Gabon : « Le coronavirus ne pourra pas nous séparer de l’amour du Christ », dit Monseigneur Madega
Jean-Pierre Bodjoko, SJ* - Cité du Vatican
Comment se porte le diocèse de Mouila ?
Mgr Madega : par la grâce de Dieu, au mois de janvier, nous avons envoyé tous les responsables de famille, tous les enseignants et tous les catéchistes comme missionnaires comme missionnaires dans leurs lieux de vie. Nous avions béni chaque responsable avec la Bible qu’ils devaient introniser en famille et dans chaque lieu qui pouvait regrouper des chrétiens. C’est ainsi qu’au début de la pandémie du coronavirus, nous avions déjà des églises domestiques revigorées par la présence de Jésus, parole vivante venue pour nous sauver. Concernant les activités habituelles, le diocèse est à l’arrêt, dans la mesure où tous les lieux de culte et les églises de toutes les religions ont été fermées. Et donc cela a mis un frein à toutes les grandes activités pastorales.
Comment le diocèse de Mouila a-t-il vécu cette période de la pandémie du coronavirus ?
Avec la fermeture des églises et l’interdiction de rassemblement de plus de dix personnes, le diocèse a vécu et continue à vivre cette pandémie en rappelant justement la présence de Jésus dans chaque famille par la parole de Dieu qui a été intronisée. Et les prêtres continuent de célébrer l’eucharistie dans leurs petites chapelles, mais en n’admettant pas des foules immenses parce qu’il faut respecter la distanciation et les mesures barrières : le port du masque, le lavage fréquent des mains. Notre diocèse est donc en train d’observer toutes ces mesures et, donc, même les célébrations se déroulent dans ces conditions, les églises étant bien sûr fermées.
Et ce sont des mesures diocésaines uniquement ou bien vous vous êtes aussi concertés au niveau de l’épiscopat pour prendre des mesures communes ?
Toutes ces mesures sont respectées dans tout le Gabon, car c’est le gouvernement qui a décidé de la fermeture des églises. Nous, par contre, au niveau de l’église, avions décidé, avant le confinement, qu’au cours des célébrations l’on n’échange pas le signe de paix. Que les fidèles, lorsqu’ils assistent à une cérémonie restreinte, puissent garder une certaine distance. Donc, c’est autant vrai pour le diocèse en particulier et le Gabon en général. La conférence épiscopale s’était retrouvée tout au début, avant que nous ne soyons confinés, parce qu’on a vécu une période où il était difficile de partir d’une ville à l’autre, plus précisément d’une province à l’autre. Et les diocèses sont, plus ou moins, délimités du point de vue des provinces, à quelques exceptions près. Donc, voilà comment nous vivons cette situation. Et, bien sûr, au niveau de ceux qui peuvent avoir des réseaux sociaux, la parole de Dieu est diffusée et mise en ligne par les prêtres. Et, au niveau du diocèse, nous avons un feuillet en ligne qui est diffusé pour les personnes qui peuvent avoir le réseau. Au niveau de toute la nation, nous avons pu obtenir de célébrer la messe dominicale à la télévision. Donc, cette messe est diffusée chaque dimanche à la radio et à la télévision, de telle sorte que les chrétiens qui ne peuvent pas se rendre dans un lieu de culte puissent être en communion, devant la télévision, avec toute l’église universelle. La messe est célébrée à Libreville, où se trouve le siège de la radio et de la télévision nationales. Par ailleurs, des neuvaines ainsi que d’autres exercices de piété sont également mises en ligne pour que les chrétiens puissent les vivre.
Beaucoup de pays africains et européens ont vécu une période de confinement, déconfinement et reconfinement. Quelle est la situation au Gabon pour le moment ?
Le confinement n’est plus total. Pour partir de l’intérieur du pays vers la capitale, les gens peuvent circuler. Par contre, pour quitter la capitale et retourner à l’intérieur du pays, il faut avoir passé le test de la covid-19 et détenir un certificat de non contamination.
Et du point de vue de l’enseignement dans les écoles, dans les séminaires, particulièrement. Comment êtes-vous organisés à ce niveau ?
Au niveau des séminaires, dès lors qu’il n’était plus possible d’avoir des regroupements de plus de dix personnes, le grand séminaire avait été obligé de demander aux grands séminaristes de rentrer chez eux et les cours ont été terminés en ligne. Les étudiants pouvaient donc envoyer des devoirs en ligne et suivre certains enseignements en ligne.
Au niveau des écoles, tout avait été fermé. De l’école maternelle à l’école secondaire et à l’université. Mais, la mesure de déconfinement au niveau des écoles s’est limitée à la réouverture pour ceux qui doivent passer le baccalauréat. Le ministère de l’éducation a effectué le tour de certains établissements pour voir dans quelles conditions les élèves pourraient se préparer aux examens, et plus précisément au baccalauréat. Mais, il n’y a pas de cours pour toutes les autres classes.
