À Malte, le rêve du Pape pour les migrants
Xavier Sartre – Malte
Ils sont Somaliens, Nigérians, Érythréens, Soudanais. Ils nourrissaient le rêve de trouver une terre meilleure pour leur assurer un avenir de paix et de liberté. Tout au long de leur route, ils ont perdu des compagnons dans le sable du désert, dans les rues des villes libyennes livrées à l’anarchie, dans des camps de rétention horrifiques sur la côte libyenne, ou bien en mer, à quelques encablures de l’Afrique ou en vue des îles européennes. Deux survivants de ces traversées de la Méditerranée recueillis à Malte, ont témoigné ce dimanche après-midi 3 avril devant le Pape François qui, depuis son voyage à Lampedusa, au tout début de son pontificat, en juillet 2013, les porte toujours dans son cœur et dans ses prières comme il l’a rappelé aux deux cents migrants réunis ce dimanche.
"Une humanité peu ordinaire"
Le thème de ce voyage apostolique à Malte, «Ils nous ont traité avec une humanité peu ordinaire», n’a ainsi jamais eu autant de sens que lors de ce dernier rendez-vous du Pape François au centre pour migrants «Giovanni XXIII Peace Lab». Le Saint-Père l’a reconnu lui-même.
Rappelant l’épisode du naufrage de saint Paul, François a souhaité à Malte «de traiter toujours de cette façon ceux qui débarquent sur ses côtes, d’être vraiment pour eux un port sûr». Répondant à Daniel, venu du Nigéria et à Siriman, lui aussi venu d’Afrique, le Pape a souligné que cette expérience du naufrage vécue par des centaines de milliers de personnes ces dernières années en Méditerranée, «a été tragique» «malheureusement pour beaucoup d’entre eux». Et de rappeler que samedi, 90 personnes ont péri en mer au large de la Libye.
Le naufrage de la civilisation, en écho à Lesbos
Mais le Pape a voulu mettre l’accent sur un autre naufrage, celui de la civilisation comme il le fit à Lesbos en décembre dernier. Pour nous sauver, François propose de se comporter «avec humanité», c’est-à-dire «en regardant les gens non pas comme des numéros, mais pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire des visages, des histoires, simplement des hommes et des femmes, des frères et des sœurs». Et d’inviter à prier pour eux qui «risquent leur vie en mer en quête d’espérance». Et aujourd’hui, le Pape a rappelé toutes les personnes qui fuient les guerres, de l’Ukraine à l’Asie, en passant par l’Afrique et l’Amérique.
Le départ de ces candidats à une vie meilleure, c’est aussi «un déchirement» qui «laisse une blessure profonde sur le chemin de croissance d’un jeune, d’une jeune», a affirmé le Saint-Père. Pour la guérir, il faut du temps et «des expériences riches d’humanité». C’est là que le Peace Lab de Hal Far qu’a visité le Pape a un rôle à jouer. Fondé en 1971 par le père franciscain Dionysus Mintoff, il est aujourd’hui géré par des bénévoles. Pouvant recevoir une cinquantaine de personnes apatrides, il offre aux migrants un enseignement sur les droits de l’homme et la justice, ainsi qu’une aide médicale.
La migration est un signe des temps
Pour le Pape, ce genre de structure doit être un lieu d’humanité. Malgré les difficultés, partout dans le monde, «il y a des personnes et des communautés qui relèvent le défi, conscientes que la réalité des migrations est un signe des temps où la civilisation est en jeu». Bien sûr, «il faut du temps, il faut beaucoup de patience, il faut surtout un amour fait de proximité, de tendresse et de compassion, comme l’est l’amour de Dieu pour nous».
François a fait ainsi un rêve: que les migrants deviennent personnellement «témoins et animateurs d’accueil et de fraternité», «des témoins des valeurs humaines essentielles pour une vie digne et fraternelle». «Vous pouvez faire ressortir cette richesse que vous portez en vous, patrimoine très précieux de l’humanité, et la mettre en commun avec les communautés dans lesquelles vous êtes accueillis et dans les milieux où vous vous insérez». C’est le chemin à suivre, soutient le Pape, «le chemin de la fraternité et de l’amitié sociale».
"Allumer des feux de fraternité"
Il y a un autre rêve, celui des personnes qui quittent tout pour rejoindre une autre terre où ils espèrent trouver liberté et démocratie. Or, ce rêve de millions de migrants est bafoué, car leurs «droits fondamentaux sont violés, parfois malheureusement avec la complicité des autorités compétentes», a dénoncé le Saint-Père, insistant sur ce dernier point avant de mettre en garde: «Ne nous laissons pas tromper par ceux qui disent: il n’y a rien à faire».
La réponse est d’allumer «des feux de fraternité, autour desquels les gens pourront se réchauffer, se relever, reprendre espérance». Et de citer Jean XXIII dont le centre Peace Lab porte le nom: «Que le Christ enflamme le cœur de tous les hommes et leur fasse renverser les barrières qui divisent, resserrer les liens de l’amour mutuel, user de la compréhension à l’égard d’autrui et pardonner à ceux qui leur ont fait du tort».
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