Le Pape avec les jésuites en Belgique le 28 septembre 2024. Le Pape avec les jésuites en Belgique le 28 septembre 2024.  (Vatican Media)

François: les choses changent, des femmes ont des hautes responsabilités au Vatican

La Civiltà Cattolica publie l'intégralité de l'entretien de François avec 150 confrères jésuites de Belgique, du Luxembourg et des Pays-Bas au Collège Saint-Michel à Bruxelles en septembre dernier. Le Souverain pontife aborde le thème du rôle des femmes et cite Ursula von der Leyen, puis encourage à «n’avoir peur de rien» et à se rendre aux frontières. Il réitère l'invitation à accueillir et intégrer les migrants: «L'Europe n'a plus d'enfants, elle vieillit. Elle a besoin d'eux».

Salvatore Cernuzio - Cité du Vatican

Le thème des femmes et de leur rôle dans l'Église, qui est revenu à plusieurs reprises au cours du voyage du 26 au 29 septembre au Luxembourg et en Belgique, a également été au cœur de la conversation du Pape François avec les 150 jésuites rencontrés à Bruxelles.

La rencontre avec ses frères belges, mais aussi luxembourgeois et néerlandais, a eu lieu au Collège Saint-Michel. Confidentiel, ce temps d’échange s’est déroulé sous forme de questions-réponses sur des thèmes liés à la mission de la Compagnie de Jésus aujourd'hui ou à l'actualité du monde et de l'Église -de la sécularisation à l'inculturation, du Synode aux migrations- et a marqué une respiration avec un chant interprété à la guitare par le supérieur de la région des Pays-Bas, le père Marc Desmet. La Civiltà Cattolica a publié ce mardi le texte intégral du dialogue, dans un article du père Antonio Spadaro qui en souligne la «spontanéité» et l'«immédiateté».

L'Église est “femme”

«L'Église est femme», a répondu François à la question d'un jésuite sur «la difficulté de donner à la femme une place plus juste et plus adéquate dans l'Église». «Je vois la femme sur le chemin des charismes, et je ne veux pas limiter le discours sur le rôle des femmes dans l'Église au thème du ministère», a précisé le Pape. En général, a-t-il dit, «le machisme et le féminisme sont des logiques de marché». Il a souligné qu'il s'efforce actuellement «de plus en plus de faire entrer les femmes au Vatican avec des rôles de plus en plus importants. Et les choses changent: on peut le voir».

Les femmes au Vatican

Le Pape rappelle que le secrétaire du Gouvernorat est une femme (sœur Raffaella Petrini), que le dicastère pour le Développement humain intégral «a aussi une femme comme adjointe» (sœur Alessandra Smerilli), que dans «l'équipe pour la nomination des évêques», il y a trois femmes (Raffaella Petrini, sœur Yvonne Reungoat et Maria Lia Zervino, nommées en 2022 comme membres du Dicastère pour les évêques). «Depuis qu'elles sont là pour sélectionner les candidats, les choses vont beaucoup mieux: elles sont pointues dans leurs jugements», a ajouté le Saint-Père. Même au dicastère pour la Vie consacrée, «l'adjointe est une femme» (sœur Simona Brambilla) et au Conseil pour l'économie, la coordinatrice adjointe est une femme, Charlotte Kreuter-Kirchhoof.

«Bref, les femmes entrent au Vatican avec des rôles à haute responsabilité: nous continuerons sur cette voie. Les choses fonctionnent mieux qu'avant», a assuré François. Il a rappelé également, à cet égard, une anecdote avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen: «Nous parlions d'un problème spécifique et je lui ai demandé: “Mais comment gérez-vous ce genre de problème?” Elle m'a répondu: “De la même manière que tous les autres pays de l'Union européenne”. Elle m'a dit: “De la même manière que toutes les mères”. Sa réponse m'a fait beaucoup réfléchir...»   

L’intégration des migrants

Au cours de l’échange, le Pape a abordé ensuite la question des migrations, qui doit être étudiée en profondeur. Il a énuméré à nouveau les quatre verbes à utiliser pour les migrants: accueillir, accompagner, promouvoir, intégrer. Si cela manque, cela devient «un grave problème». «Un migrant qui n'est pas intégré finit mal, mais aussi la société dans laquelle il se trouve», a prévenu le Souverain pontife, rappelant l'attentat de 2016 précisément en Belgique, à l'aéroport de Zaventem, qui a coûté la vie à 16 personnes, perpétré par deux terroristes affiliés à l’organisation État islamique. «Cette tragédie est aussi le résultat d'un manque d'intégration» et «l'Église doit prendre au sérieux son travail avec les migrants», pour le Pape.      

