Plaidoyer pour un synode sur le bassin du Congo
Christian Kombe, SJ – Cité du Vatican
Avec une superficie de plus de 3,7 millions de km2, sa forêt tropicale, la deuxième au monde par sa superficie, s’étendant sur 6 pays au centre du continent africain, le bassin du Congo est un poumon essentiel de la planète. Il doit être au cœur des discussions sur la problématique écologique et climatique. C’est le message qu’est venue faire entendre à Rome Arlette Soudan-Nonault, ministre de l’environnement, en charge du développement durable et du bassin du Congo de la République du Congo. La ministre, également coordinatrice technique de la Commission climat du bassin du Congo et du Fonds bleu pour le bassin du Congo, est également venue réitérer la demande d’une visite du Saint-Père à Brazzaville, au nom du président congolais Denis Sassou Nguesso.
Revoir le pape 42 ans après
La première visite d’un pape en République du Congo date de 1980. Ce fut au cours du grand pèlerinage apostolique que le pape Jean-Paul II effectua en Afrique et qui le mena successivement au Zaïre (actuelle République démocratique du Congo), en République du Congo, au Kenya, au Ghana, en Haute-Volta (actuel Burkina Faso) et en Côte d’Ivoire. 42 ans après ce voyage apostolique, les congolais espèrent une nouvelle visite du pape dont l’occasion pourrait être la célébration du 140e anniversaire de la première mission catholique au Congo et des 60 ans des relations diplomatiques entre le Congo et le Saint-Siège, explique Mme Soudan-Nonault.
Importance stratégique du bassin du Congo
Outre l’invitation du Pontife en terre congolaise, la ministre Soudan-Nonault est également venue plaider la cause du bassin du Congo, qui «est devenu aujourd’hui le premier poumon écologique de la planète. En effet, en plus de ses forêts «qui séquestrent pas moins d’1,5 milliards de tonnes de carbone», les études des scientifiques de l’Université de Leeds (Royaume Uni), en collaboration avec ceux de deux Congo, ont mis en lumière l’existence des tourbières qui séquestrent au moins 31 milliards de tonnes de carbone, souligne Mme Soudan-Nonault . Ces zones humides couvrant près de 150.000 km2, font du bassin du Congo «le premier réservoir carbone» et une zone vitale pour l’équilibre climatique.
Mais, en dépit de son importance stratégique, le bassin du Congo ne reçoit pas l’attention légitime qu’il mérite. Alors que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) continue de tirer la sonnette d’alarme sur l’urgence climatique, les engagements des Etats, notamment vis-à-vis du bassin du Congo restent encore au stade déclaratif, regrette la ministre congolaise. «Si nous ne conservons pas les écosystèmes très fragiles du bassin du Congo, ses tourbières récemment découvertes, cette bombe à retardement, alors l’objectif même de l’accord de Paris, de pouvoir maintenir la température de la terre à 1, 5° C, nous ne pourrons pas l’atteindre», prévient Mme Soudan-Nonault.
Porter la voix des peuples du bassin du Congo
Accorder au bassin du Congo l’attention qu’il mérite, c’est prendre aussi en compte les besoins des peuples de la région. «Nous ne pouvons pas serrer la ceinture, nous, pays de l’hémisphère sud, les pays africains, les pays du bassin du Congo, pour que le reste du monde respire», affirme la ministre congolaise. Les pays de la région rendent un service écosystémique au reste du monde, précise-t-elle. «Nous sommes de bons élèves de l’atténuation. Mais il nous faut des fonds d’adaptation pour aller vers cette transition écologique». En effet, la Commission climat du bassin du Congo, qui regroupe 16 pays et dont elle est la coordinatrice technique, vise la mise en œuvre de la transition écologique et la transformation économique de la région selon les objectifs de développement durable.
Mais «le bassin du Congo ne mobilise que 11% des finances vertes et bleues conjuguées. C’est très peu par rapport au service que nous rendons. Nous avons droit à un développement durable intégral», déplore la ministre. Il ne s’agit pas, pour les pays du bassin du Congo, de mendier la charité, mais d’exiger un droit. «Il nous faut donner l’économie alternative à nos populations». Ce serait faire preuve d’irresponsabilité que de demander aux peuples du bassin du Congo de préserver leurs écosystèmes pour le bien de toute la planète, sans assurer un accompagnement conséquent de leurs économies dans cette transition.
«Nous avons besoin du Saint-Père»
Pour Mme Soudan-Nonault, la voix du Pape François, dont le souci pour la préservation de la maison commune est manifeste, devrait plaider la cause du bassin du Congo. «Nous avons besoin du Saint-Père (…) Nous avons besoin de son propos très fort en faveur de la maison commune». Comme François le montre notamment dans son encyclique Laudato Si, dans les questions de la gestion du climat, de l’environnement et de l’écologie, sont également en jeu les problèmes de sécurité, d’insécurité alimentaire, de la migration, les questions de paix et de justice, souligne la ministre congolaise.
La voix du Saint-Père porte ces questions très importantes pour l’humanité aujourd’hui. «Nous avons besoin de cette voix forte, de ce leadership qu’incarne naturellement le Saint-Père pour accompagner cette commission climat du bassin du Congo et le fond bleu, qui est un instrument de mobilisation financier».
Un synode sur le bassin du Congo
La ministre congolaise estime qu’il faut un synode sur le bassin du Congo, ce régulateur de l’équilibre climatique mondial. Certes, le plaidoyer pour l’écologie intégrale porté au cours du synode sur l’Amazonie était inclusif et prenait en compte d’autres régions du monde. Mais, pour Mme Soudan-Nonault, à l’instar du synode sur l’Amazonie qui a permis de tourner le regard du monde vers la beauté et la richesse de cette région, sa biodiversité et la situation des peuples qui y vivent, un synode sur le bassin du Congo s’avère opportun. Ce synode ne sera nullement redondant. Au-delà d’une simple allusion ou d’un regard timide, il s’agira de mettre un accent particulier sur le bassin du Congo. Ainsi, c’est non seulement au nom de son pays, mais au nom de tous les pays du bassin du Congo que la ministre congolaise est venue à Rome faire cette demande explicite au pape François. «Nous avons besoin qu’il aille vers un synode, à l’image du synode du bassin de l’Amazonie; un synode sur le régulateur mondial qui est le bassin du Congo».
«Le pape a été très sensible», aussi bien au sujet du plaidoyer en faveur du bassin du Congo que sur un éventuel voyage à Brazzaville en 2023, a affirmé la ministre congolaise après avoir rencontré le Saint-Père à la fin de l’audience générale. «Et donc, nous sommes en train de travailler sur les deux projets», a-t-elle confié.
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