« La vision africaine du monde », une récente publication de l’Abbé Bujo
Jean-Pierre Bodjoko, SJ – Cité du Vatican
L’Abbé Bujo déplore le fait que dans les facultés de théologie, et particulièrement en Afrique noire, on enseigne plus qu'une théologie et une philosophie basées sur des concepts issus de la culture occidentale.
Pour lui, c’est une expérience quand l’on compare la phase qui a suivi immédiatement le Concile Vatican II et la période actuelle. « Je constate que la théologie africaine laisse beaucoup à désirer dans nos grands séminaires et dans nos facultés ». Il prend pour appui le fait que les étudiants africains qui arrivent en Europe après avoir fait des études dans une autre institution en Afrique, ne sont pas très bien informés sur ce qui concerne la vraie tradition africaine. Et a posteriori, soutient-il, « ils n’ont jamais abordé les problèmes d’une réflexion philosophique ou théologique à partir de la culture ou des traditions africaines ».
Développer un enseignement social de l’Eglise sans utiliser les concepts de la loi naturelle classique
L’Abbé Bujo part de la théorie développée par le théologien dominicain Marie-Dominique Chenu dans son livre ‘La doctrine sociale’ de l’Eglise comme idéologie. Le Père Chenu est en fait parti du message que Paul VI avait adressé à l’occasion du 80ème anniversaire de Rerum novarum. Le dominicain soutient que, dans l’enseignement, on ne doit pas procéder à partir des principes de la déduction, mais plutôt à partir de l’induction : A partir de l’enseignement de l’Evangile confronté à la situation moderne, on reconnaît les signes des temps et on les confronte aux instructions de l’Evangile. Dans la logique qu’il développe, il soutient que pour faire la théologie, « on pourrait même essayer de le faire à partir des langues africaines ».
Régression dans la pensée théologique et philosophique en Afrique !
Le constat de l’Abbé Bujo est que les réalités africaines comme par exemple Gacaca au Rwanda, ou ce que l’on appelle Baraza en swahili, qui font partie de la palabre africaine, devraient être intégrées dans les réflexions ou l’étude théologique.
« On n’enseigne pas cela dans les grands séminaires, dans les instituts supérieurs de chez nous, comme à la faculté de théologie, alors qu’au Synode africain de 2009, les évêques eux-mêmes avaient exhorté qu’il fallait enseigner les religions africaines », déplore l’Abbé Bujo dans son livre.
Problématique d’un vocabulaire contextuel chrétien
L’ouvrage de l’abbé Bujo a trois parties. Dans la première partie (L’homme et son univers), l’auteur évoque notamment la problématique d’un vocabulaire contextuel chrétien. Il voudrait par-là dire qu’il ne faudrait pas partir seulement de la loi naturelle, mais aussi des concepts des personnes, parce qu’en Afrique, « la personne humaine se constitue à partir de la relation, relation où chacun devient pour chacun un principe de vie ».
Principe fondamental de l’agir humain
L’auteur de La vision africaine du monde aborde dans cette deuxième partie plusieurs aspects des réalités africaines qui concourent à la réflexion théologique. Il focalise sa réflexion sur la communauté tridimensionnelle qui est unie : communauté partielle des vivants, communauté partielle des morts et communauté partielle des non-encore-nés. Cette communauté tridimensionnelle reste présente dans l’agir africain ou dans la conception de la vie.
Le bien commun dans la perspective africaine
L’Abbé Bujo illustre la troisième partie de son livre avec plusieurs aspects concrets dont la Caritas et sa diaconie en Afrique, car, pour lui, « la Caritas est quelque chose qui met en évidence l’Eglise dans la société moderne ». Mais il évoque aussi la technologie moderne, la civilisation numérique, etc.
En définitive…
Dans les réflexions conclusives de son livre l’Abbé Bujo exprime l’idée de sélectionner, pour l’enseignement de la théologie, quelques langues africaines comme le swahili, le wolof… en expliquant que les expressions africaines ne s’identifient pas forcément avec celles venues de la culture extérieure du continent.
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