Comme évêque et comme pasteur, quelles leçons pouvez-vous tirer de cette pandémie, du point de vue foi et du point de vue pratique religieuse ?
Du point de vue foi, comme ce matin nous avons eu la grâce de méditer le cantique de Jérémie au chapitre 14, nous pourrions paraphraser en disant : « Si je sors dans la campagne, voici les victimes du coronavirus, si j’entre dans la ville, voici les souffrances du coronavirus. Même le prêtre, même le prophète et on ajoutera même l’évêque qui parcourt le pays ou le diocèse ne comprend pas, de fond en comble, toute la portée de cette pandémie. Cependant, sachant que le Seigneur n’abandonne pas les siens et sachant que nous avons demandé au Seigneur de ne pas nous mépriser à cause de son nom et de ses rappeler son alliance, nous pensons et croyons que si le Seigneur est avec nous, il n’existe aucune souffrance qui puisse nous séparer de l’amour du christ. Et donc, là avec Romains 8, nous pouvons dire que « ni le coronavirus, ni la mort, ni la vie, ne pourrons nous séparer de l’amour du Christ ». Au cours de cette période, nous avons davantage vécu les mystères douloureux du Rosaire ; nous avons vécu et nous sommes encore en train de vivre le chemin de croix. Mais, comme pour toute croix, pour tout mystère douloureux, la fin se caractérise toujours par la résurrection et par le mystère glorieux.
Comment est-ce que la population en général, et les fidèles de votre diocèse, en particulier, ont-ils pu vivre cette réalité sociale dans un contexte où les gens sont habitués à gagner leur vie au jour le jour ?
Dans les zones rurales, le problème se pose d’une manière particulière, puisque la population vit des produits de la terre. Mais, c’est plutôt la rareté des produits qui venaient d’ailleurs qui s’est fait sentir pendant une période. Mais comme, avec et sans le confinement, le gouvernement a laissé les produits vivriers circuler, les gens n’ont pas, du moins au niveau de l’intérieur du pays, trop souffert de la faim. Par contre, le manque de moyens de se procurer ces produits s’est fait sentir, puisque les gens confinés, ne pouvaient plus aller au travail et ne pouvaient plus percevoir de salaire. La souffrance s’est fait sentir à ce niveau. Une autre difficulté que l’on a eue à vivre est que, avec le confinement et surtout lorsque la circulation a été interdite de 6h à 18h, il était difficile de se rendre à l’hôpital lorsqu’on avait un malaise la nuit puisque tous les moyens de transport étaient à l’arrêt, à part pour ceux qui disposent d’un moyen de locomotion. Ça l’est encore un tout petit peu aujourd’hui, car le couvre-feu s’étend actuellement de 20 heures à 5 heures du matin.
Y a-t-il eu beaucoup de cas de coronavirus dans votre diocèse et avez-vous enregistré des cas de décès ?
Nous n’avons pas enregistré de décès dû au coronavirus dans notre diocèse, sauf ignorance de ma part. Par contre, nous avons eu des cas de personnes déclarées contaminées au coronavirus. Nous avons aussi eu l’une ou l’autre personne qui a été déclarée contaminée et ensuite a été déclarée non contaminée. On se demande si c’est une guérison qui s’était produite entre-temps ou juste une erreur. Dans tous les cas, il n’y a pas vraiment eu une grande flambée de contaminations au niveau du diocèse. Par contre, au niveau de la nation en général, les personnes testées positives auraient dépassé le nombre de 6000 et Libreville aurait enregistré des cas de décès. En outre, d’après les chiffres publiés, il y aurait aussi eu des cas de guérison. Donc, je demande aux chrétiens de mon diocèse en particulier, aux chrétiens du Gabon, de l’Afrique centrale, de l’Afrique entière et de toute l’humanité d’avoir le courage de se raffermir dans la foi, avec une grande espérance et de ne pas éteindre la flamme de l’amour, de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. Car, tôt ou tard se manifestera la victoire du ressuscité qui, ressuscité des morts ne mourra plus et, sur lui, la mort n’a plus aucun pouvoir. Le coronavirus n’aura pas le dernier mot à Mouila, au Gabon, en Afrique et dans l’humanité. C’est le Christ, qui est le même hier, aujourd’hui et toujours, qui est notre salut. Que les chrétiens vivent cette expérience en ayant les pieds sur terre, en respectant les mesures barrières pour vaincre cette pandémie, dont nous sommes sûrs qu’elle prendra fin tôt ou tard. Que le Christ bénisse l’Afrique et toute l’humanité, qu’il bénisse l’activité du Saint-Père qui préside à la charité et à la communion de toute l’église avec tous les messages qu’il nous envoie et qui nous revigorent et nous encouragent, en communion avec tous les autres dans la foi. Nous croyons également que la Vierge Marie est à nos côtés. Notre Dame de douleur, mais aussi Notre-Dame de l’espérance et Notre-Dame de victoire saura nous obtenir la victoire totale.
*Twitter : @JPBodjoko E-mail : jeanpierre.bodjoko@spc.va
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