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Sénégal: centenaire de la naissance du cardinal Thiandoum

Dans un entretien à Vatican News, vendredi 24 septembre, l’archevêque de Dakar, Mgr Benjamin Ndiaye met en lumière l’héritage spirituel du premier cardinal du Sénégal, Hyacinthe Thiandoum dont on commémore, cette année, le centenaire de la naissance et «à qui l’on doit le passage d’une église missionnaire fondée par des expatriés à une église locale tenue par des autochtones».

Donatien Nyembo SJ – Cité du Vatican

Le 2 février 1921, naissait à Poponguine, dans la région de Thiès au Sénégal, le futur premier archevêque autochtone de Dakar et premier sénégalais à porter le titre cardinalice, Hyacinthe Thiandoum. 17 ans après sa mort en 2004, l’Eglise de Dakar, dont il a porté la charge pastorale pendant 38 ans, célèbre le centenaire de sa naissance. 

Le premier archevêque noir de Dakar

Hyacinthe Thiandoum est ordonné prêtre en 1949 et nommé archevêque de Dakar en février 1962, à 41 ans, succédant à Mgr Marcel Lefebvre, exactement deux ans après l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale. Les années 60 se caractérisent par l’aspiration des peuples d’Afrique à l’indépendance. De fait, en 1960, «année du chiffre des choses», selon l’expression du poète Léopold Sédar Senghor, 17 des pays d’Afrique subsaharienne se sont libérés de la tutelle européenne.

Dans un tel contexte, la fin de la colonisation n’aurait pu être sans conséquences pour le christianisme, considéré par d’aucuns comme véhicule du colonialisme. «Monseigneur Thiandoum arrive face à un défi, une Eglise qui doit être africaine en terre sénégalaise, en comptant sur ses capacités d'auto détermination». Ainsi, va-t-il s’inscrire dans la lignée de ces pasteurs africains dont la mission était celle de prêcher «une église authentiquement africaine et chrétienne».

Vatican II et le Synode des évêques

Le cardinal Thiandoum a été un des acteurs du Concile Vatican II. Ayant assisté à toutes les sessions, il s’est fait remarquer notamment par ses interventions sur la réforme liturgique, avec une attention spéciale à l’inculturation (rites particuliers des catholiques africains et possibilité d’introduire les langues locales). En cela, il a marqué une nette rupture d’avec son prédécesseur au siège apostolique de Dakar, Mgr Marcel Lefebvre.

«Mgr Thiandoum passait des sessions du Concile à son diocèse pour rendre compte de ce qui se faisait et donner les orientations dans le bon tempo pour que nous puissions réussir justement cette inculturation», raconte Mgr Ndiaye. L’on se souviendra du magazine Horizon africain par lequel le prélat relayait les travaux du Concile pourtant rejeté par Mgr Lefebvre.

Sa création comme cardinal en 1976 par Paul VI sera accueillie comme une reconnaissance d’une Eglise sénégalaise florissante. «C'était un grand bonheur pour le Sénégal. C'était comme le signe d'une Eglise majeure qui avait un témoignage à apporter non seulement en dedans, mais également au dehors. Cela a évidemment augmenté l'auréole du cardinal lui-même et son rôle dans l'Eglise. On verra combien de fois il interviendra par la suite dans différents synodes romains avec cette touche particulière au synode de 1994, lors du premier synode dédié à l'Afrique et où il a été le rapporteur général, donnant des synthèses qui ont marqué de manière durable les travaux de ce synode africain», observe l’archevêque de Dakar.

Artisan du dialogue islamo-chrétien

Outre l’inculturation, le cardinal Thiandoum aura marqué les esprits par son combat en faveur du dialogue islamo-chrétien. A en croire Mgr Ndiaye, le premier cardinal du Sénégal ne s’est pas contenté de théoriser la relation avec les musulmans. Mais, «il l'a vécu dans les faits, en étant l'ami de plusieurs chefs marabouts auxquels il se plaisait à rendre visite, et certains qu'il invitait même au pèlerinage national marial de Popenguine.»

De cette manière, nous pouvons affirmer du cardinal Thiandoum qu’il est l’un des architectes d’un Sénégal où tous sont frères malgré les divergences de points de vue. «Nous héritons, de ce point de vue-là, d'un exemple que nous devons suivre. Et cela contribue beaucoup à une connaissance mutuelle et à une estime réciproque qui est le ciment d'une entente fraternelle entre croyants de sensibilités différentes

Par ailleurs, faisant le bilan du dialogue entre musulmans et chrétiens, au Sénégal, Mgr Ndiaye se dit satisfait des efforts fournis dans la réappropriation du combat du cardinal Thiandoum. Cependant, l’archevêque de Dakar tire la sonnette d’alarme contre «un djihadisme existant qui est à nos portes, qui peut connaître même des partisans chez nous». «Nous devons désamorcer ces bombes à retardement. Et la meilleure manière de le faire, c'est de cultiver ces relations à travers d'abord une meilleure connaissance réciproque», avertit-il.

Une messe à Rome

A l’initiative de l’ambassade du Sénégal près le Saint-Siège, une célébration eucharistique a été présidée par le cardinal Peter Turkson en l’Eglise Santa Maria in Portico en présence de la communauté sénégalaise de Rome, en mémoire du cardinal Thiandoum. L’homélie a été prononcée par Mgr Ndiaye.

A l’issue de cette célébration eucharistique, l’ambassadeur du Sénégal, Dr Martin Pascal Tine a remis au Préfet du Dicastère pour le service du développement humain intégral, le cardinal Turkson, une kora sénégalaise, instrument de musique rappelant le combat du cardinal Thiandoum pour l’inculturation de l’Evangile

La Kora sénégalaise en mémoire du Cardinal Thiandoum
La Kora sénégalaise en mémoire du Cardinal Thiandoum

Faire connaitre l’héritage du cardinal Thiandoum

Malgré les restrictions liées à la pandémie de coronavirus, l’archidiocèse de Dakar n’a pas renoncé à son projet de célébrer le centenaire de la naissance du cardinal Thiandoum. Il est prévu, pour ce faire, un colloque dont l’enjeu est de présenter aux nouvelles générations la figure de ce prélat, notamment «ses différents apports sur le plan de l'Église locale: qu'il s'agisse de l'expansion de la mission chrétienne; la promotion des vocations sacerdotales et religieuses; qu'il s'agisse aussi de la promotion du laïcat, qu'il s'agisse de faire vivre notre Église et notre prise en charge plus forte; qu'il s'agisse aussi d'inculturation… On voudrait, en tout cas, visiter le personnage sous différents aspects, sans oublier bien sûr les rapports islamo-chrétiens.»

 

Mgr Ndiaye au micro de Donatien Nyembo

 

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25 septembre 2021, 13:41