Mgr Djitangar : il faut éveiller la conscience de notre Eglise
Entretien réalisé par Françoise Niamien - Cité du Vatican
Ma première réaction est d'abord celle du sentiment de la communion de l'Eglise dans la douleur, dans les peines, dans les joies. Particulièrement, en ce moment critique où l'Eglise se remet en question par rapport à sa mission de protection et de recherche d'épanouissement pour tous ses membres. Je crois que nous sommes tous restés très touchés par tout ce que nous avons entendu des uns et des autres. Nous avons été particulièrement touchés par les témoignages. Au Tchad, nous n’avons pas réalisé l’ampleur de la situation, en raison des difficultés liées à la communication. Une occasion donc pour nous de communier à la souffrance, à la douleur de l’Eglise. C’est aussi pour nous une occasion de nous imprégner de la réalité parce que des situations pareilles existent certainement à notre insu. Mais les questions qui demeurent sont celles-ci : comment prévenir, comment guérir, et surtout comment réconcilier les personnes affectées par ce phénomène ?
Je crois que nous avons fait une expérience très forte de communion en Eglise. C'est pour moi une bonne leçon de collégialité dans la réflexion et en même temps cela débouche sur la nécessité de la synodalité, travailler ensemble comme Conférence épiscopale pour aborder ces questions que nous ne pourrions pas aborder chacun de son côté, simplement parce que nous manquons d'expertise. De plus nous avons partagé ce sentiment d'être une seule et même Eglise.
Pensez- vous que ce sommet est un grand pas effectué par l'Eglise face aux cas d'abus sur mineurs ?
Je crois que c'est un grand pas dans la prise de conscience que l'Eglise a de sa mission. Toutefois, il ne faudrait pas considérer le phénomène des abus comme une situation qui ne concerne que l'Eglise. C'est un phénomène de société et ce n'est pas parce que les autres n'en parlent pas que ça n'existe pas. On s'est rendu compte que même dans les familles et dans bien d’organisations ces pratiques sont courantes. Mais l'Eglise devrait être exemplaire dans la remise en question de ces pratiques en commençant par regarder en son sein même si ces pratiques ne sont pas un obstacle majeur à sa mission évangélisatrice. Et je crois que c'est cette prise de conscience qui conduit à considérer l'Eglise comme si elle était la seule coupable. Mais nous prenons sur nous le péché du monde. Je pense qu’en trouvant des solutions, nous pourrons arriver à aider les autres qui n'ont peut-être pas d'autre alternative que le silence.
Et donc ce sommet est un véritable remède à la question des abus ?
Un remède d'abord pour nous les pasteurs car d’une manière ou d’une autre, nous sommes impliqués. C’est aussi un moyen de prévenir ce phénomène. Nous sommes invités à revoir comment former les pasteurs de demain, à faire face à ce phénomène, non pas seulement pour venir à la rescousse et guérir, mais pour éviter que de telles situations ne se reproduisent dans l'Eglise. Et puis, c’est toute l'Eglise qui est concernée.
Etes-vous désormais en mesure de faire face à d’éventuels cas d'abus dans votre diocèse au niveau de l'Eglise au Tchad ?
Oui, je pense que la première des choses c'est de ne pas faire comme si c'est un problème qui ne concerne que les autres. Je pense que nous devons en premier lieu en parler comme un phénomène dont nous ne serons pas épargnés puisqu’avec les réseaux sociaux, avec les moyens de communication modernes que nous avons, et surtout cette jeunesse et cette propension de nos sociétés à copier tout ce qui vient de l’Occident. Je crois que j’ai le rôle d'éveiller la conscience de notre Eglise sur ce phénomène qui est réel et qui nous touche indirectement.
Quelle sera donc votre priorité une fois de retour au Tchad ?
Nous avons d'autres priorités et je pense qu’en parler d’une manière récurrente risque d’en faire un phonème généralisé. Cependant, il faut respecter la manière dont certains cas sont résolus parce que la méthode d'approche de ce phénomène en Occident ne peut être la même en Afrique. Nous résolvons ce crime en cherchant à reconstruire ce qui est détruit, rétablir le déséquilibre que cet acte a pu provoquer chez la personne dans sa famille ou dans la société. Nos priorités seront surtout de faire en sorte que la famille soit le bastion des valeurs morales et que ces familles soient des lieux où l'éducation aux vraies valeurs se fasse et non pas simplement ce regard toujours admiratif pour l'extérieur.
L'accent est plutôt mis sur la guérison de la victime et le prêtre qui se rend coupable de ses actes ?
On doit amener le coupable à reconnaître son forfait. Souvent, beaucoup n'osent pas en parler parce que le prêtre aura des arguments pour les réfuter. Mais je pense que le prêtre fait partie du peuple de Dieu, un peuple des pécheurs et il est appelé aussi à la conversion et à la repentance. Dans de tels cas, il faut que le prêtre soit le modèle, en confessant le mal qu'il a fait et surtout avec sa responsabilité de pasteur qui doit veiller sur les brebis et non pas le mercenaire qui travaille pour quelques intérêts sordides. Cette prise de conscience est importante pour les prêtres. Même s'il y a des arrangements à l’africaine, il y a aussi une question de justice par rapport à la communauté qui a été blessée, par rapport à l'Eglise.
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