Cardinal Ambongo: Benoît XVI a su combiner «grandeur» et «humilité»
Stanislas Kambashi,SJ – Cité du Vatican
Archevêque de Kinshasa et vice-président du SCEAM – le Symposium des Conférences Épiscopales d’Afrique et Madagascar, – le cardinal Fridolin Ambongo est arrivé à Rome le mercredi 4 janvier 2023 pour participer, «au nom de l’Eglise de Kinshasa, du Congo et d’Afrique», aux funérailles de Benoît XVI, qui ont lieu ce jeudi 5 janvier. Dans un entretien accordé à Vatican News, il a confié que c’est aussi pour exprimer sa «gratitude à ce grand homme, pour ce qu’il a été pour l’Eglise universelle, d’Afrique et du Congo».
«Il nous laisse l’exemple d’un grand serviteur, mais humble; un grand serviteur, qui ne s’accroche pas au pouvoir, mais qui sait faire la part de choses entre la grandeur de la fonction qu’il occupe et la petitesse de sa personne», a souligné l’archevêque de Kinshasa. Il a invité à imiter le geste d’humilité de cet homme qui a renoncé au pontificat à un moment où il l'a jugé opportun pour l'Eglise.
Benoît XVI, un théologien dont l’étendue de la pensée reste encore à découvrir
Pour le cardinal Ambongo, Benoît XVI «restera pour l’histoire comme un grand théologien, si pas le grand théologien de notre temps, parce qu’il avait une vue globale, synthétique et complète de notre doctrine catholique». L’Eglise et le monde n’ont pas encore découvert ce que le Pape émérite défunt représente en termes de profondeur, estime l'archevêque de Kinshasa; nous allons peut-être découvrir l’étendue de sa pensée avec le temps.
Le cardinal Ratzinger et la théologie de l’inculturation
«Au niveau de l’Afrique, Benoît XVI a joué un rôle très important, même si on n’en parle pas assez», relève le prélat congolais, en évoquant «la nécessité de l’inculturation» et la «théologie africaine» dont on parlait souvent quand il était jeune étudiant en théologie. Le cardinal Ambongo se souvient de la visite du cardinal Joseph Ratzinger à Kinshasa en 1987, alors préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Alors que la peur gagnait certains milieux intellectuels de voir ce grand théologien bloquer les efforts de l’inculturation de la foi en Afrique, cela n’a pas été le cas.
Le cardinal Ratzinger avait réuni dans la capitale congolaise (zaïroise à l’époque) les responsables des commissions doctrinales des différentes Églises d’Afrique. De cet échange, «l’Afrique a redimensionné sa compréhension de ce qu’on entendait par inculturation, mais le cardinal Ratzinger a aussi changé son regard sur la théologie de l’inculturation, en particulier sur le rite zaïrois, qui était regardé d’un œil suspect». C'est en 1988, après son retour de Kinshasa, poursuit le cardinal Ambongo, que le préfet de ce qui est devenu le Dicastère pour la Doctrine de la Foi va clarifier la position du Saint-Siège au sujet du rite zaïrois de la messe, qui est aujourd'hui «un patrimoine reconnu dans l’Eglise et dont l’Afrique est fière».
Benoît XVI a cru en l’Afrique, contre tout «afropessimisme»
«"Africae Munus" restera le document majeur de Benoît XVI par rapport à l’Afrique», a souligné le vice-président du SCEAM. Le défunt Pape avait convoqué le deuxième synode spécial pour l’Afrique en 2009. Il en a conduit les travaux à Rome et s’est rendu lui-même en terre africaine – à Ouidah, au Bénin – pour signer et remettre à l’Église du continent l’exhortation post-synodale. Pour le cardinal Ambongo, cela traduit la considération de Benoît XVI pour l’Afrique. Dans ce document, le défunt Pape avait beaucoup insisté sur les notions de paix, de justice, de droit et de dignité pour l’Africain, a souligné l’archevêque de Kinshasa.
«Nous étions dans un contexte d’"afropessimisme", beaucoup d’entreprises occidentales se désengageaient de l’Afrique». Pendant cette période, a fait observer le cardinal Ambongo, Benoît XVI avait au contraire confiance en ce continent, il a cru en sa capacité de se transformer. «Comme il croyait aux notions de justice et de paix en Afrique, il avait nommé un africain au sein du Conseil Pontifical Justice et Paix, en la personne du cardinal Peter Turkson». Cette nomination est un geste, parmi tant d’autres qu’il a posé, pour la valorisation du continent africain, reconnaît le prélat.
A Kinshasa, un triduum en mémoire de Benoît XVI
En mémoire du défunt Pape émérite, l’Église de Kinshasa organise un triduum, qui commence ce jeudi 5 janvier, jour de l’enterrement, et qui se conclura par la messe des suffrages le samedi 7 janvier, en la Cathédrale Notre Dame du Congo. L’eucharistie solennelle sera présidée par l’archevêque lui-même et concélébrée notamment par le nonce apostolique en RD Congo, Mgr Ettore Balestrero. Les autorités du pays y sont également invitées. Pendant ces trois jours, des moments de prière seront organisés dans toutes les paroisses. Ce sera l’occasion de rendre grâce à Dieu pour ce grand homme, mais aussi de manifester la reconnaissance à Benoît XVI lui-même «pour son sens de service, son grand amour pour l’Eglise et particulièrement celle d’Afrique».
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