EVEQUES DU BURUNDI EN VISITE AD LIMINA EVEQUES DU BURUNDI EN VISITE AD LIMINA 

Burundi : « Heureux les artisans de paix… »

A l’approche des élections de 2020 au Burundi, les Evêques catholiques de ce pays ont rendu public leur message intitulé : « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu ». Mgr Bonaventure Nahimana, Evêque de Rutana et Vice-président de la Conférence des Evêques catholiques du Burundi, fait le point sur ce message et en explique le pourquoi :

A l’approche des élections de 2020 au Burundi, les Evêques catholiques de ce pays ont rendu public leur message intitulé : « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu ».
Mgr Bonaventure Nahimana, Evêque de Rutana et Vice-président de la Conférence des Evêques catholiques du Burundi, fait le point sur ce message et en explique le pourquoi :

Entretien de Jean-Pierre Bodjoko, SJ - Cité du Vatican

Entretien de Jean-Pierre Bodjoko avec Mgr Bonaventure Nahimana

 

Texte intégral du message des Evêques catholiques du Burundi

NB : Le présent texte est la traduction de l’original en kirundi.

MESSAGE DE LA CONFERENCE DES EVEQUES CATHOLIQUES DU BURUNDI EN VUE DES ELECTIONS DE 2020 « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5,9).

