RDC : Les évêques congolais s’interrogent
Camille Mukoso, SJ – Cité de Vatican
À l’issue de la réunion du comité permanent de la Conférence épiscopale du Congo, les évêques la République démocratique du Congo ont publié, le lundi 2 mars 2020, un message intitulé « Coalition pour quel but ? » dans lequel ils s’interrogent sur les tenants et les aboutissants de l’accord politique signé dans leur pays entre deux groupements (Front Commun pour le Congo et le Cap pour le changement) avant l’élection présidentielle de 2019. Selon les mots mêmes de ce message, « il est inacceptable que le pays soit pris en otage par un accord qui, du reste, est occulte ».
La raison d’être de ce message
Le message des évêques congolais commence, tout d’abord, par clarifier la raison de l’engagement de l’Eglise dans la sphère politique de leur pays. En tant que Pasteurs, écrivent-ils, « nous veillons au bien-être de la population et nous accompagnons les institutions du pays ainsi que les acteurs politiques à s’acquitter consciencieusement de leur mission au service du Peuple ».
Des avancées positives
Les prélats relèvent, ensuite, quelques avancées notables dans la vie politique de leur nation. Ils soulignent, à cet effet, la collaboration et le courage du peuple congolais pour la première alternance au pouvoir dans l’histoire de leur pays. Ils reconnaissent ainsi les efforts consentis, même au prix du sang, pour l’amélioration des conditions de vie et l’avènement d’un Etat de droit. Les évêques saluent également les initiatives entreprises par leurs gouvernants pour le bien de la population. Ils citent notamment la mise en œuvre effective de la gratuité de l’enseignement de base, les perspectives de lutte contre la pauvreté, la décrispation politique et de la libéralisation de l’espace médiatique. Les évêques congolais se félicitent, en outre, de la place que retrouve progressivement la République démocratique du Congo sur l’échiquier international, en même temps qu’ils notent la ratification de l’« Accord-cadre entre le Saint-Siège et la République Démocratique du Congo sur des matières d’intérêt commun », au bénéfice du Peuple congolais.
Un Statu quo inquiétant
Malgré ces points notables, les évêques membres de la Cenco s’inquiètent qu’ après un an « l’alternance au sommet de l’Etat, des crises multiformes surgissent et font planer des inquiétudes sur le changement social vivement attendu ». Au fond, l’épiscopat congolais constate qu’une tension couve au sein de la coalition au pouvoir, charriant derrière elle le désir effréné d’un positionnement politique plutôt que des bons offices à rendre au peuple congolais qui s’enlise, de plus en plus, dans une misère qui ne dit son nom. Pour les prélats, la crise qui mine la coalition au pouvoir affecte le bon fonctionnement de l’appareil de l’État.
Des vérités qui dérangent
Les évêques déplorent en outre les inégalités sociales dans le train-train quotidien des congolais. Il est scandaleux, estiment-ils, qu’une poignée d’acteurs politiques s’enrichissent alors que la majorité de la population s’appauvrit davantage. De même, pensent-ils, il est inacceptable que la corruption continue son chemin parmi ceux-là mêmes qui sont appelés à être des garants du bien commun. Cet état de lieu, écrit l’épiscopat congolais, devient plus alarmant lorsqu’on considère la persistance de l’insécurité dans l’Est du pays, particulièrement dans les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud, où les nombres des morts sont comptés comme jamais avant. Sur cette liste s’ajoute le manque du recensement de la population qui entraine des conflits intercommunautaires, surtout dans les zones où la population redoute la balkanisation du pays.
L’urgence d’un sursaut patriotique
Quoi que ce tableau semble désolant, les évêques congolais demeurent optimistes quant à la capacité de leur pays à sortir du bourbier dans lequel il est enlisé. Ils écrivent : « Nous croyons en la capacité de notre pays à se relever. L’essentiel est d’y mettre la bonne volonté et de s’y engager. Il nous faut un sursaut patriotique. La RD Congo intéresse plusieurs personnes à plusieurs égards, mais personne d’autre ne peut mieux reconstruire ce pays sans la participation de nous-mêmes congolais au premier plan ».
Quelques recommandations
Mus par un tel espoir, les prélats congolais appellent notamment le chef de l’État à poursuivre les efforts pour la restauration de la paix dans les zones gagnées par l’insécurité et à veiller à ce que les enquêtes amorcées sur les détournements de deniers publics ne soient pas un leurre, mais qu’elles aboutissent à des résultats palpables pour l’intérêt du pays.
Ils invitent les élus du peuple congolais à « être sensibles aux peines, aux souffrances et aux aspirations profondes de la population, exprimée légalement, entre autres par des pétitions, etc. ». Les prélats congolais invitent la communauté internationale à « établir des relations justes dans un partenariat franc et sincère, et d’aider la RD Congo à trouver des solutions durables aux crises multiformes dans lesquelles elle se trouve ».
Non je ne mourrai pas, je vivrai
Tout compte fait, les évêques congolais rappellent les paroles du psalmiste : « Si le Seigneur ne bâtit la maison, en vain peinent les bâtisseurs » (Ps 127, 1). Ainsi, ils invitent leurs chrétiens à « « tenir bon et ne pas perdre espoir, car l’espérance ne déçoit jamais (Rm 5,5) ». Ce temps de carême, écrivent-ils, « est pour nous un moment favorable de nous tourner vers le Seigneur et lui confier notre pays ».
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