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Conférence épiscopale du Congo, CENCO/RDC (Photo d'archives) Conférence épiscopale du Congo, CENCO/RDC (Photo d'archives) 

RD Congo : Les évêques alertent

Les évêques de la République démocratique du Congo, en l’occurrence les membres du Comité permanent de la Conférence épiscopale, viennent de signaler la tempête qui se profile à l’horizon dans leur pays à travers leur message rendu public le samedi 27 juin 2020.

Jean-Pierre Bodjoko, SJ* – Cité du Vatican

La République démocratique du Congo est encore loin de connaître des jours tranquilles. La tension est palpable ces jours-ci. Après la saga du jugement de Vital Kamerhe, Directeur de cabinet du Président Félix Tshisekedi, c’est le projet des lois sur la réforme judiciaire qui a mis en ébullition la capitale congolaise, Kinshasa, et pas seulement, avec des manifestations loin d’être pacifiques. C’est dans ce contexte que les évêques de ce pays, membres du Comité permanent, ont publié la déclaration dont le titre est sans équivoque : « Qui sème le vent récolte la tempête ». C’est sans langue de bois que les prélats congolais, après avoir évoqué la situation déjà complexe de la pandémie du nouveau coronavirus, soulèvent leurs préoccupations qui sont aussi celles de la population congolaise et de la communauté internationale. Cette dernière, à travers une déclaration commune des ambassades britannique, canadienne et américaine à Kinshasa n’ont pas caché leur préoccupation « devant les propositions des lois qui pourraient être utilisées pour amoindrir l’indépendance de l’appareil judiciaire ». Les ambassades susmentionnées ont aussi fait allusion à la question épineuse de la réforme de la Commission électorale indépendante, CENI, pour assurer un processus crédible des élections prévues en 2023.

Et voilà que les évêques de République démocratique du Congo, fidèles à leur mission prophétique, voyant le risque et la tournure que peut prendre la situation actuelle du projet de réforme actuelle surtout, interpellent, comme d’habitudes ceux de leurs compatriotes impliqués dans ces dossiers. Tout en condamnant la violence, les Pères de l’Eglise congolaise se disent persuadés « qu’un Etat de droit repose sur des principes démocratiques qui s'inspirent non seulement de la règle de la majorité, mais aussi de la reconnaissance des valeurs morales fondamentales respectueuses de la dignité humaine, de la vie et des droits intangibles et inaliénables de chaque homme ».

Priorité aux intérêts et au bien-être du peuple

Les évêques congolais ne partagent pas l’idée selon laquelle la loi de la majorité est nécessairement synonyme de vérité ou de raison. En outre, estiment-ils, « une majorité parlementaire, si légale soit-elle, perd sa légitimité quand elle est déconnectée des intérêts et du bien-être du peuple ».

Les évêques sont contre les lois taillées sur mesure qui ne servent qu’aux ambitions des politiciens ou de leur appartenance politique. Des agissements qui, à leur entendement, « ne contribuent qu'à la destruction de la cohésion nationale et à la déstabilisation des institutions étatiques ».

Mauvais souvenir des dernières élections

Abordant le dossier de la réorganisation et de la désignation des membres de la Commission électorale indépendante, CENI, les évêques membres du Comité permanent sont catégoriques : « Beaucoup ont même perdu la confiance en notre système électoral. C'est donc une nécessité de rassurer les futurs électeurs de 2023 que les choses ne seront plus comme avant ».

Les prélats congolais suggèrent donc de réformer d’abord, par consensus, le système électoral, « particulièrement la loi électorale », et ensuite penser aux personnes qui doivent l’animer. Pour les évêques, une chose est claire : « éviter d'aligner dans le bureau de la CENI les personnes qui, bien qu’expertes en matière électorale, ont déjà trempé dans les manipulations électorales ».

La voix des évêques sera-t-elle entendue ? Autrement, les mêmes causes produiront les mêmes effets, ou les mêmes méfaits. Tout compte fait, aux yeux des évêques, « les dirigeants feraient mieux de chercher comment protéger la population contre les conséquences de Covid-19 plutôt que de se concentrer pour monter des stratégies des positionnements politiques ».

*Twitter : @JPBodjoko E-mail: jeanpierre.bodjoko@spc.va

Voici l’intégralité de la déclaration des Archevêques et Evêques membres du Comité Permanent de la Conférence Episcopale Nationale du Congo

QUI SEME LE VENT RECOLTE LA TEMPETE (cf.  Osée 8, 7).

Déclaration du Comité Permanent de la CENCO sur la situation tendue relative aux propositions des lois sur la réforme judiciaire et à la désignation des membres du bureau de la CENI

1. Nous, Cardinal, Archevêques et Evêques membres du Comité Permanent de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), en confinement à cause de Covid-l9, sommes préoccupés par le climat socio-politique qui prévaut actuellement à Kinshasa et dans d'autres villes de notre pays.

