Cardinal Parolin: l'aspect humanitaire de la mission du cardinal Zuppi est essentiel
Interrogé par le journaliste vaticaniste italien, Ignazio Ingrao, le diplomate du Saint-Siège dresse à nouveau le constat d’une troisième guerre mondiale par morceaux, plusieurs fois évoqué par le Pape François. «Une résurgence de groupes opposés» à laquelle il s’agit de ne pas se résigner. Le cardinal Parolin appelle de ce fait à retrouver l'esprit qui a animé la communauté internationale immédiatement après la Seconde guerre mondiale, qui a conduit aux accords d'Helsinki (1975).
«Retrouver ces espérances et ces idéaux qui étaient présents de manière très forte, et qui ont permis de reconstruire le tissu des relations internationales», souhaite le secrétaire d’État. Interrogé ensuite sur les risques d’escalade nucléaire, le cardinal Parolin a déploré que la tendance n’est pas à la réduction des arsenaux, au contraire. Actuellement, neuf États possèdent l’arme nucléaire.
«La position de l'Église est claire, la position du Pape est claire: la possession et l'utilisation d'armes nucléaires sont immorales car elles signifient la destruction de l'humanité et la destruction du monde. Comment l'éviter ? Je crois que le seul moyen est de lancer un programme sérieux de démantèlement de ces arsenaux», a assuré le secrétaire d’État du Saint-Siège.
Ukraine: l’aide d’une organisation internationale pour rapatrier les enfants
Revenant ensuite sur la mission du cardinal Zuppi en Ukraine et en Russie, le cardinal Parolin évoque un aspect humanitaire essentiel: «L'échange de prisonniers et le rapatriement des enfants». Cela nécessitait selon lui un échange avec Moscou. «Je dirais que sur ce point les choses se sont assez bien passées dans la mesure où le cardinal a pu voir Ushakov, le conseiller du président et également Mme Belova. En fait, il y a eu deux réunions avec Ushakov, ce qui signifie que cette attention, cette volonté et cet intérêt du Saint-Siège ont été reçus du côté russe», a-t-il noté.
«Il faudra maintenant trouver des mécanismes pour accroître, appliquer les conclusions auxquelles nous sommes parvenus, probablement avec l'aide d'une organisation internationale qui permettra la mise en œuvre de ces résultats», a ajouté le cardinal italien, confiant ne pas savoir encore «dans quelle mesure» cela pourrait se dessiner.
La paix et la réforme de l'ONU
«La paix en Ukraine devra être une paix juste», a souligné encore le cardinal Parolin. Une paix tenant compte de la dignité des personnes, des droits, des devoirs réciproques. «Sauvegarder le droit international, qui est fondamental. Ce que le Saint-Siège a toujours demandé, c'est que le droit international soit appliqué», estime-t-il, abordant dans l’entretien le sujet de la réforme de l’ONU.
«Une ONU où les intérêts spécifiques et particuliers ne prévalent pas, où les idéologies ne prévalent pas. Une ONU où la dignité de chaque État est respectée sans la prévalence d'États plus forts. Une ONU qui a la capacité de prévenir et de résoudre les conflits, grâce à des mécanismes adaptés. En ce sens, je crois qu'il est nécessaire de réformer l'ONU pour qu'elle redevienne ce qu'elle est dans ses fondements. Des pas ont été faits, ce n'est pas facile...», a-t-il déclaré.
Les tensions en Terre sainte
Le cardinal Parolin a répondu à une question sur la paix en Terre sainte après l’attaque de Jénine cette semaine.
«Malheureusement la situation subit de temps en temps ces accélérations et ces aggravations. La solution ultime, l'horizon sur lequel il faut avancer est celui de la reconnaissance de deux États, c'est la solution au problème des relations entre Israéliens et Palestiniens. Pour parvenir à la solution des deux États, nous avons besoin d'un dialogue direct entre les deux États, qui aujourd'hui, pour autant que je sache, n'existe pas. C'est aussi parce qu'il y a un manque de confiance mutuelle, parce qu'un dialogue ne peut être mené que s'il y a un minimum de confiance mutuelle. Or, cette confiance est aujourd'hui détruite. Mais c'est un peu comme un chat qui se mord la queue, parce que si on ne fait pas quelques petits gestes, quelques gestes réciproques, la confiance ne sera pas retrouvée».
Le premier appel du cardinal est d'éviter le recours à la violence. «Ne jamais utiliser la violence pour résoudre les problèmes parce que la violence, entre-temps, augmente les problèmes d'aujourd'hui et de demain. Ensuite, il faut recommencer à se parler avec un minimum de confiance et chercher ensemble une solution partagée qui apportera certainement la paix et la prospérité dans toute la région, sur la base également des résolutions des Nations unies», a soutenu le secrétaire d’État du Saint-Siège.
La liberté religieuse, pilier des sociétés
Ultime thème de l’interview, la cancel culture et les colonisations idéologiques en Occident: «La liberté religieuse est l'un des piliers des droits de l'homme. L'Église l'a toujours affirmé parce qu'elle touche à la conscience et à la partie la plus intime de l'homme, et cela s'applique à tout le monde, même aux non-croyants. Aujourd'hui, il me semble que l'on tente de réduire de plus en plus les espaces de liberté religieuse. Nous voyons d'une part les attaques continuelles contre les lieux de culte et les gestes continus qui sapent la liberté religieuse, les persécutions qu'il y a dans le monde. Et d'autre part, la tentative d'empêcher la foi et la morale de s'exprimer publiquement».
Enfin à propos de la vision publique de l’homme et de la femme, le cardinal Parolin a relevé: «Nous demandons à pouvoir exprimer publiquement notre vision de l'homme et de la femme. Et je suis convaincu que cette vision est celle qui naît de l'Évangile et qui est enracinée dans la tradition de l'Église. Une vision qui peut vraiment sauvegarder, défendre et promouvoir l'homme et l'humanité dans son ensemble et chaque homme et chaque femme en particulier. La proposition de l'Église en découle, elle n'est pas l'imposition d'une vision particulière. Nous pensons que nous pouvons vraiment aider les hommes et les femmes à être tels et à être heureux par l'adhésion à ces valeurs inspirées par l'Évangile», a-t-il assuré, concluant sur l’importance de la famille comme cellule de la société: «Si les cellules sont saines, le corps l'est aussi».
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