Côte d’Ivoire : le cardinal Kutwa invite au dialogue face aux enjeux de l’élection présidentielle
Jean-Pierre Bodjoko, SJ* (avec Marcel Ariston Blé) – Cité du Vatican
Face à la vie socio-politique de la Côte d’Ivoire qui aborde un virage dangereux, à presque deux mois des joutes présidentielles d’octobre 2020, le cardinal Jean Pierre Kutwa est sorti de son silence et a appelé tous les Ivoiriens « à renouer avec le dialogue pour que la parole, respectueuse des différences, prenne le pas sur les velléités d’embraser le pays ». Au cours de ce point de presse, il a lancé un appel solennel au respect du droit dans la concertation. En outre, le Cardinal Kutwa en a profité pour donner son avis sur la candidature du chef de l’Etat ivoirien à ces prochaines élections, candidature qu’il a qualifiée de « pas nécessaire ».
Ne pas être complice de graves dérapages
La radicalisation des positions, de part et d’autre,…accentuées depuis la déclaration de candidature du Président de la République le 06 aout 2020, a fait savoir le Cardinal-archevêque d’Abidjan, continue d’alimenter le quotidien de la classe politique ivoirienne et ce de manière plus intense à deux mois des joutes présidentielles dans le pays.
Pour ce faire, il a déclaré qu’au vu de l’allure que prennent les évènements, avec les incertitudes qu’ils cachent, il s’est senti obligé de sortir sa réserve pour ne pas « être complice des graves dérapages que le pays a connu en si peu de jours, et que nous souhaitons ne plus revivre (des citoyens d’un même pays, armés de gourdins, de pierres, de machette et d’armes à feu, se sont livrés à des massacres d’un autre âge, causant, comme il fallait s’y attendre, des morts et d’innombrables blessés, sans compter des dégâts matériels énormes).
Devant ce tableau sombre qu’il a qualifié de « spectacle désolant et déshonorant pour le pays et pour l’Afrique », l’archevêque d’Abidjan a invité les acteurs politiques à la non-violence, au dialogue ainsi qu’au respect du droit et des lois. « J’en appelle solennellement à la conscience individuelle et collective afin qu’un terme soit mis à la violence et que place soit fait au dialogue », a-t-il insisté.
La réconciliation
En outre, le cardinal Kutwa a affirmé qu’« il n’y a pas de paix sans justice et il n’y a pas de justice sans pardon ». Pour ce faire, il a exhorté tous les ivoiriens à renouer avec le dialogue pour que la parole, respectueuse des différences, prenne le pas sur les velléités d’embraser le pays.
Dans cet élan de démonstration de forces tous azimuts des partis politiques à l’orée des joutes électorales, le cardinal Kutwa a fait observer que la question primordiale qui doit plutôt cristalliser l’attention de tous est celle de la réconciliation. « En vérité, la réconciliation est plus importante que les élections. Voilà pourquoi, il est totalement erroné de penser qu’il suffit d’organiser des élections, d’en déclarer un vainqueur, pour que les cœurs meurtris soient guéris et que la paix s’installe. J’ose encore une fois nous supplier : laissons-nous réconcilier les uns avec les autres ! Tout ira de soi », a-t-il déclaré.
Pour le Cardinal Kutwa, l’un des moyens pour aller à la réconciliation est le respect des lois que l’on se donne bien plus que les élections.
Abordant la question des interprétations de la loi fondamentale qui divise la classe politique ivoirienne, surtout concernant la candidature du chef de l’Etat ou pas aux prochaines échéances électorales, l’archevêque d’Abidjan s’est voulu clair.
Donner toute sa force à la loi
Pour lui, « il ne devrait pas avoir de lectures différentes, sources des affrontements actuels » car « des explications des rédacteurs de la Constitution ont été suffisamment abondantes et partagées avec la population », mettant à contribution, tous les Ivoiriens, en l’occurrence les intellectuels, hommes de sciences capables d’indépendance intellectuelle et d’exégète méthodique des textes « à emprunter les chemins scientifiques pour sortir de cette crise née de la compréhension de la loi qui fonde toutes les autres ».
Pour conclure, le cardinal Kutwa a appelé les Ivoiriens, dans la concertation, à donner à la loi toute sa force pour qu’elle les aide à vivre dans la justice, la réconciliation et la paix, en vue d’une organisation consensuelle des élections sans violences.
En outre, il a fait savoir qu’il ne peut pas « ne pas se tourner avec respect vers le président de la République, chef de l’Etat, dont la candidature à ces prochaines élections, n’est pas nécessaire », à son humble avis, lui rappelant « son devoir régalien de garant de la Constitution et de l’unité nationale » qui « appelle son implication courageuse, en vue de ramener le calme dans le pays, de rassembler les Ivoiriens, de prendre le temps d’organiser les élections dans un environnement pacifié par la réconciliation ».
*Twitter : @JPBodjoko E-mail : jeanpierre.bodjoko@spc.va
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