Election du Pape François  13 mars 2013 Election du Pape François 13 mars 2013 

Pape François: un pontificat aux couleurs de l’arc-en-ciel ecclésial

De l’impact de sa provenance et du charisme de sa famille religieuse sur son pontificat, son option préférentielle des périphéries ou encore l’apport de sa pensée théologique face aux défis et enjeux de ce monde aussi bien que ses attentes de l’Église en Afrique, le père Nathanael Yaovi Soede, prêtre d’origine béninoise et président exécutif de l’Association des théologiens africains, jette un regard sur les dix premières années du Pape François dans une interview accordée à Radio Vatican.

Entretien réalisé par Françoise Niamien - Cité du Vatican

Voilà 10 ans que le cardinal argentin Jorge Mario Bergoglio a été élu Pape, faisant de lui le premier Pape originaire de l’Amérique latine, à faire partie des successeurs de saint Pierre. On se rappelle que le 13 mars 2013, au cours de sa prise de parole après son élection, il a dans une plaisanterie affirmé que les cardinaux sont allés le chercher au bout du monde.

Pensez-vous que la provenance du Pape François ait eu un quelconque impact sur l’Eglise universelle, dix ans après? Quelles sont les nouvelles couleurs de l’arc-en-ciel ecclésial que le saint-Père a apportées à l’Eglise?

La provenance du Pape François a eu un impact réel sur l’Eglise universelle. Depuis le 8ème siècle, c’est pour la première fois que le Pape est choisi en dehors de l’Europe, et chose inédite, il vient d’un pays en développement, l’Argentine.
Les nouvelles couleurs de l’arc-en-ciel ecclésial que le Saint-Père a porté en 10 ans à l’Eglise universelle, manifeste ce qu’elle est en réalité: l’évangélisation prend davantage corps dans les souffrances, les expériences de la vie de foi et les espérances du peuple des périphéries, voire les oubliés de la terre.
Ce qui est merveilleux: on peut contempler les couleurs de l’arc-en-ciel qui étaient éclipsées par d’autres. L’Église se montre ainsi véritablement universelle, car, dit le Pape François, elle n’est plus monocolore, monoculture…
L’annonce de l’Évangile n’est plus déterminée principalement par des enjeux définis à partir de problèmes des églises de vieilles chrétientés. Sous le Pape François, l’évangélisation s’oriente vers de nouveaux horizons:
Une plus grande implication des fidèles et des pasteurs de la périphérie dans la pastorale et les instances de décision et d’orientation de l’Église universelle.
Aussi une attention constante aux pays en développement aux autres marginalisés, notamment les femmes, les jeunes, les personnes âgées, les migrants, les leaders des autres confessions chrétiennes et des religions non-chrétiennes, les mineurs et les personnes à pratiques sexuelles constituent de multiples problématiques et débats dans les sociétés d’aujourd’hui.

Quels sont les fondements théologiques du choix opéré par la préférence des périphéries?


Le Pape François fait de la miséricorde de Dieu le premier fondement théologique de sa pensée et de sa mission du gouvernement de l’Église. Sa devise l’exprime bien: Miserando atque eligendo, ce qui veut dire: Choisi pour avoir été pardonné ou le pardon de Dieu précède notre vocation à marcher à sa suite. A 17 ans, le Pape a eu la vocation de «faire partie» des jésuites après une confession où il a ressenti profondément la miséricorde de Dieu et il en a fait vraiment l’expérience par la suite.
Les autres fondements théologiques du Pape sont: l’Évangile comme message de joie, l’Église comme peuple, communion et synodalité, la terre comme maison commune, la sainteté partout, pour tous et par tous, la fraternité envers tous, y compris les autres créatures de la terre, notre «maison commune» (Laudato si et le synode sur l’Amazonie), la théologie de la libération du peuple, l’espérance, la capacité pour les personnes de changer l’histoire, l’espérance, etc.

Le Pape François est le premier jésuite à assumer cette fonction, le fait d’être religieux jésuite impacte-t-il son pontificat? si oui comment?

Tout ce que nous avons dit jusqu’ici sur le Pape François s’explique par sa vocation de religieux jésuite. Il s’agit de la simplicité de langage dans la communication, le refus des protocoles, de certains avantages liés au pontificat, le détachement dans l’exercice du pouvoir, l’insistance sur l’égalité des membres de l’Eglise par leur nature baptismale, la décentralisation du pouvoir, etc.
Le Pape a choisi, à l’exemple de François d’Assise et dans l’esprit de sa notion de peuple, une vie dépouillée et rayonnante de joie de se détacher de chaussures, de voitures et d’appartements de luxe liés à son rang. Le blason du Pape François porte au premier plan le symbole de sa vie de Jésuite. À l’exemple de François d’Assise, il apporte des réformes dans l’Eglise (décentralisation), nomination de laïcs, de femmes, à de hauts niveaux dans les fonctions du gouvernement de l’Eglise et des cardinaux venus de la périphérie ; le Conseil des cardinaux (C9), etc.

Quels sont les aspects centraux qui constituent clés de voûte des pensées théologiques du Pape et ce que cela a donné comme sang nouveau à l’Eglise, pastoralement, face aux défis et enjeux de ce monde ?

Ces aspects sont déjà apparus dans ce qui a été dit. Nous nous contenterons, à présent, de faire observer quelques points : la mission de l’Église, annoncer  l'Évangile de joie et de bonheur partagé pour tous et par tous; la miséricorde et la libération de Dieu pour tous et pour toute la création; l’évangélisation par la théologie de la conversion; l’ecclésiologie de la synodalité; le dialogue œcuménique, interreligieux et culturel; le changement du cœur et des comportements par rapport au pouvoir, à l’argent, à la civilisation du consumérisme et du plaisir, à l’exploitation des pays pauvres et à la surexploitation de la terre.

Quelle est l’Afrique que le Pape attend à travers le discours de l’Église qui s’y trouve? Après son message en République démocratique du Congo, que peut espérer ce continent comme matrice pour son épanouissement social?

L’Afrique que le Pape attend, à travers le discours de l’Église, est qu’elle ne se contente pas d’enregistrer un nombre impressionnant de chrétiens et célébrer de façon vivante la foi chrétienne. Le Pape veut une Afrique dont l’Église hume les odeurs de ses brebis, écoute ses cris et, proche de son environnement pour y être le témoin de l’Evangile; qu’elle leur apporte la joie parce qu’ils sont libérés et partagent tous les bienfaits de la délivrance de Dieu.
Les citoyens, les leaders politiques et les puissances économiques d’une telle Afrique se convertissent pour lui permettre d’avoir droit à la vie, de connaître les effets de la fraternité universelle, de la justice et de la paix pour les peuples des périphéries comme pour ceux qui se sont établis au centre du monde. Cette Afrique selon le Pape François n’est pas fataliste ni démissionnaire. Elle croit à un avenir meilleur est possible raison pour laquelle elle travaille à son émergence.

Entretien avec le père Nathanael Yaovi Soede

 

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13 mars 2023, 14:22