Pour le préfet du dicastère pour la communication, « les nouveaux médias nous lancent de nouveaux défis »
Cédric Mouzou, SJ – Cité du Vatican
Ouvertes le 25 mars 2019 à Marrakech, les activités de la 12ème Assemblée générale de l’Union Africaine de Radiodiffusion, réunis plusieurs experts de medias africains pour discuter sur l’influence des nouveaux medias sur l’audiovisuel en Afrique. Un thème d’actualité car les nouveaux médias nous lancent de nouveaux défis, selon Paolo Ruffini, préfet du dicastère pour la communication du Saint-Siège.
"Des défis multidimensionnels"
Ce sont précisément des défis posés par les nouveaux médias qui sont au cœur du message de Ruffini. Même si l’assemblée se concentre sur le contexte africain, le préfet du dicastère pour la communication, appelle les congressistes à prendre en compte l’universalité de la révolution du numérique. Aujourd'hui, précise-t-il, « la production médiatique converge vers une plate-forme unique, où l'écriture, le son et l'image se retrouvent tous sur le web, alors que la plupart des moyens techniques, opérationnels, il y a seulement une décennie, sont marginalisés ». En même temps, la commercialisation et l'échange de programmes sont confrontés à un nouveau défi où, par exemple, « il est difficile de garantir les droits d'auteur ou de protéger les producteurs à petit budget ». Nous devons donc repenser l'ensemble du système de production et de distribution, estime Ruffini. Un grand défis donc pour les médias. « L’Afrique, en tout état de cause, ne devrait pas être pénalisée sur les marchés monopolisés par les grands producteurs et ses médias ne devraient pas servir de tremplin aux industries les plus puissantes qui peuvent envahir le marché africain. » Le préfet du dicastère pour la communication met en garde : « Si les nouveaux médias changent l’univers de la communication, notamment par la dématérialisation des contenus, ce basculement ne doit pas faire oublier la dimension humaine, même dans sa production au niveau de l’industrie. »
"Il est nécessaire de se mettre à l’écoute et de s’ouvrir au dialogue"
Evoquant le message du Pape pour la 53e journée mondiale des communications sociales, Paolo Ruffini souligne que « les nouveaux médias n’influencent donc pas seulement l’industrie de l’audiovisuel africain. Ils influencent aussi nos manières d’être, de vivre, de nous situer par rapport aux autres. Nous ne pouvons pas éluder ces dimensions. » En effet, comme l'a souligné le Pape François dans son Message pour la 53e Journée mondiale des communications, si Internet représente « une possibilité extraordinaire d'accès au savoir », il est également vrai qu' « il s'est révélé être l'un des lieux les plus exposés à la désinformation et à la déformation » des faits et des relations interpersonnelles, « qui prennent souvent la forme de discrédit ».
Le préfet du dicastère pour la communication reste convaincu que la communication peut unir ou diviser. Pour Ruffini, « Il est ainsi nécessaire de se mettre à l’écoute et de s’ouvrir au dialogue. Car, écrit-il , « le dialogue révèle la vérité et la vérité se nourrit du dialogue ». Citant une fois encore le Pape qui qualifie les journalistes du titre de « chercheurs de la vérité », Paolo Ruffini estime que les journalistes doivent aller au-delà des apparences, ne se contentant pas de stéréotypes, de réponses faciles, de boucs émissaires ou d’un prétendu sauveur de la Patrie. » D’où, son souhait pour cette assemblée : « Je vous souhaite donc, d’avoir des échanges fructueux, dans le dialogue, pour trouver les voies et les moyens d’introduire les nouveaux médias dans l’industrie de l’audiovisuel africain ».
Voici l’intégralité du Message
Message du Préfet du Dicastère pour la Communication du Saint-Siège
12ème Assemblée générale de l’Union Africaine de Radiodiffusion
Marrakech-Maroc
Monsieur le Président de l’Union Africaine de Radiodiffusion,
Monsieur le Directeur Général de l’Union Africaine de Radiodiffusion,
Distingués membres et autorités,
Une fois de plus, le Saint-Siège, par le biais du Dicastère pour la communication, est heureux d’avoir reçu l’invitation à participer à l’Assemblée Générale de l’Union Africaine de Radiodiffusion. C’est donc un honneur pour nous de nous sentir proches de ce continent si cher aussi au Pape François.
« Les nouveaux médias et leurs influences sur l’industrie de l’audiovisuel africain », tel est le thème que vous avez choisi pour cette 12ème Assemblée générale. C’est un thème qui est vraiment d’actualité car les nouveaux médias nous lancent de nouveaux défis. Et ces défis sont multidimensionnels.
