Recherche

Le Général Brice Oligui Nguema, président de Transition du Gabon Le Général Brice Oligui Nguema, président de Transition du Gabon  (AFP or licensors)

Au Gabon, le dialogue national et inclusif se penche sur l'avenir du pays

Le dialogue national et inclusif au Gabon se poursuit jusqu’au 30 avril prochain. Après le «coup de libération» du 26 août 2023, ces assises visent réunir les gabonais autour d’une même table, pour faire l’autopsie de la situation et dessiner la maquette d’un Gabon meilleur pour le futur. Plus de 600 représentants sont réunis à Libreville pour discuter autour de plus de 38 000 propositions. Mgr Jean-Bernard Asseko, porte-parole de ce dialogue, s’est exprimé sur les attentes qui l’entoure.

Entretien réalisé par Stanislas Kambashi, SJ

Depuis le coup d’État du 30 aout 2023, le Gabon est plongé dans une transition politique, avec à sa tête des militaires, arrivés au pouvoir après avoir renversé le président Ali Bongo, dont la réélection avait été proclamée quatre jours plutôt.

Dans l’objectif d’opérer une profonde réforme des institutions, les militaires réunis au sein du «Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI)», présidé par le général Brice Oligui Nguema, ont convoqué un «Dialogue national inclusif». Débuté le 2 avril, ces assises prennent fin le 30 de ce mois. Plus de 600 représentants sont réunis au stade d’Angondje de Libreville, pour discuter autour de plus des 38 000 propositions obtenues aussi bien des gabonais vivant à l’intérieur du pays que de ceux de la diaspora. Confiée à l’Église catholique, la présidence de ces assises est assurée par Mgr Jean Patrick Iba-Ba, président de la Conférence épiscopale.

Mgr Jean-Bernard Asseko, prêtre du diocèse d'Oyem, porte-parole de ce Dialogue national inclusif est revenu sur sa pertinence. Nous vous proposons l’intégralité de l’entretien.

Depuis le 2 avril et jusqu’au 30 de ce mois, se tient le dialogue national au Gabon avec pour objectif une réforme profonde des institutions. Pourriez-vous nous expliquer la nature de ce dialogue? Qu’est-ce qu’on entend par dialogue national, dans le contexte actuel de votre pays, le Gabon?

Depuis le 30 août 2023, le Gabon a connu un coup de libération, que certains appellent coup d'État, mais l'ensemble des Gabonais l’appelle coup de libération parce que nous étions arrivés au point où il y avait, au niveau de notre nation, beaucoup de déceptions, beaucoup de crispations, beaucoup de clivages, et le Gabon était comme un navire en train de faire naufrage. Les Gabonais ont salué avec beaucoup de ferveur le coup de libération opéré par les militaires. Alors, le dialogue national entre dans le programme arrêté par les militaires, désormais au pouvoir au Gabon, qui ont senti la nécessité de faire asseoir autour d’une même table les Gabonais de tous bords, de tous ordres, de toutes classes sociales, intellectuels, politiques, pour que nous arrêtions ensemble une nouvelle maquette de notre nation.

Quelle est la nature de ce dialogue national inclusif qui réunit les Gabonais?

C’est un dialogue qui n’est pas politique comme les dialogues antérieurs, mais national et inclusif dans la mesure où il intègre toutes les classes et il intègre les politiques de tous les partis. Et d'ailleurs, aujourd'hui, les militaires ne voudraient plus entendre parler de clivages politiques, donc de partis politiques. Ils voudraient que les Gabonais, unis dans la concorde et la fraternité, telle que définie par notre hymne national, s’assoient ensemble dans un esprit convivial et fraternel pour bâtir ensemble l'avenir de notre pays.

Suivre l'entretien avec Mgr Jean-Bernard Asseko, porte-parole du Dialogue national inclusif au Gabon

Quels sont les objectifs de ce dialogue national inclusif?

Le premier objectif c'est donc de réussir à réunir autour de la même table, l'ensemble des filles et des fils du Gabon pour discuter ensemble, examiner les problèmes que connaît notre nation, chercher des solutions, arrêter les solutions dans un ordre d'urgence retenu, et donner à notre pays une nouvelle crédibilité. Faire en sorte que les Gabonais retrouvent leur fierté d'être Gabonais, et qu'ils retrouvent des objectifs non plus individuels, mais collectifs, communs à tout le monde. Donc c'est un dialogue national inclusif qui vise le portrait d'une nouvelle maquette pour l'avenir de notre pays. Les Gabonais attendent que la constitution gabonaise, qui a été revue plusieurs fois et taillée sur mesure d'une constitution personnalisée, redevienne une constitution qui régisse notre vivre ensemble, sans tenir compte des individualités. Les Gabonais attendent que ce dialogue national restaure une dignité sociale, en s'occupant des problèmes sociaux et économiques de l'ensemble des Gabonais. Ils attendent qu'au sortir de ce dialogue national inclusif, n'accèdent au pouvoir au Gabon que des personnes, que le peuple aura voulues à la tête du pays et des affaires. Mais les Gabonais attendent beaucoup que ce dialogue national augmente leur pouvoir d'achat, donc un meilleur vivre ensemble.

À vous entendre parler, c'est comme si tous les Gabonais fondaient leur espoir sur ce dialogue. Est-ce que l'opinion est largement partagée?

L'opinion est largement partagée parce que même les opposants la partagent. L’idée est d’amener tous à regarder chacun vers la même direction, à regarder ensemble vers la même direction, en faisant fi des frustrations, en faisant fi des blessures et en pratiquant le pardon. Donc c'est pourquoi ce dialogue va être un dialogue en même temps apaisant, apaisant parce que les fruits, c'est-à-dire les résultats de ce dialogue ne viendront pas de la majorité ou bien de l'opposition, les fruits seront des mesures consensuelles. Et le peuple qui nous regarde réalise que tous sont assis à la même table, même des Gabonais qui hier étaient opposants. Donc des Gabonais qui hier étaient antagonistes, des Gabonais qui hier n'arrivaient pas à se parler, sont désormais assis à la même table pour définir l'avenir de notre pays. Et ça, c'est quelque chose d'exceptionnel et de formidable.

L'Église a été conviée à participer à ces Assises nationales qui sont présidées par le président de la Conférence épiscopale, Mgr Jean-Patrick Iba-Ba. Tout d'abord, qu'est-ce que cela signifie que la présidence de ces Assises soit confiée à l'Église. Pourquoi ce choix?

C'est justement pour une certaine forme de décrispation. Parce que l'Église n'est pas militante sur le plan politique, l'Église est là pour tout le monde. Elle est celle qui témoigne de sa neutralité et qui fait amener la réconciliation, l'amour, la paix. Donc c'est pour cette raison que, pas seulement l'Église, mais les confessions religieuses, parce qu'à côté des confessions chrétiennes et de l'islam, il y a aussi des religions traditionnelles. On a invité les chefs religieux à prendre le capitainat de ce bateau, dans lequel est embarqué l'ensemble des Gabonais de tous bords. Et voilà donc c'est une forme de pentecôte.

Quelle est la contribution de l'Église elle-même à ce dialogue national?

L'Église s'attelle à rassembler les Gabonais. Nous le faisons par notre présence, par des prières, et aussi par le discernement. L'Église va nécessairement réussir le rôle qui lui est assigné par les prières abondantes, qui sont organisées dans la plupart de nos diocèses aujourd'hui, dans la plupart de nos paroisses, parce que pendant que l'archevêque et les autres évêques et l'ensemble du corps du Christ est au front, ici sur le site d'Angondje pour ce dialogue, l'ensemble du peuple de Dieu qui est au Gabon est en prière pour que la victoire sur les Amalécites, c'est-à-dire tous les ennemis du Gabon, soit obtenue au terme de nos assises ici à Angondje. Je pense que les Gabonais attendent et ils accordent tous ensemble un certain crédit aux confessions religieuses.

Qu’est-ce que l'Église attend de ce dialogue et comment l’accompagne-t-elle?

L'Église a envoyé beaucoup de contributions. D'abord, l'Église a commencé à travailler sur ce dialogue avant les présentes assises à Angondje. L'ensemble des diocèses du Gabon et l'ensemble des autres confessions religieuses se sont assises pour préparer les lineamenta. Les confessions religieuses ont donc envoyé déjà au niveau du ministère technique, c'est-à-dire le ministère de la réforme des institutions, certaines réformes proposées par nos organes techniques, parce que nous aussi, nous avons au niveau de l'Église du Gabon, des associations chrétiennes qui réfléchissent sur le social, sur la politique et sur l'économie. Donc, ces dons ont été envoyés au ministère technique, et ils sont contenus dans les 38 000 contributions. L'Église n'est pas seule. Toutes les couches sociales ont été sollicitées. L'Église participe donc avec toutes ses couches sociales à la réussite de ce nouveau rendez-vous, qui ne devrait pas décevoir les espoirs de l'ensemble des Gabonnais.

Comment se déroulent les travaux de ce dialogue national?

Le dialogue adopte une stratégie, un plan de travail et une méthodologie qui fait que l'ensemble des thématiques ont été contenues dans trois commissions. La commission politique, la commission économique et la commission sociale. La commission politique a quatre sous-commissions. La première sous-commission, bien évidemment, porte sur Régime et institutions politiques. La seconde sous-commission, sur la souveraineté nationale. La troisième traite des droits et libertés, la quatrième sous-commission politique traite de la réforme et de l'organisation de l'État. Beaucoup de Gabonais attendent que cette commission apporte suffisamment de réformes pour une meilleure démocratisation de la vie politique au Gabon. La deuxième commission, la commission économique, comporte la sous-commission économie et finances, la sous-commission équipement, infrastructures et travaux publics, la sous-commission emploi, la sous-commission agriculture et environnement. Et là aussi, nous attendons beaucoup de cette sous-commission qui devra permettre au Gabon une meilleure gestion de ses ressources économiques et une meilleure projection sur l'emploi, sur l'agriculture et sur les équipements d’infrastructures. Une meilleure projection parce que jusqu'à maintenant, le Gabon n'est pas autosuffisant sur le plan alimentaire, le Gabon a plein de problèmes d'infrastructures et nous attendons beaucoup de cette sous-commission.

Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici

23 avril 2024, 15:19