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RDC: de nouveaux massacres dans la province martyre de l’Ituri

De nouveaux massacres ont eu lieu dimanche 8 et lundi 9 mai dans la province de l’Ituri, faisant de nombreuses victimes civiles, dont des enfants et des déplacés. Alors que le pays attend la visite du pape pour juillet, des voix se lèvent pour condamner ces violences et tueries récurrentes malgré l’instauration par les autorités de l’état de siège.

Christian Kombe, SJ – Cité du Vatican

Les dimanche 8 et lundi 9 mai ont été des jours particulièrement sanglants pour la population du territoire de Djugu, dans la province de l’Ituri, en République Démocratique du Congo. Des dizaines de personnes ont perdu la vie dans cette province du Congo oriental, où sévissent plusieurs groupes armés, en dépit de l’état d’urgence déclaré par les autorités congolaises depuis le 6 mai 2021.

Des tueries qui se poursuivent

Dans la nuit de lundi 9 mai, le camp des déplacés de Lodda dans le territoire de Djugu est attaqué par des hommes armés qui font au moins 14 victimes civiles. L’information a été relayée mardi matin dans le compte Twitter du Baromètre sécuritaire du Kivu (KST), un projet conjoint du Congo Research Group et de Human Rights Watch (HRW) qui cartographie les violences dans l’Est de la RDC.

Des clichés circulant sur les médias sociaux mardi ont révélé avec effroi que beaucoup de ces victimes était des enfants. Les assaillants ont également attaqué le camp militaire vers Fataki, situé à 9 km du site des déplacés de Lodda, tuant un militaire.

Dimanche 8 mai, c’est une mine artisanale d’or qui avait été attaquée, dans la localité de Massisi, toujours dans le territoire de Djugu. Le gouvernement a évoqué un bilan de 35 personnes décédées.

Les Codeco soupçonnés

Les miliciens de la coopérative pour le développement économique du Congo (Codeco) sont pointés du doigt dans les deux attaques. Créée en 1970, la Codeco était une importante coopérative agricole communautaire à l’origine. Sa branche armée, née durant la deuxième guerre du Congo (1998-2003) et structurée autour d’une secte religieuse, est l’une des multiples factions armées qui ont proliféré dans l’Est de la RDC du fait des conflits intercommunautaires exacerbés par l’occupation extérieure. Les codeco prétendent défendre les membres de la communauté Lendu contre la communauté Hema, dont les déplacés, font partie de la plupart de leurs victimes.

Ce sont donc les populations civiles qui paient le lourd tribut de leurs exactions. Le camp de Lodda est le troisième site des déplacés attaqué cette année par la milice dans le territoire de Djugu, après ceux de Drodro et Plaine Savo.

Une année sous état de siège

Depuis le 6 mai 2021, les autorités congolaises ont décrété l’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri confrontées depuis plus de deux décennies à une situation sécuritaire précaire, causée par des épisodes récurrents et sanglants des rivalités et conflits ethniques, des actes terroristes, des agressions extérieures ainsi que la prolifération des milices communautaires.

Cependant, un an après, les tueries ne cessent d’être perpétrées par les multiples groupes armés installés dans la région. Bien que l’état de siège ait été prolongé 22 fois, le nombre de civils tués par les groupes armés a doublé au cours de l’année écoulée, a déploré Amnesty International. Dans un rapport publié mardi 10 mai, l’ONG a accusé le gouvernement de la République démocratique du Congo d’utiliser le dispositif d’exception «pour écraser la dissidence, avec notamment deux militants des droits humains qui ont été tués par les forces de sécurité et des dizaines d’autres placés en détention pour de motifs fallacieux».

L’organisation des droits humains se joint ainsi à plusieurs voix de la société civile qui critiquent les maigres résultats des mesures sécuritaires de ce dispositif, qui multiplie par contre les «atteintes aux libertés fondamentales des personnes».

La proximité de l’Église

L’épiscopat congolais a plusieurs fois exprimé sa proximité et sa solidarité avec la population continuellement endeuillée des provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. La Conférence épiscopale congolaise (Cenco) ne cesse d’inviter les autorités politico-administratives et militaires à s’investir davantage pour rétablir la paix dans cette partie du pays, garantir la sécurité de la population et poursuivre les auteurs des tueries. 

Le Saint-Père a également manifesté à maintes reprises sa compassion et sa sollicitude pour les populations de la République démocratique du Congo. Après l’attaque du site des déplacés Plaine Savo, François avait condamné cet «acte odieux et barbare qui est source de grandes souffrances et de désolation pour le pays». Lors de la bénédiction «Urbi et Orbi» donnée le dimanche de Pâques, le pape, qui est attendu au pays en juillet, avait prié notamment pour «que cessent les violences en République démocratique du Congo».

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11 mai 2022, 15:22