Le nonce apostolique en RDC dresse un bilan de la visite du Pape
Stanislas Kambashi,SJ – Cité du Vatican
Dans une interview accordée à Vatican News, Mgr Ettore Balestrero a tout d’abord exprimé sa gratitude envers le peuple congolais pour l’accueil chaleureux réservé au Pape. «Avant tout un grand merci à tous les Congolais pour la manière dont ils ont reçu le Pape et surtout la façon dont ils ont organisé la visite, avec passion, joie et flexibilité». Pendant trois jours, le Congo n’a pas été que ce pays «ensanglanté des luttes armés, victime de l’exploitation; pays dont l’État voisin voudrait un morceau pour mettre la main sur l’immense richesse de son sous-sol». Pendant trois jours, le Congo a plutôt été capitale de l’Église du monde entier, symbole de l’espérance et de vitalité, même pour les autres communautés catholiques.
La RDC peut ouvrir un nouveau chapitre de son histoire
Pour le nonce apostolique, la visite du Pape a démontré que le Congo, «ce n’est pas seulement des minerais stratégiques et rares», mais surtout des hommes, des femmes et des enfants. La RDC, «ce ne sont pas seulement des problèmes», mais bien plus que cela: elle est espoir et résilience, son cœur bat aussi fort que celui des jeunes Congolais, «qui représentent les ¾ de sa population». Le rythme des événements liés à la visite «a été frénétique comme le son du tam-tam, du tambour». Pour Mgr Balestrero, le Congo ne peut plus attendre pour ouvrir un nouveau chapitre de son histoire, de réconciliation et d’amour.
«Le Congo, c’est notre affaire, c’est l’affaire de tous»
Parlant du bilan de cette visite, Mgr Balestrero a tout d’abord évoqué les témoignages des survivants des violences dans la région Est du pays, le 1er février. Pour lui, ces récits émouvants ont montré qu’au Congo, la foi est incarnée dans le cœur des dizaines de millions de personnes. La vitalité des jeunes et leur intelligence, «dont le Pape a fait mention dans son vol retour de Juba», montre l’immensité des ressources humaines. La créativité de la population, sa façon de vivre et de s’exprimer ont été aussi manifestes dans les danses et la musique. Bien qu’il y ait beaucoup de choses à améliorer, la visite du Pape a montré ce dont les Congolais sont capables, leur sens d’appartenance à l’Église et à l’État; mais aussi les degrés de responsabilités que l’on doit établir, car: «le Congo, c’est notre affaire, c’est l’affaire de tous». La visite a été un événement multidimensionnel, avec une grande participation, l’un des plus grands de l’histoire du pays, qui constitue un moment important dans la vie du pays et pour les générations à venir, a indiqué le représentant du Saint-Siège en RDC.
Le Congo n’est pas qu’une terre à exploiter
Le nonce apostolique en RDC s’est aussi prononcé sur l’aspect géopolitique. Pour lui, les grandes puissances qui font de ce pays leur champ de bataille doivent bannir ce complexe de supériorité selon lequel le Congo, «cette forteresse assiégée, doit être exploité». Puisqu’elles ont besoin de ses ressources minérales et de sa jeunesse, elles ont intérêt à ce qu’il y ait stabilité et paix. Elles doivent ainsi empêcher la propagation du jihadisme et démontrer que toutes les déclarations sur les droits de l’Homme ne sont pas que des idéologies qui n’ont rien à voir avec l’homme en chair et en os. Tout homme est, en effet, détenteur de tous ces droits, même s’il ne vit pas en Occident.
Le Pape a tracé «une feuille de route» pour les décennies à venir
Pour Mgr Balestrero, avec ses messages forts, le Pape a tracé «une feuille de route» pour les décennies à venir, il a donné un style et contenu pour le peuple congolais, «un style de proximité pour la pastorale, des images porteuses d’un contenu profond pour la catéchèse et la transmission de la foi». Ce programme doit être pris dans son intégralité et être exploité dans toute sa richesse, aussi bien dans les points «que nous aimons» que pour ce qui nous invite au changement. «Ces paroles dictées par l’Évangile doivent devenir le critère de vie, d’action et du ministère de l’Église dans la société congolaise».
Le nonce apostolique a exprimé son appréciation de l’initiative des évêques de faire connaître davantage les discours du Pape, de les étudier et d’en faire l’objet des catéchèses. Pour Mgr Balestrero, on ne peut pas faire passer cette visite aussi rapidement que les nouvelles passent, apparaissent et disparaissent. «Nous devons prendre ces discours pour ce qu’ils sont: une invitation aimante, en accord avec l’Évangile, à devenir plus évangéliquement prophétiques».
La visite du Pape «commence maintenant»
Pour Mgr Balestrero, on peut dire que la visite du Pape «commence maintenant», en ce sens qu’après les trois jours et demi, «s’ouvre maintenant le quatrième jour, qui est le plus difficile, car il est le plus long et demande tout notre engagement et notre persévérance». Ce «jour» est encore rendu plus difficile «car il faut cesser de pointer du doigt les autres et résister à toute exploitation». C’est le moment de renforcer notre relation avec Dieu et de revoir nos rapports avec ceux qui nous entourent, a indiqué le diplomate du Saint-Siège.
L’Église et l’État congolais sont appelés à collaborer
L’Église et l’État sont «condamnés» à collaborer, car l’un autre sont au service de la population, dans la distinction de leurs rôles et de leurs responsabilités respectives, a fait observer le nonce apostolique en RDC. Dans ce pays, jeune à bien des égards, il est inévitable que naissent des tensions, mais la visite du Pape a été «un moment de grande collaboration», a tenu a souligné le diplomate du Saint-Siège. «Personnellement, j’ai pu observer comment, à la fin, prévaut toujours la conscience que l’Église et l’État ont toujours besoin l’un de l’autre, dans le respect mutuel», a par ailleurs confié Mgr Balestrero, nonce apostolique en RDC depuis cinq ans.
L’application des accords-cadres
Concernant l’application de accords-cadres signés et ratifiés, Mgr Balestrero estime que les points fermes ont été posés et que la mise en pratique est sur la bonne voie. Pour lui, les deux parties sont appelées à garder cet élan. «La visite du Pape a été l’occasion de faire un changement copernicien», parce que, grâce à cette visite, l’Église et l’État congolais ont travaillé main dans la main pour mettre en œuvre ces accords, a-t-il indiqué. Aujourd’hui, l’Église catholique au Congo n’est plus reconnue comme une asbl – association sans but lucratif – comme avant, mais dans son vrai statut canonique. Cinq accords spécifiques dans certains domaines d’action de l’Église ont été signés, notamment: la santé, l’éducation, la pastorale des prisons, les impôts. Ces Accords spécifiques rendront possibles et faciliteront l’activité de l’Église. Un bureau de coordination entre l'Église et l’État a été créé au sein du ministère de l’intérieur, et l’Église dépend maintenant de ce ministère, a indiqué Mgr Balestrero. Les points fermes ont été posés, la suite dépend désormais de la bonne volonté des deux parties, a-t-il martelé.
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