Père Siwa : « La réconciliation demeure un préalable à des élections apaisées »
Françoise Niamien – Cité du Vatican
Quelle est votre analyse de la situation pré-électorale ?
L’analyse que nous faisons de la situation pré-électorale n’est pas différente de celle que fait l’Eglise Catholique en Côte d’Ivoire et l’ensemble des hommes de bonne volonté. La situation pré-électorale est préoccupante en Côte d’Ivoire et ne présage pas des élections apaisées. Déjà, de nombreux évènements tristes se sont produits dans plusieurs villes du pays, où on décompte plusieurs morts. Les évêques de Côte d’Ivoire, depuis plusieurs assemblées plénières, avaient lancé des appels à l’apaisement et surtout à l’effectivité de la réconciliation.
Quelles ont été les actions menées sur le terrain pour prévenir cette situation de violence pré- électorale ?
Nous travaillons sur la base de la vision que la conférence épiscopale de Côte d’Ivoire donne à l’apostolat justice et paix. Le plan stratégique qui a été établi donne une place très importante à la réconciliation.
Nos secrétariats diocésains ont travaillé dans ce sens, c’est à dire au rapprochement des Ivoiriens. Nous nous sommes rapprochés du peuple chrétien à travers les médias, des tournées des actions terrains, la formation, et la sensibilisation. Nous travaillons également à la formation et à la sensibilisation de nos chrétiens, à partir du message de paix que délivre le Pape à l’occasion de chaque célébration de la journée mondiale de la paix.
Dans l’ensemble, nos activités se sont bien déroulées, même si, mais il faut le souligner, elles ont été fortement perturbées par la pandémie de Covid-19. Elles n’ont repris que ces derniers temps, avec un séminaire de formation sur le processus électoral en Côte d’Ivoire et sur la doctrine sociale de l’Eglise.
Aviez-vous eu des rencontres avec les acteurs de la société civile, de la vie politique en Côte d’Ivoire, des fidèles chrétiens et musulmans dans le sens de la promotion de la justice et de la paix ?
Nous avons travaillé en relation avec des équipes chrétiennes. Nous sommes parties prenante de l’alliance des religieux pour la paix, qui travaille en rencontrant des leaders politiques. Aussi, nous entreprenons des actions terrains avec nos partenaires de la convention de la société civile.
Face à cette situation tendue à quelques jours de la présidentielle, quelles sont vos actions dans le sens de l’apaisement ?
Vu la gravité de la situation, nos leaders religieux musulmans, catholiques, évangéliques, protestants, méthodistes et des églises révélées africaines se sont concertés au plus haut niveau et ont mis en place une Alliance des religions pour la paix. De ce fait, nos actions s’inscrivent désormais dans la vision de cette alliance qui travaille à la non-violence, à l’apaisement et à la création d’un climat de sérénité. Nous avons eu un grand rassemblement au palais de la culture d’Abidjan Treichville avec toutes les confessions religieuses le lundi 12 octobre 2020 et, à cette occasion, tous les chefs religieux réunis ont délivré un message de paix et de réconciliation. Auparavant, nous avions rencontré le Premier ministre Hamed Bakayoko pour lui délivrer notre message qui tournait autour de 8 points, dont ceux de la libération des prisonniers politiques et de l’invitation de tous les leaders politiques au dialogue. En tant que religieux, nous ne pouvons qu’éveiller les consciences et sensibiliser à la paix. Nous n’avons pas le pouvoir politique en mains, nous travaillons à ce que les politiques se rencontrent pour se parler.
Avez-vous le sentiment que les messages sont bien passés à chacune de vos rencontres ?
Les hommes politiques nous accueillent et donnent l’impression de nous écouter et de prendre en compte tout ce qui est dit. Mais, au regard de la situation qui s’aggrave, nous sommes inquiets, et nous nous interrogeons si nos actions menées sur le terrain sont biens perçues par les acteurs politiques. C’est vraiment une grande préoccupation. La réconciliation demeure un préalable à des élections apaisées, comme l’a fortement souligné le Cardinal Jean Pierre Kutwa, l’archevêque d’Abidjan.
Vos actions sont-elles également bien perçues par le peuple ivoirien ?
Il faudrait que tous le sachent, en Côte d’Ivoire, le peuple ivoirien, dans sa grande majorité, n’a pas de véritable problème politique. Ce sont les hommes politiques qui le prennent en otage. Ainsi, quand les acteurs politiques sont en conflit, le peuple se voit en conflit. En dehors des conflits politiques, la population vaque à ses occupations.
Quel est votre appel aux Ivoiriens, à quelques jours de cette présidentielle du 31 octobre 2020 ?
Nous lançons un appel au calme et invitons les jeunes à ne pas se laisser manipuler pour la violence. La situation pré - électorale n’augure pas d’une élection sereine et d’un environnement post- électoral serein.
Nos prières, que les hommes politiques ivoiriens puissent s’asseoir autour d’une table pour discuter de réconciliation et de paix. Au-delà des élections, nous sommes et resterons des frères, des fils et filles d’une même patrie, la Côte d’Ivoire. Nous appelons donc les Ivoiriens au pardon, à la fraternité à la réconciliation et à des élections apaisées.
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici