Les nouvelles technologies, un défi persistant pour l'homme contemporain
Olivier Bonnel - Cité du Vatican
L’Académie pontificale pour la Vie tient son assemblée plénière du 20 au 22 février autour du thème "Converger vers la personne. Les technologies émergentes pour le bien commun". En recevant ses membres, le Pape a souhaité axer sa réflexion autour du rapport entre la personne, les nouvelles technologies et le bien commun: «il s'agit d'une frontière délicate où se rencontrent le progrès, l'éthique et la société, et où la foi, dans sa pertinence pérenne, peut apporter une contribution précieuse» a expliqué François. En ce sens, a-t-il précisé, «l'Église ne cesse d'encourager le progrès des sciences et des technologies au service de la dignité de la personne et pour un développement humain "intégral et solidaire"».
Le Pape a pointé trois défis en particulier: les conditions changeantes de la vie humaine dans le monde technologique; l'impact des nouvelles technologies sur la définition même de "l'homme" et de "la relation", avec une référence particulière à la condition des plus vulnérables; et le concept de "connaissance" et ses conséquences.
Premier défi, le changement des conditions de vie de l’homme dans un monde marqué par la technologie. François a cité son prédécesseur Benoît XVI, qui rappelait que la technologie «répond à la même vocation que le travail humain» et que «dans la technologie, considérée comme l'œuvre de son propre génie, l'homme se reconnaît lui-même et réalise sa propre humanité».
«Aujourd'hui, le développement rapide des moyens techniques rend plus intense et plus évidente l'interdépendance entre l'homme et la "maison commune"», a encore noté le Saint-Père, relevant que «la force et l'accélération des interventions sont telles qu'elles produisent des mutations importantes, tant dans l'environnement que dans les conditions de vie de l'homme, avec des effets et des évolutions qui ne sont pas toujours clairs et prévisibles».
Une interconnexion des crises
C’est ce que démontrent les différentes crises, de la pandémie à la crise énergétique, de la crise climatique à la crise migratoire, dont les conséquences s'influencent mutuellement, en s'amplifiant. «Un bon développement technologique ne peut pas ne pas tenir compte de ces interconnexions complexes» a relevé le Pape.
Le deuxième défi concerne l'impact des nouvelles technologies sur la définition de l'"homme" et de la "relation", notamment en ce qui concerne la condition des sujets vulnérables. «Il est évident, a souligné François, que la forme technologique de l'expérience humaine devient chaque jour plus envahissante: dans les distinctions entre "naturel" et "artificiel", "biologique" et "technologique", les critères permettant de discerner le propre de l'humain et du technique deviennent de plus en plus difficiles. Il est donc important de réfléchir sérieusement à la valeur de l'homme lui-même».
La technologie ne peut supplanter le contact humain
Ainsi, «dans le réseau des relations, tant subjectives que communautaires, la technologie ne peut supplanter le contact humain, le virtuel ne peut remplacer le réel, ni le social le social» a expliqué le Pape.
François a aussi pointé le défi de la mise en relation des individus et le lien avec la communauté. «Plus généralement, je pense à l'urgence que la distribution des ressources et l'accès aux soins bénéficient à tous, afin que les inégalités soient réduites et que le soutien nécessaire soit garanti, en particulier pour les plus fragiles, comme les handicapés, les malades et les pauvres», a-t-il relevé.
Face aux mutations technologiques, le Souverain pontife a par ailleurs mis en garde contre une uniformité technologique, qui ferait fi des cultures propres. Il faut donc être vigilant, a-t-il plaidé sur la vitesse des mutations technologiques, et veiller à, lorsqu’elles s'imposent «comme une langue et une culture universelles et homogènes, à faire en sorte que chaque personne grandisse dans son propre style, en développant sa propre capacité à innover sur la base des valeurs de sa propre culture».
Troisième défi enfin: la définition du concept de connaissance et ses conséquences. «Tous les éléments considérés jusqu'ici nous amènent à nous interroger sur nos manières de connaître, sachant que le type de connaissance auquel nous nous livrons a déjà en soi des implications morales» a expliqué François. Évoquant le concept d’homme "augmenté", il a ainsi mis en garde contre la tentation de le réduire à sa seule dimension biologique.
L’apport des traditions religieuses
Citant ses encycliques Laudato ‘Si et Fratelli Tutti, le Pape a souhaité une nouvelle fois rappeler combien «le tout est supérieur aux parties» et que «tout dans le monde est intimement lié». À ce titre, François a fait le vœu que la théologie puisse aussi se renouveler, «il est bon que la théologie s'éloigne des approches éminemment apologétiques, a-t-il plaidé, qu'elle contribue à la définition d'un nouvel humanisme et qu'elle favorise l'écoute et la compréhension mutuelles entre la science, la technologie et la société». Et de mettre en garde: «l’absence de dialogue constructif entre ces réalités appauvrit en effet la confiance mutuelle qui est à la base de toute coexistence humaine et de toute forme d'"amitié sociale"».
Dans son discours, François a tenu enfin à rappeler l’importance de la contribution des différentes traditions religieuses dans cette réflexion. «Elles possèdent une sagesse séculaire, qui peut aider dans ces processus», a-t-il relevé.
«La tâche qui vous attend est énorme», a reconnu le Pape devant les membres de l’Académie pontificale pour la Vie. «Il s'agit de partir des expériences que nous partageons tous en tant qu'êtres humains et de les étudier, en adoptant les perspectives de la complexité, du dialogue transdisciplinaire et de la collaboration entre différents sujets. Mais nous ne devons pas nous décourager: nous savons que le Seigneur ne fait pas de compromis».
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