Le Pape célèbre les 40 ans de la médiation vaticane entre le Chili et l’Argentine
Jean-Benoît Harel – Cité du Vatican
C’est un anniversaire peu banal qui a été fêté ce lundi 25 novembre au Vatican. En effet, à l’occasion des 40 ans du Traité de Paix et d’Amitié entre l’Argentine et le Chili, le Souverain pontife a reçu une délégation de diplomates, de cardinaux et de représentants des deux pays.
Le «long différend territorial» qui a été résolu par ce traité concernait le canal du Beagle, et la délimitation de la frontière. Le Chili d’Augusto Pinochet et l’Argentine de la junte militaire en 1978 se disputaient trois îles à l’extrême sud de l’Amérique du Sud. Grâce à la «médiation papale», d’intenses négociations ont abouti «à une solution digne, raisonnable et équitable», entre «deux peuples frères», a estimé le Pape François. Les îles, majoritairement peuplées de phoques, ont été attribuées au Chili mais les principaux droits de navigation à l’Argentine.
La médiation de Jean-Paul II
Dans une préface écrite en 2009, l’alors cardinal Jorge Mario Bergoglio, avait souligné le rôle des épiscopats dans le suivi des négociations et la médiation, «activité exclusive du Pape». «Il fallut cultiver, soutenir et défendre la médiation papale contre beaucoup de dangers extérieurs, afin qu’elle parvienne à terme, en novembre 1984, pratiquement six ans après», a-t-il rappelé.
Cette médiation effectuée par le Pape Jean-Paul II et ses émissaires (notamment le cardinal le cardinal Antonio Samorè), devait servir à trouver une solution juste et équitable, depuis la Villa Pia dans les jardins du Vatican. «Qu’une solution satisfaisante soit trouvée, grâce à la bonne volonté des deux parties, sur la base de la justice et du droit international, qui exclut le recours à la force», avait émis de ses vœux le Pape polonais. Aujourd’hui, le Pape François a constaté amèrement la réalité de «l'expérience de la tristesse du recours à la force».
La paix et l’amitié
Devant les représentants des deux pays de l’Amérique du sud, le Pape a voulu s’arrêter sur les deux mots-clés du traité: la paix et l’amitié. D’abord, le don de la paix qui pour Jean-Paul II «devait néanmoins exiger un effort quotidien pour le préserver des obstacles qui pourraient s’y opposer et pour encourager tout ce qui pourrait l’enrichir». Le Pape François insiste lui sur «l’exclusion absolue du recours à la force ou à la menace de son usage», alors que le monde actuel fait l’expérience de ce recours à la force.
Ensuite, sur l’amitié, le Saint-Père demande de revenir à l’essentiel, de se faire «mendiants de l’essentiel» car «c’est l’amitié avec Dieu, qui se reflète ensuite dans toutes les autres relations humaines, qui fonde de la joie qui ne manquera jamais». Listant les crises que traverse le monde, comme les guerres, la crise climatique ou les diverses injustices, François appelle à s’arrêter et à s’interroger sur ce qui vaut la peine de vivre, «afin que les cœurs s’ouvrent à la rencontre avec Dieu et que chacun prenne conscience de lui-même, de son prochain et de la réalité».
Un appel à la paix
S’unissant aux messages des évêques d’Argentine et du Chili, François a souhaité «que l’esprit de rencontre et de concorde entre les nations, en Amérique latine et dans le monde entier, désireux de paix, favorise la multiplication d’initiatives et de politiques coordonnées, afin de résoudre les crises sociales et environnementales nombreuses qui affectent les populations de tous les continents, au détriment surtout des plus pauvres».
Ainsi, en célébrant ce 40e anniversaire, le Saint-Père a lancé «au monde un appel renouvelé à la paix et au dialogue». Pour le premier Pape argentin, «l’engagement des deux pays au cours de longues et difficiles négociations, et le fruit de la paix et de l’amitié, sont en effet un modèle à imiter».
Citant l’Ukraine et la Palestine, François a déploré «deux échecs de l’humanité, […] où les gens souffrent, où l'arrogance de l’envahisseur l'emporte sur le dialogue». Toutefois, la diplomatie vaticane tente toujours d’apporter des solutions de dialogue et de paix. Par exemple, en octobre 2024, le cardinal Matteo Zuppi était en Russie pour entretenir le dialogue et discuter de solutions humanitaires.
Enfin, François a pris à partie la communauté internationale, et certains pays «où l'on parle beaucoup de paix, et où les investissements les plus rentables se font dans les usines d'armement». Le Saint-Père y a vu une hypocrisie signant «l'échec de la fraternité, l'échec de la paix».
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