Une Europe vieillissante

Parallèlement, le Pape François a insisté: «quelque chose qui me tient à cœur», à savoir que «l'Europe de fait plus d'enfants, elle vieillit. Elle a besoin de migrants pour le renouvèlement de la vie. C'est devenu une question de survie».

Il n'y a pas seulement peu d'enfants, mais aussi peu de vocations. Le sujet a été lancé par un religieux: «Comment voyez-vous l'avenir des communautés paroissiales sans prêtres?». «La communauté est plus importante que le prêtre. Le prêtre est un serviteur de la communauté», a répondu le Successeur de Pierre. Il a cité l'exemple de religieuses qui assument un rôle de leader dans certaines parties du monde, comme la congrégation péruvienne de religieuses qui a pour «mission spécifique» d'«aller dans les situations où il n'y a pas de prêtre». Elles font tout: elles prêchent, elles baptisent... «Si finalement un prêtre est envoyé, alors elles vont ailleurs».

Le jésuite ne doit avoir peur de rien

Parlant de mission, le Pape, se concentrant sur le contexte de la Belgique, pays parmi les plus sécularisés d'Europe, a invité les membres de l'ordre de St Ignace à ne pas avoir peur: «Le jésuite ne doit avoir peur de rien. C'est un homme en tension entre deux formes de courage: le courage de chercher Dieu dans la prière et le courage d'aller aux frontières». Comme «maîtres», le Pape a cité le père Matteo Ricci, le père Roberto De Nobili et d'autres grands missionnaires qui «ont fait peur à certains dans l'Église par leur action courageuse» mais qui «ont tracé la limite de l'inculturation». Cette limite «doit être recherchée dans le discernement. Et c'est en priant qu'on la discerne». La prière jésuite «se développe dans des situations limites et difficiles. C'est ce qui fait la beauté de notre spiritualité: prendre des risques».

Concernant le «phénomène complexe» de la sécularisation, François a parlé de «formes de paganisme»: «Nous n'avons pas besoin d'une statue d'un dieu païen pour parler de paganisme: l'environnement même, l'air que nous respirons est un dieu païen gazeux! Nous devons prêcher à cette culture par le témoignage, le service et la foi. Et de l'intérieur, nous devons le faire par la prière». Le service rend le dialogue «fructueux», mais le dialogue est souvent entravé par «un cléricalisme fort» dans l'Église. «Là où il y a du cléricalisme, il n'y a pas de service. Par charité, ne confondez jamais l'évangélisation avec le prosélytisme!»

L'apostolat intellectuel

L'apostolat intellectuel est également important pour le Pape, car il fait partie de la vocation des jésuites qui «doivent être présents dans le monde académique, dans la recherche et aussi dans la communication». Qu'il soit bien clair, a recommandé François, que lorsque les Congrégations générales de la Compagnie de Jésus demandent de s'insérer dans les personnes et dans l'histoire, cela ne signifie pas «jouer au carnaval», mais s'insérer dans les contextes même les plus institutionnels avec une certaine «rigidité», dans le bon sens du terme. Il ne faut pas toujours chercher l'«informalité».

La synodalité, une grâce

Une question est posée sur la synodalité, thématique centrale du synode en cours au Vatican. «La synodalité n'est pas facile, non, et parfois parce qu'il y a des figures d'autorité qui ne font pas émerger le dialogue. Un curé peut prendre des décisions seul, mais il peut le faire avec son conseil. Il en va de même pour un évêque et pour le Pape». François s'est dit confiant qu'avec le Synode, «les choses seront clarifiées précisément par la méthode synodale»: «La synodalité dans l'Église est une grâce! L'autorité se fait dans la synodalité».

Causes de béatification

Enfin, le Pape a confirmé que «la cause du père Pedro Arrupe, supérieur général des jésuites d'origine espagnole de 1965 à 1983, proclamé serviteur de Dieu, est “ouverte”». «Le problème» réside dans la révision des nombreux écrits: l'analyse «prend du temps». Concernant la cause du père Henri De Lubac, autre «grand jésuite» souvent cité, l’évêque de Rome a dit ne pas savoir «si sa cause a été introduite». Tandis qu'à ses confrères, il a révélé ce qu'il annoncera plus tard publiquement lors de la messe de Bruxelles, l’ouverture de la cause du roi Baudouin: «Je m’en suis occupé directement, parce qu'il me semble qu'ici les choses vont dans ce sens».

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08 octobre 2024, 10:47