2.   Nous avons constaté que les propositions des lois sur la réforme judiciaire et l'absence d'un consensus des membres de la Plateforme des confessions religieuses sur la désignation d'un candidat commun à la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) ont suscité de vifs mécontentements au sein des différentes couches de la population congolaise.

3.  C'est pourquoi, percevant le risque du débordement de la violence et fidèles à notre mission prophétique, nous avons décidé d'interpeller nos compatriotes impliqués dans ces dossiers afin de garantir la paix civile.

4.  Tout en partageant le souci du Peuple d'avoir des lois justes et des personnes idoines qui puissent contribuer au développement intégral de notre pays, nous condamnons toute forme de violences et recommandons à tous le recours aux moyens légaux et pacifiques pour exprimer leurs opinions.

5.  Nous sommes persuadés qu'un Etat de droit repose sur des principes démocratiques qui s'inspirent non seulement de la règle de la majorité, mais aussi de la reconnaissance des valeurs morales fondamentales respectueuses de la dignité humaine, de la vie et des droits intangibles et inaliénables de chaque homme. La loi de la majorité n’est pas nécessairement synonyme de vérité ou de raison, ni garantie de cohésion sociale. Une majorité parlementaire, si légale soit-elle, perd sa légitimité quand elle est déconnectée des intérêts et du bien-être du Peuple.

6.  En plus, il est inadmissible que les lois soient taillées sur mesure selon les ambitions des leaders politiques, partis ou des plateformes politiques ou que certains de nos compatriotes montent des stratégies pour vider les Institutions d'appui à la démocratie de leur indépendance fondée sur la Constitution afin de les inféoder à leur diktat. Ces agissements ne contribuent qu'à la destruction de la cohésion nationale et à la déstabilisation des Institutions étatiques.

7. Il est clair que si l’on n’y prend garde, les propositions des lois sous examen à l’Assemblée Nationale porteront atteinte à l'indépendance du pouvoir judiciaire, l'une des options fondamentales que notre Constitution du 16 février 2006 a érigée en dispositions intangibles dans son article 220 (cf. CENCO, La justice grandit une Nation, 10 juillet 2009).

8.     Il en est de même de la désignation des candidats membres du Bureau national de la CENI. Nous dénonçons la tentative des politiques de vouloir faire main basse sur cette Institution d'appui à la démocratie.

9.   Les Congolais gardent encore frais à l'esprit la gestion chaotique des élections de 2018. Beaucoup ont même perdu la confiance en notre système électoral. C'est donc une nécessité de rassurer les futurs électeurs de 2023 que les choses ne seront plus comme avant.

10. Pour y parvenir nous pensons qu’il faudrait préalablement réformer par consensus le système électoral de la RDC, particulièrement la loi électorale et celle portant organisation et fonctionnement de la CENI, d’une part, et éviter d'aligner dans le bureau de la CENI les personnes qui, bien qu’expertes en matière électorale, ont déjà trempé dans les manipulations électorales, d’autre part.

11.  Nous exhortons le Bureau de l'Assemblée Nationale à user de la voie de la sagesse et à surseoir l'examen des projets des lois contestées. En ce qui concerne les candidats animateurs de la CENI, nous demandons qu'il y ait au préalable la réforme de cette institution vitale pour un avenir heureux de notre pays. Chercher à faire passer l'examen de ces questions par des coups de force risquerait de plonger le pays dans le chaos. A l'aube du 60ème anniversaire de l'Indépendance de notre pays, il sied d'écouter le prophète Osée qui nous dit : « Ils sèment le vent, ils récoltent la tempête » (Osée 8, 7).

12. Les voies qui s'élèvent pour protester contre les manipulations politiciennes dans le processus de désignation des membres du bureau de la CENI et contre les propositions des lois sur la réforme judiciaire, indiquent que le Peuple congolais a faim de la justice et de la paix. Le bien-être du Peuple Congolais doit être le souci primordial de tout parti ou plateforme politique.

Pendant que le pays est en état d’urgence sanitaire, les dirigeants feraient mieux de chercher comment protéger la population contre les conséquences de Covid-19 plutôt que de se concentrer pour monter des stratégies des positionnements politiques.

13. Que par l'intercession de la Très Sainte Vierge Marie, Reine de la Paix et Notre-Dame de la Sagesse, le Seigneur Dieu de l'univers illumine nos cœurs et bénisse notre pays.

Fait à Kinshasa, le 27 juin 2020

Archevêques et Evêques membres du Comité Permanent de la CENCO

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28 juin 2020, 09:54