Chers frères et sœurs dans la foi, Et vous tous bien-aimés qui voulez du bien à notre pays, 1. Nous, Evêques de l’Eglise Catholique du Burundi, vous souhaitons la paix du Christ. En effet, le Christ est l’unique Roi de la paix véritable. 2. Comme nous en sommes informés ces jours-ci, notre pays se prépare à vivre, l’année prochaine, un événement important où chaque Burundais qui remplit les conditions exigées par la loi sera appelé à voter, pour que de nouveaux responsables de ses différents organes dirigeants soient mis en place, conformément à la Constitution et dans le respect de la liberté dont jouit tout être humain. 3. A telle occasion, nous avons l’habitude de vous adresser un message, pour qu’en notre qualité de Pasteurs et en vertu de notre mission, nous vous invitions à porter le souci de donner sa juste valeur à cette période en évitant de rester indifférents car il s’agit d’un moment lourd de conséquences pour la vie du pays et de ses citoyens. Pour nous chrétiens, la période électorale doit se préparer dans la prière et l’accueil des catéchèses ad hoc habituellement prévues dans l’Eglise Catholique, dans le but d’encourager les communautés et d’interpeller la conscience de chaque chrétien, et même d’éclairer quiconque les accueille avec un cœur disposé à faire le bien. C’est à ces conditions que nous pouvons être le sel et la lumière de la terre au milieu de tous nos concitoyens, car alors nous avons une source où puiser ce témoignage. 4. Tout d’abord nous rendons grâce à Dieu Notre Père à tous pour le pas que nous avons déjà franchi aujourd’hui dans l’édification de la démocratie, fondement de la paix durable et du développement dans notre pays, même si le chemin à parcourir s’avère encore long. En effet, depuis que les Burundais ont signé l’Accord de paix et de réconciliation, en s’engageant à rompre avec l’esprit de division sur lequel était fondé le pouvoir dictatorial et oppressif, nous apprécions que beaucoup de nos concitoyens soient en train de comprendre que les élections sont l’unique voie juste d’opérer l’alternance au pouvoir. Dans cette perspective, nous apprécions également le fait que les Burundais s’habituent progressivement à organiser la gouvernance du pays et à respecter les organes dirigeants, de manière à les laisser terminer le mandat prévu par la loi. Aujourd’hui aussi, même si certains ont du mal à l’accepter, la plupart des Burundais comprennent qu’en cas de conflits, le dialogue est la voie à privilégier pour les résoudre. 5. Nous apprécions également le souci de remplir leur mission que démontrent ceux à qui le pays a confié la responsabilité d’organiser les prochaines élections, cherchant même à donner la possibilité à tous ceux qui voudraient y contribuer de le faire d’une manière significative.
Nous apprécions aussi la manière dont les membres des partis politiques sont en train de s’y préparer même si des lacunes ne manquent pas. Il sont nombreux les faits pour lesquels nous remercions Dieu et ceux qui ont été choisis pour servir à cet égard ceux qui ont été créés à son image, nous ne pouvons pas les relever tous. 6. Mais, bien qu’il y ait beaucoup de choses que nous apprécions, nous ne saurions pas passer sous silence certaines questions préoccupantes et inquiétantes pour bon nombre de Burundais aujourd’hui. - Dans un certain nombre de régions, on observe un mauvais esprit d’étouffer et de violenter certains partis politiques et de persécuter leurs membres, alors que le multipartisme est reconnu au Burundi comme l’affirme l’article 75 de la Constitution de la République du Burundi et que même le Gouvernement autorise les partis politiques à agir publiquement et interpelle leurs membres à se respecter mutuellement dans leurs différences. - Dans certaines régions s’observent des actes de criminalité qui vont même jusqu’aux meurtres fondés sur des mobiles politiques. Dans la plupart des cas, ces actes criminels sont perpétrés contre ceux qui ont des opinions différentes de celles du Gouvernement, et dans beaucoup de cas, la justice ne se presse pas pour montrer qu’elle est en train de punir les coupables conformément à la loi. - Il y a aussi le fait de confondre le parti au pouvoir avec l’administration: l’exemple illustratif est qu’à certains endroits, les jeunes affiliés à ce parti semblent se substituer aux services de sécurité. Une telle pratique sème le désordre qui risque de perturber le climat favorable au processus électoral. - En outre, nous entrons dans le processus électoral au moment où beaucoup de nos frères et sœur burundais sont encore en train de souffrir en exil à l’étranger car, ils considèrent que la question qui les a poussés à s’exiler n’est pas encore résolue. Il serait bon et ce serait agréable pour nous si nous entrions dans les élections après que tous les réfugiés soient déjà rentrés et d’une manière volontaire, sans contrainte. - Il y a également la pauvreté qui menace la plupart des Burundais et qui peut entraîner certains à être corrompus pour voter ceux qui n’ont pas de bons projets de société. - Il y a même la politisation des enfants ainsi que d’autres faits répréhensibles, que peut-être chacun d’entre vous observe autour de lui et que nous n’énumérons pas. Nous aimerions alors vous tranquilliser et vous prodiguer des conseils. 7. Chers frères et sœurs dans la foi, et vous tous bien-aimés qui voulez du bien à notre pays, - Même s’il y a ces situations ambiguës que nous venons de vous signaler et qui nous font souffrir, et d’autres que vous pouvez vous-mêmes constater là où vous êtes, Nous, Vos Pasteurs, vous tranquillisons beaucoup pour qu’il n’ y en ait pas qui se découragent. Rappelons-nous toujours que, nous les chrétiens, en vertu de notre mission, nous sommes appelés à être les artisans de paix partout où nous sommes et en tout temps. En effet, Notre Seigneur Jésus Christ nous dit ceci: « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5,9). Pour cette raison, nous lançons un appel vibrant à vous tous, chrétiens et personnes qui veulent du bien à ce pays : ne permettez à personne de vous entraîner dans une voie qui est de nature à semer le désordre ou la révolte, puisque cela est contraire au processus de paix qui caractérise le chrétien et tout homme de Dieu et une telle voie n’a comme issue que les pleurs et la désolation. 8. Chers chrétiens engagés dans différents organes dirigeants de notre pays, - Dans l’Evangile, le Christ Jésus nous dit ceci: « vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde» (Mt 5,13.16). Nous vous supplions, vous les chrétiens avec qui nous partageons la foi et qui assumez des responsabilités dans des organes dirigeants, que ce soit dans l’Assemblée Nationale et le Sénat, que ce soit dans l’Administration, dans la Justice, dans les Partis politiques et ailleurs, pour que vous rendiez toujours témoignage de la vérité et de la justice, pour que vous soyez des modèles dans l’élaboration et le respect des lois justes. Par exemple la loi qui autorise le fonctionnement de plusieurs partis politiques, il faut qu’elle soit partout respectée. Et un bon chrétien ne pense pas seulement à lui-même, il doit aussi donner des conseils aux autres. En effet, Dieu dit au prophète Ezéchiel: « si tu ne parles pas pour avertir le méchant d'abandonner sa conduite mauvaise afin qu'il vive, le méchant, lui, mourra de sa faute, mais c'est à toi que je demanderai compte de son sang » (Ez 3,18). Rappelez-vous de votre responsabilité, veuillez bien servir le Burundi et les Burundais. Ne soyez pas comme ces pasteurs que Dieu reproche dans le Livre du Prophète Ezéchiel, de ne pas avoir le souci pour le bien des brebis qui leur avait été confiées (cf. Ez 34, 2-11), ou comme ce serviteur à qui le maître avait établi sur les gens de sa maison et qui s’est mis à frapper ses compagnons, à manger et à boire en compagnie des ivrognes (cf. Mt 24, 48-51). Soyez plutôt des modèles véritables, en menant une vie conforme à la vérité et à la justice, en aidant ceux avec qui vous partagez la dignité et la responsabilité pour qu’il n’ y en ait plus qui politisent des enfants. En outre, veillez toujours pour qu’il n’ y en ait pas parmi vous qui oppriment les petites gens et les pauvres en leur demandant des pots de vins, ou en leur infligeant d’autres maux. Et même entre vous, respectez-vous mutuellement dans vos différences et dans vos organes respectifs, servez de modèles pour les autres. 9. Chers jeunes chrétiens, - Beaucoup parmi vous font partie des Mouvements d’Action Catholique et de groupes d’apostolat. Nous ne cessons pas de vous prodiguer des conseils et nous le réitérons même maintenant, étant donné que vous témoignez de l’amour lorsque vous êtes dans les différents Mouvements d’Action Catholique et dans différents groupes d’apostolat, témoignez-le également dans vos communautés quotidiennes et même au sein des différents partis politiques pour ceux qui ont l’âge d’adhérer à un parti politique. Tout comme les différents dirigeants ne cessent de vous le dire dans ces jours-ci, soyez solidaires entre vous dans vos différences au lieu d’être en conflits, évitez un langage et une attitude qui inspirent la violence, consolidez la paix. Et d’ailleurs en vertu du Baptême, vous êtes devenus des créatures nouvelles. Il n’est donc plus juste pour vous de vivre comme des païens qui se haïssent et qui vivent en conflits. Soyez plutôt des apôtres de la paix et reprenez-vous mutuellement. 10. Chers frères et sœurs dans la foi, chers bien-aimés qui veulent du bien à notre pays, Nous ne voulons pas terminer sans vous souhaiter une paix durable, fondée sur la vérité, la justice, la liberté et l’amour. C’est de cette manière que nous nous préparerons aux élections dans la sérénité, sans peur, dans la perspective d’œuvrer pour que même tout ce qui caractérise la démocratie se réalise dans notre pays. Que la Vierge Marie, Reine de la paix, intercède toujours pour nous. Fait à Bujumbura, le 13 septembre 2019. Signé : Vos Evêques de l’Eglise Catholique du Burundi.


 

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24 septembre 2019, 10:34