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Père Jean-Baptiste Ganza, SJ, supérieur régional des jésuites du Rwanda et du Burundi (Ph. : JP Bodjoko, SJ/Vaticannews) Père Jean-Baptiste Ganza, SJ, supérieur régional des jésuites du Rwanda et du Burundi (Ph. : JP Bodjoko, SJ/Vaticannews) 

Rwanda : « Réinventer la théologie après le génocide au Rwanda : défis et espoirs »

Les jésuites de la région du Rwanda et du Burundi organisent du 20 au 22 juin 2019 à Kigali, la capitale rwandaise, une conférence internationale avec pour thème : « Réinventer la théologie après le génocide au Rwanda : défis et espoirs ».

Entretien réalisé par Jean-Pierre Bodjoko, SJ – Cité du Vatican

Cette conférence intervient en marge de la célébration du 25e anniversaire du génocide au Rwanda. En invitant des penseurs, des chercheurs, des théologiens de tous bords, les organisateurs entendent ainsi apporter leur contribution à cette discussion bénéfique pour le pays.
Pour le Père Jean-Baptiste Ganza, supérieur régional des jésuites du Rwanda et du Burundi, l’objectif de ladite conférence est d’échanger et de faire une évaluation, 25 ans après le génocide. Mais aussi, d’être présent avec le peuple rwandais, en l’accompagnant dans le processus de réconciliation. D’où les questions : Comment parler de Dieu à ce peuple ? Comment prêcher le Christ et son amour sur une terre ensanglantée ? Pour atteindre cet objectif, des intervenants, aussi bien du Rwanda que d’ailleurs, tous forts de leurs diverses compétences et qualifications, viennent apporter leur contribution pour éclairer tant soit peu l’opinion, sur cette page de l’histoire du pays dont les stigmates laissés sur le peuple sont encore visibles.

Trois défis importants à souligner

« Le premier défi est celui de la perte de foi, cette conscience de l'absence de Dieu pour un peuple qui sort d'une douleur extrême », relève le Père Ganza, qui estime que l’un des effets du génocide renvoie notamment à la question sur Dieu. « Les victimes se posent des questions sur Dieu. Quel est ce Dieu qui est silencieux, qui laisse le mal vaincre ? Et du coup le premier défi c'est le défi de la foi », souligne le supérieur régional des jésuites du Rwanda et du Burundi qui se demande ainsi « comment prêcher Dieu, son amour et sa puissance à ce peuple qui a appelé Dieu et qui a été massacré pendant 100 jours ».
Le deuxième défi est celui de la pauvreté matérielle. « Les victimes se sont retrouvées avec des propriétés détruites complètement, des familles n'avaient plus de mains d'œuvres, certains enfants étaient abandonnés, ils ont vécu dans des orphelinats et plus tard, évidemment, le gouvernement a encouragé l’adoption, parce que les parents avaient disparu », rappelle le Père Ganza pour qui, à cause de la pauvreté, il s’avère difficile de prêcher à un ventre creux. Certes, le gouvernement et des collaborateurs internationaux ont fait beaucoup de choses, surtout en matière de bâtiments, de maisons d'habitations pour les victimes, les rescapés du génocide. Mais, le Père Ganza continue à croire que beaucoup reste encore à faire. La question de la scolarité des enfants orphelins, par exemple, reste toujours une grande préoccupation.
Le troisième défi est la question de l'unité du peuple. Un peuple blessé et divisé, mais qu’il faut « rapprocher, prêcher, de sorte qu'il se sente encore frère et sœur ». Il s’agit, pour le Père Ganza, de prêcher le pardon. « Celui que les victimes doivent accorder, mais aussi celui que les coupables génocidaires doivent demander. C'est donc aussi un défi pour l'Eglise, les théologiens, aux hommes et aux femmes de Dieu. »

Poser des gestes qui donnent de l'espérance

Un des appels fort de la conférence concerne la question de la justice : « il ne suffit pas de prêcher Dieu, soutient d’emblée le supérieur régional des jésuites du Rwanda et du Burundi. Il faut aussi poser des gestes qui donnent de l'espérance à l’égard des victimes. Car, affirme-t-il, le pays, comme nation, a souffert. Il a perdu des bras, y compris ceux « des personnes qui sont en prison, ou qui ont fui à l'étranger. » le Père Ganza rappelle que « ce sont des enfants du pays qui auraient pu apporter leur contribution à l'édifice d'un Rwanda nouveau, où l'harmonie et la paix régnerait. »

Droit à l’espérance

Il y a beaucoup de signes d'espoir, note sans hésiter le Père Ganza qui explique que l'un des thèmes de cette conférence internationale, est un appel à « voir les miracles que Dieu a opérés depuis le génocide. Ceux que l'on peut voir qui sont visibles, mais aussi ce que l'homme de Dieu doit voir, qui n’est rien d’autre que la main invisible de Dieu, pour rassurer les Rwandais en leur disant : écoutez, ne vous laissez pas emprisonner par la tristesse, par l'échec de l'humain, l’échec de l'amour. Voyez aussi ce que Dieu a fait, voyez dans les vingt-cinq années, ce que Dieu a accompli parmi nous pour reprendre la foi, pour nourrir encore l'espérance ».

Forte solidarité

Les organisateurs de ce rendez-vous sont convaincus que l’humanité est une et que le drame survenu au Rwanda, il y a 25 ans, et qui a démoli la nation en faisant de nombreuses victimes sur le sol rwandais, est une blessure à toute l’humanité. Cela suffit pour attirer l’attention de toute l’humanité. « Au niveau des Nations unies, ils ont créé un tribunal international pour montrer justement cette solidarité, en disant : c'est l'humanité qui a été attaquée, c'est la Société des Nations qui a été attaquée », indique le Père Ganza qui estime en outre qu’au plan politique, les gouvernants ont fait ce qu'ils devaient faire. Mais au niveau de l'Eglise, il pense que « l'échec de l'évangélisation au Rwanda, remet en question l'évangélisation de toute notre Eglise ».
Toutefois, le Père Ganza rappelle que le Rwanda n’est pas le seul pays à avoir vécu la triste expérience du génocide, il en est même le dernier en date. Mais, souligne le Supérieur des jésuites du Rwanda et du Burundi, « chaque fois qu’il y a une tragédie pareille, l'humanité entière, la communauté internationale doit se retrouver pour trouver la solution au problème ».

Une rencontre aux dimensions multiples

« Nous avons parmi nous des anthropologues, mais il y a une dimension économique aussi. Personnellement, je suis fait d'une étoffe à trois : la théologie morale qui est ma discipline de prédilection, les finances, l’anthropologie dont je détiens une maîtrise », souligne le Père Ganza qui considère « que même si c'est une conférence théologique, nous venons tous avec des bagages d'autres disciplines que nous avons acquises dans notre formation ».
Quid des résolutions au terme de la conférence ?
Les organisateurs de la conférence ont l’intention d’immortaliser cet évènement. Ainsi ils demandent aux intervenants d’apporter leurs dissertations, car « nous allons les mettre ensemble dans un livre collectif pour justement rendre accessibles les pensées échangées et proclamées dans cette conférence ».

Le Père Jean-Baptiste Ganza, SJ au micro de Jean-Pierre Bodjoko, SJ

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19 juin 2019, 11:33