Même si votre assemblée se concentre sur le contexte africain, la révolution du numérique est universelle et nous met tous face à des réalités nouvelles : la plupart des moyens techniques qui étaient opérationnels il y a seulement une dizaine d’années, sont presque marginalisés quand ils ne sont pas abandonnés. Dans ce sens, les moyens techniques modernes chamboulent le fondement même des industries de contenus de sons et d’images. L’implémentation des médias qui, à un certain moment, se faisait de façon autonome, converge de nos jours vers une plateforme unique où l’écrit, le son et l’image se retrouvent tous dans les portails ou le web. En même temps, la commercialisation ou l’échange des programmes affronte un nouveau défi où il est difficile d’assurer par exemple les droits d’auteur ou de protéger les producteurs à faible budget. Du coup, il faut repenser tout le système de production, de distribution. Voilà un défi majeur auquel les médias sont confrontés. Comment donc l’Afrique peut-elle s’insérer dans ce mouvement d’ensemble où souvent des entreprises géantes cherchent à avoir le monopole de la production et de la distribution ? Ou encore, comment faire face à la dualité révolution-adaptation dans le domaine des médias, en général ? Voilà des interrogations qui interpellent.
Il ne faudrait pas, en tout cas, que l’Afrique soit pénalisée face aux marchés monopolisés par de grands producteurs, ou que ses médias servent de tremplin pour les industries plus puissantes qui peuvent envahir le marché africain.
Si les nouveaux médias changent l’univers de la communication, notamment par la dématérialisation des contenus, ce basculement ne doit pas faire oublier la dimension humaine, même dans sa production au niveau de l’industrie.
Le Saint-Père a justement soutenu dans son message pour la 53ème Journée mondiale des communications sociales que « de nombreux experts, cependant, à propos des transformations profondes imprimées par la technologie aux logiques de production, de circulation et d’utilisation des contenus, soulignent également les risques qui menacent la recherche et le partage d’une information authentique à l’échelle globale. Si l’Internet représente une possibilité extraordinaire d’accès au savoir, il est également vrai qu’il s’est avéré l’un des lieux les plus exposés à la désinformation et à la distorsion consciente et ciblée des faits et des relations interpersonnelles, qui souvent prennent la forme de discrédit ». (Message du pape François pour la 53ème Journée mondiale des communications sociales)
Il faudrait en outre, souligne le Pape François dans ce même message, que « l’image du réseau nous invite à réfléchir sur la multiplicité des parcours et des nœuds qui en assurent la solidité, en l’absence d’un centre, d’une structure hiérarchique, d’une organisation de type vertical. Le réseau fonctionne grâce à la coparticipation de tous les éléments ».
Les nouveaux médias n’influencent donc pas seulement l’industrie de l’audiovisuel africain. Ils influencent aussi nos manières d’être, de vivre, de nous situer par rapport aux autres. Nous ne pouvons pas éluder ces dimensions.
Et ma conviction est que la communication peut unir ou diviser. Et encore une fois, dans son message pour la Journée des communications sociales de cette année, le Saint-Père a bien souligné combien « la communication se réalise uniquement dans la réalité ». Il est ainsi nécessaire de se mettre à l’écoute et de s’ouvrir au dialogue. Car « le dialogue révèle la vérité et la vérité se nourrit du dialogue ». Le Pape qualifie les journalistes du titre de « chercheurs de la vérité ». Ils doivent aller au-delà des apparences, ne se contentant pas de stéréotypes, de réponses faciles, de boucs émissaires ou d’un prétendu sauveur de la Patrie.
Je vous souhaite donc, d’avoir des échanges fructueux, dans le dialogue, pour trouver les voies et les moyens d’introduire les nouveaux médias dans l’industrie de l’audiovisuel africain. A juste titre, le forum tenu en marge de cette assemblée, ayant pour thème « Apport des régulateurs dans le processus du passage de l’Analogique au Numérique », est en symbiose avec le thème de votre 12ème Assemblée générale. Il est par ailleurs le prolongement du forum qui vous avez organisé à Kigali en 2018, sur « Le processus du passage de l’analogique au numérique en cours sur l’ensemble du continent : Batailles autour de la TNT ».
Monsieur le Président de l’Union africaine de radiodiffusion,
Monsieur le Directeur Général de l’Union africaine de radiodiffusion,
Distingués membres et autorités,
Au nom du Saint-Père, tout en souhaitant un franc succès à votre rencontre, je vous transmets mes salutations respectueuses et fraternelles qui symbolisent l’esprit de collaboration qui existe entre les médias du Saint-Siège dont j’ai la responsabilité et l’Union Africaine de Radiodiffusion.
Paolo Ruffini
Préfet du Dicastère pour la Communication
Cité du Vatican, le 25 mars 2019
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