Centrafrique : Dr Bawa, la Covid-19 et le problème de la stigmatisation sociale
Jean-Paul Kamba, SJ – Cité du Vatican
Le serment d’Hippocrate que fait tout médecin au début de sa profession l'oblige à faire de la santé des patients une priorité absolue. Fort de cette conviction et en raison de son travail comme coordonnateur des activités de lutte contre la covid-19 en Centrafrique, le docteur Maurice Bawa s'est retrouvé en ligne de mire contre le coronavirus. Comme pour d'autres acteurs engagés dans cette lutte, il a aussi contracté le nouveau coronavirus.
Histoire d'une contamination
Dans le cadre de l'exercice de ses fonctions, le médecin centrafricain était en contact quasi permanent avec les malades de la covid-19. A un moment donné, il a commencé à constater quelques signes, dont la fatigue puis la toux. Dans un premier temps, il impute cette fatigue au poids du travail et au sport qu'il pratique. Ensuite, au bout d’une certaine période, s’ajoute le rhume et un peu de toux. C’est alors qu’il prend la résolution de se faire dépister. Résultat, il est déclaré positif à la Covid-19.
Accueillir avec courage le résultat
En recevant ce résultat, le docteur Bawa, soutenu par son épouse, également médecin, témoigne qu’il a opté pour le courage.
Comme le prévoit la procédure en cas de contamination, toute sa famille, son épouse et leurs cinq enfants ont été dépistés. La bonne nouvelle est que personne d’entre ces derniers n'a été déclaré positif, y compris ses autres proches collaborateurs.
La stigmatisation sociale n'a pas sa place
Le fait que l'entourage du médecin centrafricain soit exempté de la contamination, suffit pour démystifier la peur sociale qui gagne les personnes vivant dans l’environnement des malades. Cela revient à dire que la peur hystérique d’être contaminé dès l’instant du contact avec le malade ne se justifie guère dès lors qu’on respecte les mesures de protection qui sont recommandées. D’où, le non-lieu de la stigmatisation des personnes contaminées et leurs proches, explique le docteur Bawa qui reconnaît toutefois que c’est un grand défi pour la société. « Dès que quelqu'un est déclaré positif au nouveau coronavirus, il est stigmatisé et dans certains, se voit obligé de libérer sa maison, son quartier pour laisser les autres en paix », indique-t-il.
Qu'en est-il de vous ?
« Quand j'étais déclaré positif au coronavirus, l'équipe de la riposte devait passer à la maison pour faire le prélèvement auprès des membres de ma famille. Une équipe a alors fait une descente sur terrain avec le personnel bien équipé », raconte le médecin centrafricain qui signale que par ce fait, son entourage avait vite perçu qu'il y avait quelque chose qui clochait dans ce ménage. Comme une trainée de poudre, la nouvelle s'est vite répandue jusqu'à atteindre les quartiers où habitent les ouvriers du nouveau patient à la covid-19. Ceux-ci, poursuit-il, en rentrant le soir dans leurs familles, ils se sont heurtés à des personnes qui les ont agressés estimant qu’ils étaient devenus dangereux pour la santé de tout le quartier.
Isolement : un mot lourd
A l'instar de tous les patients, le docteur Bawa a été isolé à l'hôpital où il bénéficiait d'une prise en charge médicale. Toutefois, il avoue qu'il n'est pas évident de faire l'expérience de l'isolement. Plus d’accès à ses proches, confiné dans un espace qui réduit les mouvements à des aller-retour dans la même pièce, l’expérience est bien plus difficile, témoigne-t-il.
Du positif au négatif et vice versa
Sept jours après avoir suivi la médication préconisée par le médecin à l’hôpital, un test a déclaré le docteur Bawa négatif au nouveau coronavirus. Cependant, il lui a été recommandé de poursuivre son hospitalisation en attendant un second test contrôle pour être libéré. Quelques trois autres tests s’en sont suivis donnant des résultats pour le moins surprenants, positifs. Le docteur Bawa s'est, dès lors, demandé pourquoi cette récidive. Son médecin traitant a alors ajusté d'autres molécules. Sept jours après cette solution, deux tests ou prelevement consécutifs ont été réalisés et ont révélé des résultats négatifs.
Tirer profit et avancer
La covid-19 est une maladie dangereuse et hyper contagieuse, certes. Mais, elle reste une maladie comme toute autre maladie, déclare le coordonnateur du Centre des opérations d'urgence de santé publique en Centrafrique. D’où l'appel à ne pas stigmatiser les personnes malades du nouveau coronavirus. En tant qu’ancien malade de Covid-19, il formule trois recommandations :
Au personnel soignant qui contracte cette maladie, il invite à vivre cette expérience comme une occasion, mieux, une opportunité pour davantage tirer les leçons possibles et se documenter à partir d'une expérience personnelle de la maladie.
A toute la société centrafricaine, le docteur Bawa exhorte à s'abstenir de toute stigmatisation et à apporter un appui aux personnes malades. La stigmatisation, souligne-t-il, est la pire forme de maladie contre laquelle il convient de lutter. Elle tue plus que la Covid-19, car elle prive le malade de toute assistance.
Dans l'esprit du serment d’Hippocrate, il invite tous ses confrères médecins à faire de la santé de toute la population leur préoccupation première surtout en ce temps de la pandémie.
Aussi, comme coordinateur coordonnateur des activités de riposte du nouveau coronavirus dans son pays, le docteur Bawa se réjouit du fait que cette expérience de la maladie lui permet de rebondir à nouveaux frais pour continuer sa lutte contre ce mal planétaire.
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