Cameroun : Pour Monseigneur Kome, soustrait aux exigences de l’« exister », le Camerounais est devenu un homme sans humanité
Jean-Pierre Bodjoko, SJ* - Cité du Vatican
Mgr Abraham Kome déplore le fait que, depuis un bon moment, le Cameroun ne vit plus dans la perspective de son progrès, mais dans le vertige d’un chaos grandissant. « Les effets de ce chaos rampant sont facilement visibles dans nos villes et villages : ils dérivent, pour une grande part, de la faiblesse des mécanismes gouvernementaux portés par un profond enracinement dans le Jacobinisme, et traversés par le désir de pérenniser le contentement de l'élite dirigeante. Le refus jusqu'à ce jour de donner à notre pays un processus électoral plus à même de porter aux responsabilités ceux que le plus grand nombre aurait librement choisi, apparaît comme un stratagème au service de cette pérennisation aux fruits amères pour le plus grand nombre de citoyens », regrette le président de la Conférence épiscopale du Cameroun.
Le désespoir est mobilisateur
Pour ce dernier, le désespoir est mobilisateur et, ici ou ailleurs, prévient-il, tout stratagème continu fini toujours par susciter en face, des stratégies d'affranchissement. « Ces derniers temps, ces stratégies ont pris chez nous une tournure qualifiée de décisive : il est demandé aux populations qui le jugent pertinent, de « descendre dans la rue» pour y « arracher » un changement de cap », indique Mgr Kome. A ce sujet, ce dernier, qui révèle avoir été interpellé, en tant qu’évêque de Bafang, sur l’attitude à adopter face à cet appel à descendre dans la rue, fait savoir que sa mission, en tant que leader religieux, consiste à éclairer les situations de ce monde à partir des valeurs transversales, à partir de l’Eternel. « Pourquoi la gouvernance actuelle a-t-elle produit une telle détérioration sur le plan des mentalités et du bien-être social ? Parce qu'elle ne s'est pas rappelée à elle- même et aux autres ce que signifie « Exister» », constate Mgr Kome.
Construire le bien de ceux qui nous entourent
A cet effet, il a tenu à souligner que l’expression « Ex-sistere », qui renvoi à « se tenir hors », suggère que nous ne sommes pas faits pour nous préoccuper de nous-mêmes, mais pour construire le bien de ceux qui nous entourent. « C'est ce que le Christ Jésus a fait en quittant son confort céleste et en offrant sa vie par amour pour la créature à sauver (Ph 2, 6-8; Jn 15,13). A l’état actuel des choses nous devons constater, à notre honte éventuellement salutaire, que nous avons réussi à nous soustraire aux exigences de « l'exister » et, le faisant, nous sommes devenus des Hommes sans humanité. La révolution la plus déterminante - mais non exclusive - pour notre société aujourd’hui consiste donc à réapprendre soi-même et à apprendre à nos enfants que Homme n'est pas fait pour le confort de son contentement personnel, mais pour la joie enivrante du don de soi au service du bien commun », indique l’évêque de Bafang.
Eviter un avenir exposé au risque de l’utopisme
A ce sujet, Mgr Kome rappelle que ce bien commun, d'après la Doctrine Sociale de l’Eglise, constitue la plus haute finalité que chaque société doit rechercher, car, explique-t-il, c’est là que se trouve la solidité du sol qui permet à un peuple d’avancer et ce sol solide, selon lui, se construit principalement par le moyen d'une éducation conséquente que chaque parent, qu'il soit biologique ou sociologique, peut efficacement donner, au moment le plus opportun, aux enfants placés sous son autorité.
« J’ai des raisons de penser que tant que cette masse critique d'altruistes éperdument acquis à l'«être bien » de l'ensemble ne sera pas substantiellement constituée, l'avenir sera toujours exposé au risque de l'utopisme. Et tout enthousiasme pourrait très vite muer, en parodiant Alfred de MUSSET en une ivresse de l'emballage », conclut Mgr Kome.
*Twitter : @JPBodjoko E-mail : jeanpierre.bodjoko@spc.va
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