Pour M. Raymond Ranjeva, le racisme est un concept de discrimination (Part 2)
Jean-Pierre Bodjoko, SJ – Cité du Vatican
Nous continuons à présenter la pensée de M. Raymond Ranjeva, président de l’académie malgache, ancien vice-président de la Cour internationale de justice, ancien Recteur de l’Université d’Antananarivo et professeur de droit international et de science politique à la même université, qui est intervenu lors de la Conférence internationale sur la xénophobie, le racisme et le nationalisme populiste dans le contexte des migrations mondiales.
Poursuivant sa réflexion, M. Ranjeva a soutenu que la survie de l’humanité était la clé du salut du pauvre migrant. Les Etats et le public, a-t-il estimé, ne sont pas prêts à faire l’effort de dépasser leur confort bureaucratique. La portée de la concomitance de la crise migratoire et de la canicule dans l’hémisphère septentrionale a échappé à l’attention de l’opinion publique. La superposition des cartes représentant les pays de départ, ceux frappés de canicule et les zones de survenance de la crise migratoire, le tout combiné avec le raidissement des options politiques souverainistes montre d’un côté l’apparition de migrants climatiques et de l’autre des liens entre crise migratoire, effet de serre et le réchauffement climatique.
Pour l’ancien vice-président de la Cour internationale de justice, il y a des leçons à tirer de cette situation. Une première leçon : on a à faire à la question de la survie de l’humanité avec la réduction des espaces exploitables et l’apparition de nouvelles zones de départ de déplacements en masse. La planète connaîtra des guerres pour la conservation des surfaces nécessaires aux populations qui n’ont pas d’autres alternatives à la migration.
Ensuite, réduire les termes du problème de la migration globale en paradigmes bureaucratiques et refuser de discuter une politique consommation suicidaire c’est prendre en otage la survie de l’humanité. Ce refus est l’abcès de fixation de la cécité en prétextant, pour ne pas agir, le mythe de la victimisation de la société occidentale et du modèle capitaliste et en refusant d’affronter la question de la survie de l’humanité. Enfin, le mythe lié au dégel du permafrost dont les effets escomptés seraient prometteurs n’est pour le moment pas à l’état d’hypothèse. Il n’y a pas de garantie pour l’enrayement de la tendance à l’aggravation de la menace contre l’humanité.
« Malheureusement souligne le Saint-Père François, il y a une indifférence générale face à ces tragédies qui se produisent en ce moment dans plusieurs régions du monde. Le manque de réaction face à ces drames de nos frères et de nos sœurs est le signe d’un manque de ce sens de responsabilité à l’égard de nos semblables, sur lequel se fonde toute société civile » . Le Saint-Père fait appel à des considérations autres : l’éthique globale et le sort de la société civile.
Face à ces données sinistres, se présente une opportunité pour une espérance : la fin de l’âge d’or de l’économie d’exploitation des hommes et de la terre et la perplexité des prédateurs. Laudato Si’ prend acte de cette donnée.
M. Ranjeva a soutenu aussi une approche autre du paradigme de l’économie politique : Selon lui, contrairement à l’interprétation commune de la proposition de Jean Bodin : « Il n’est de richesse que d’homme », un nouveau paradigme de l’économie politique s’impose. A l’exploitation de l’homme et des ressources de la terre qui a fait la fortune de l’exploitation coloniale, on doit substituer la solidarité intégrale pour satisfaire les attentes. C’est dans cette perspective seule que peut être envisagée la question de l’immigration. Des universités s’y attèlent d’ailleurs.
Les principes du bien commun et de la destination universelle des biens représentent les nouveaux paradigmes de l’économie politique. Il est urgent que leur culture soit effective pour la résorption des problèmes liés à la migration globale. Il s’agit de la promotion du droit à la paix, des droits de l’homme, de l’organisation de la vie sociale dans le respect de l’état de droit, de la satisfaction des besoins essentiels de l’homme y compris la liberté religieuse, du droit à un environnement sain et à l’intégrité de la création.
Option préférentielle pour les pauvres
Le principe de la destination universelle des biens signifie que tout doit être mis en œuvre pour que tout le monde puisse jouir équitablement des biens de la création transformés par les hommes. Il est à la source des droits civils, économiques et sociaux afin que les migrants puissent vivre de manière digne et avec justice dans leur condition par ailleurs précaire.
L’option préférentielle pour les pauvres est le premier enjeu pour la survie de l’humanité face aux défis de migration globale. Elle est la concrétisation effective de la quête de la solidarité universelle avec la mise en place des nouveaux paradigmes de l’économie. L’intérêt effectif pour les pauvres destinés à subir les pires formes d’exploitation « doit se traduire en actes concrets afin de parvenir avec fermeté à une série de réformes nécessaires » . La contradiction au quotidien entre les normes proclamées et l’action suscite la révolte. Aussi des propositions concrètes doivent-elles être envisagées dans le cadre des enjeux de pouvoirs.
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