RCA: Le cardinal Nzapalainga inquiet de l’insécurité alimentaire
Jean-Charles Putzolu – Cité du Vatican
La cessation des exportations de céréales russes et ukrainiennes qui à elles seules représentent 30% du marché mondial de blé n’est pas sans conséquences sur un pays comme la République Centrafricaine. Le pays lentement retrouve un semblant de sérénité sur 80 pour cent de son territoire. Les rebelles qui combattent les forces gouvernementales depuis 2013 ont été repoussés loin des grandes villes, mais si la situation sécuritaire s’améliore, c’est la situation alimentaire qui inquiète. Les changements climatiques, la pandémie de Covid-19 et maintenant la guerre en Ukraine compliquent la pacification du pays. L’archevêque de Bangui tient cependant à rester optimiste. Le cardinal Dieudonné Nzapalainga s’engage pleinement dans le processus de réconciliation. La République Centrafricaine «a amorcé un nouveau départ depuis 2021, dans le sens qu'en 2020, on a frôlé le pire avec un coup d'État qui était à la porte de Bangui». Aujourd’hui, souligne le prélat, une grande partie de la population peut vaquer à ses occupations et poursuivre une activité professionnelle ou cultiver les terres agricoles. «Maintenant que les rebelles se replient dans la brousse, plus loin 30 ou 40 kilomètres des grandes villes, dans la grande ville, les gens circulent et la vie devient tout autre».
Les rebelles doivent déposer les armes
«Notre souhait, c'est que tous ceux qui sont repliés à l'intérieur, dans la brousse, les jeunes surtout, déposent des armes et qu'on puisse se regarder en face, collaborer, travailler pour contribuer au développement de notre pays», dit l’archevêque. Même si le contexte international semble peu propice à la tenue d’un dialogue, le cardinal Dieudonné Nzapalainga reste résolument optimiste: «j'ai vu beaucoup des rebelles qui veulent déposer les armes, parce que la guerre, ça fatigue, parce que les chefs sont partis. Ils veulent déposer les armes». Le cardinal a porté ce message jusqu’au plus haut niveau de l’état pour que le gouvernement et la communauté internationale unissent leurs forces et donnent «une chance à ces jeunes».
Après environ de dix ans de rébellion, «on ne change pas l’arme avec un stylo du jour au lendemain». Le retour à une vie civile nécessite qu’un programme soit mis en place, qui tienne compte du parcours des anciens rebelles pour essayer d’envisager un avenir différent et durable. Il est indispensable que les jeunes soient impliqués dans le processus pour les aider à amorcer un changement dans leur tête et dans leur esprit, explique le cardinal.
L’engagement de l’Eglise
Le prélat centrafricain est totalement engagé en faveur de la paix et du dialogue. «l'Église est présente» dit-il, pour tendre à la mains à ces jeunes dont beaucoup ne savent même plus pourquoi un jour ils ont pris les armes. «L'Église est impliquée parce que l'Église ne doit pas être en dehors de la société. L'Église est une sensibilité dans la société et elle doit aussi être à l'avant-garde avec sa vigilance. N'oublions pas que l'Église a une mission prophétique pour pouvoir dire, anticiper parfois ce que les autres ont peur ou n'a pas l'audace de le faire. Et nous le faisons au nom de l'Évangile».
Ne pas tourner le dos à la paix, malgré le contexte mondial défavorable, «parce que sans la paix, l'enfant n'ira pas à l'école. Sans la paix, la maman n'ira pas dans son champ. Sans la paix, le malade ne sera pas sur son lit pour recevoir les médicaments. Sans la paix, il n'y aura pas de développement». L’archevêque poursuit: «oui, le contexte international n'est pas propice, mais est ce que nous allons attendre que le contexte change pour que nous nous puissions aussi goûter au bonheur, au développement? Ou bien aujourd'hui, nous pouvons aussi prendre le problème à bras le corps, être responsables et prendre notre destin en main sans attendre toujours qu’on nous pousse ou qu'on nous donne toujours les choses».
La crise alimentaire menace
La guerre en Ukraine et la pandémie ont un coût pour la population centrafricaine qui en subit de plein fouet les répercussions. «Avant, dans mon pays, on achetait un sac de ciment à 8500 francs. À la date d'aujourd'hui, un sac en coûte 17 000, c'est à dire le double. Le prix du fer a augmenté, le prix du sel a augmenté, le prix du sucre a augmenté parce que nous ne produisons pas toutes ces matières. Nous sommes tributaires et nous subissons cette situation-là. Donc il y a un impact négatif. La pauvre maman qui travaille encore traditionnellement n’a plus les moyens d’acheter. C’est difficile pour beaucoup des ménages de pouvoir s'en sortir avec cette crise déclenchée ailleurs et qui a ses conséquences ici-même».
L’aide internationale reste indispensable pour soutenir économiquement la République Centrafricaine. Cependant, le plan des Nations Unies de 461 milliards de dollars n’a jusque-là rassemblé que 22 pour cent de cette somme. «Quand on regarde à vue d'homme, on dirait qu'on se sent abandonné», commente l’archevêque de Bangui, «les gens qui ont promis et qui n'ont pas donné. Il faudrait qu'ils se posent des questions. Pourquoi on a promis? Pourquoi on n'a pas réalisé? Est ce qu'on a respecté notre parole? Quelles sont les conséquences? On donne pour autre chose, mais pour sauver des vies humaines ou permettre la cohésion, c’est plus difficile».
La solution, c’est aussi aux Centrafricains eux-mêmes de la trouver: «Nous ne devons pas toujours attendre. Même avec peu, on doit s'en contenter et amorcer le changement en cours. Cette situation nous interpelle parce que si je dis, je dois attendre que l'argent arrive pour cultiver mon champ, pour construire ma maison, pour bâtir ma famille et recommencer une nouvelle vie. Je peux attendre longtemps et le temps passe […] Il faut qu'ils se lèvent, qu'ils avancent, qu’ils marchent, qu’ils cherchent des solutions. J'en appelle à tous ceux qui sont de bonne volonté. On peut, on dit souvent la foi soulève les montagnes et je crois que nous devons avoir ce qu'on appelle la résilience, une détermination, et essaimer une force d'espérance en disant oui, nous en sommes capables. Oui, nous pouvons changer. Oui, nous pouvons transformer et nous devons voir nos familles, nos frères et sœurs vivre autrement que de les voir dans la misère, dans la pauvreté».
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici