Un musulman souligne l’importance de la synodalité pour les prochaines décennies
Stanislas Kambashi,SJ – Cité du Vatican et Lambert Riyazimana – Addis-Abeba, Ethiopie
La phase continentale africaine du synode sur la synodalité qui se tient à Addis-Abeba en Éthiopie depuis le 1er mars réuni plus de 200 participants provenant de 41 pays d’Afrique; sans compter leurs hôtes éthiopiens et des invités d’autres continents, en particulier ceux du Secrétariat du Synode des Évêques venus du Saint-Siège. Particulièrement représentative du continent, cette assemblée est composée d’une centaine de laïcs, dont 32 jeunes et 50 femmes; mais aussi des personnes consacrées, des prêtres, des évêques et des cardinaux.
Parmi les participants, on compte aussi quelques invités des grandes traditions religieuses: des musulmans, des membres des religions traditionnelles africaines et des fidèles des Églises sœurs. Prenant part à ces assises synodales, Hatem Bourial, un musulman de Carthage, en Tunisie, a souligné la valeur que pourra apporter cette démarche, en la comparant au concile Vatican II qui ouvrit «une nouvelle page».
Marcher ensemble en étant en communion élargit les horizons
Pour Hatem Bourial, «marcher ensemble c’est regarder dans la même destination, c’est rester en contact; se regarder sans jugement, s’arrêter et parfois reculer, en fixant l’objectif poursuivi». Evoquant l’exemple des hébreux «qui sont un peuple en marche», le Tunisien souligne que marcher implique un effort et une relation à la fois réciproque, avec les compagnons de voyage, mais aussi réflexive, avec soi-même; et transitive, lorsqu’elle concerne tout un groupe. Dans cette réflexion sur le cheminement commun, le musulman propose de revenir à la réflexion d’Isaïe d’élargir la tente (Is 54,2), pour se rendre compte de la précarité et de la fragilité que représente ce «marcher ensemble». On comprendra alors mieux «qu’être ensemble renforce et être nombreux et en communion renforce davantage», a-t-il souligné.
La marche ensemble dans sa dimension œcuménique et interreligieuse
Hatem Bourial suggère d’appréhender cette démarche synodale continentale dans une dimension œcuménique. Pour lui, cette expérience renvoi à celle du concile Vatican II, qui avait «ouvert une nouvelle page». Avec ce synode s’ouvre aussi une nouvelle page, «à l’aune de la participation, au point où il faudrait raisonner en termes de sacrement de la participation dans la communion et dans l’inclusion». L’inclusion crée une synergie et rapproche les croyants chrétiens, hébreux et musulmans, en renforçant chacun dans sa foi, déclare le carthaginois. Prenant l’exemple de sa foi musulmane, il fait observer que marcher implique toujours une «tension vers», ce qui entraîne un effort sur soi, une amélioration de soi et de sa relation avec autrui; «autrui étant le fondement de l’Eglise chrétienne et de toute relation œcuménique».
Intégrer, inclure et marcher ensemble
Pour Hatem Bourial, ce synode démontre la capacité de l’Eglise «à intégrer», «à inclure», «à avancer en marchant». Cela signifie, note-il, qu’il y aura des ouvertures importantes aussi bien vers ceux qui ne sont pas dans l’Eglise que pour les moins pratiquants, ce qui peut valoir aussi bien pour la mosquée que pour la synagogue a-t-il déclaré. Selon ce carthaginois, une telle approche peut permettre de résoudre l’écart de «désaffection» dont souffre le monde aujourd’hui et qui entraine «une perte de repère du religieux» aussi bien pour le chrétien que pour le juif et parfois pour le musulman. Le parcours synodal devient alors une sorte d’invitation à un retour vers l’encrage religieux chrétien dans le vécu, a indiqué ce croyant.
Aller vers l’universalité
Si on veut se placer dans la trajectoire œcuménique, a ajouté le Tunisien, il est nécessaire de réfléchir en termes d’universalité. Cela signifie se poser dans une perspective historique: «autant Vatican II a eu de l’importance, autant ce synode ouvrira une nouvelle page qui pourra durer un demi-siècle», a-t-il déclaré. Dans cette universalité, Hatem Bourrial préconise de revenir vers une matrice culturelle africaine qui puisse s’exprimer dans l’Eglise et dans l’œcuménisme, sans perdre de vue la particularité africaine. Par ailleurs, il souligne que l’hospitalité et la charité doivent être le fondement dans cette marche, car élargir sa tente signifie être plus charitable, l’amour du prochain étant «le cœur battant de la tradition chrétienne».
L’histoire chrétienne de Carthage, une inspiration pour la démarche œcuménique
Hatem Bourrial a exprimé son appréciation pour cette démarche synodale qui implique les participants de divers horizons. Prenant exemple sur lui-même, le Tunisien a raconté sa propre expérience de visiter souvent les basiliques historiques qui font la prestigieuse histoire de sa ville Carthage. Cette ancienne ville phénicienne, voisine de Tunis, compte des nombreuses ruines, vestiges d’une forte tradition chrétienne qui a donné à l’Eglise des grandes figures, à l’instar de saint Cyprien (IIIème siècle). Pour Hatem, ces basiliques peuvent revivre grâce à cette démarche qui nous replonge dans cet encrage historique lointain. En prenant part à cette marche synodale et en pensant à sa ville, ce musulman revit «dans l’esprit ce qui s’est passé à Carthage», lieu où se sont déroulées certaines grandes discussions du catholicisme. Il se souvient en outre du grand nombre des synodes qui ont fixé, grâce aux évêques de cette ville historique, certains points de la doctrine catholique.
«Marcher avec vous aujourd’hui me permet de me replonger dans cette antiquité tunisienne et de voir que la perspective d’ouverture est toujours opérante», «Avec cette ouverture de l’église, on peut converger vers des objectifs communs, vers une morale qui soit commune à toutes les religions», a conclu Hatem Bourrial.
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