qu’une «perle, en effet, se forme au fil du temps: il faut des années pour que les différentes stratifications la rendent compacte et brillante. De la même façon, la beauté de cette terre provient des cultures qui se sont rencontrées et mélangées au fil des siècles», a expliqué le Pape, en expliquant que Chypre est désormais l’État de l’Union européenne comptant la plus forte proportion d’immigrés.
Alors que la pandémie de Covid-19 continue à entraver la reprise économique, François a martelé que ce n’est «pas la frénésie à rattraper le temps perdu qui garantira un développement solide et durable, mais plutôt l'engagement à promouvoir une société plus saine, notamment à travers une lutte déterminée contre la corruption et les fléaux qui portent atteinte à la dignité de la personne», notamment le trafic des êtres humains, a-t-il insisté.
Ne pas se décourager de rechercher la réconciliation
Évoquant la partition de l’île depuis le conflit de 1974, le Pape a rappelé que «la blessure dont souffre le plus cette terre est la terrible lacération subie au cours des dernières décennies. Je pense à la souffrance intérieure de tous ceux qui ne peuvent pas retourner dans leurs maisons ni dans leurs lieux de culte. Je prie pour votre paix, pour la paix de toute l'île, et je la souhaite de toutes mes forces», a-t-il assuré, invitant les Chypriotes à croire en «la force patiente et douce du dialogue», seul moyen de parvenir à la réconciliation. Le Pape a notamment salué les initiatives très concrètes menées, sur le terrain, pour la sauvegarde du patrimoine religieux.
Même les périodes en apparence peu propices peuvent porter leurs fruits. «C’est encore une fois la perle qui nous le rappelle, lorsqu’elle devient elle-même en tissant, dans une obscure patience, de nouvelles substances avec l'agent qui l'a blessée. Dans ces moments-là, ne laissons pas la haine l'emporter, ne renonçons pas à panser les plaies, n'oublions pas le sort des disparus. Et lorsque vient la tentation du découragement, pensons aux générations futures qui souhaitent hériter d'un monde pacifique, coopératif et uni, qui ne soit pas habité par d'éternelles rivalités et pollué par des querelles non résolues.»
Relier les peuples au lieu de les diviser
Le Pape a rappelé que la Méditerranée est la Mare nostrum, «la mer de tous les peuples qui l’entourent pour être reliés et non divisés. Chypre, carrefour géographique, historique, culturel et religieux, bénéficie de cette position pour mettre en œuvre une action de paix. Qu’elle soit un chantier ouvert pour la paix en Méditerranée», a-t-il exhorté.
«Le continent européen a besoin de réconciliation et d'unité, il a besoin de courage et d'élan pour aller de l'avant. Parce que les murs de la peur et les vetos dictés par des intérêts nationalistes ne contribueront pas à sa progression, pas plus que la reprise économique ne garantira à elle seule sa sécurité et sa stabilité», a averti François.
Il a conclu en rappelant que Chypre fut, selon le récit des Actes des Apôtres, un «tremplin» vers la diffusion du christianisme sur le continent européen, lorsque Paul et Barnabé traversèrent toute l’île. «C'est une joie pour moi de parcourir l'histoire et l'âme de cette terre au cours de ces journées, avec le désir que son aspiration à l'unité et son message de beauté continuent à en guider le chemin. Que Dieu bénisse Chypre!», a lancé le Pape François en grec.
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