Mgr Kukah appelle les Nigérians à construire la paix et à promouvoir la justice
Christian Kombe, SJ – Cité du Vatican
La résurrection de Jésus-Christ est le cœur de la foi chrétienne. «Sans elle, tous les piliers et les fondements de la foi chrétienne s'effondrent», a rappelé Mgr Mattew Hassan Kukah dans son message de Pâques. Pour l'évêque du diocèse de Sokoto, situé au nord-ouest du Nigeria, la passion du Christ, qui précède le mystère de la résurrection, «est l'histoire de notre vie, avec ses flux et ses reflux. C'est l'histoire du péché et de la rédemption». En triomphant de la mort, le Christ nous assure qu'il y a un espoir certain de victoire pour tous ceux qui s'efforcent de suivre son chemin. «C'est la résurrection, et non la mort, qui est le dernier mot de l'Histoire!» C'est avec ces mots plein d'espérance que l'évêque nigérian jette un regard sur la situation du pays le plus peuplé d'Afrique.
Des élections décevantes
Tout d'abord, l'ordinaire de Sokoto a mentionné dans son message les dernières élections générales et locales dont «les préparatifs ont été marqués par l'attente d'une transition vers un nouvel ordre au Nigeria». Forts de l'assurance donnée par le président sortant et la commission électorale (INEC) que «ces élections seraient les plus transparentes et les plus harmonieuses» de l'histoire du pays, de nombreux électeurs «se sont rendus dans leurs bureaux de vote respectifs», bravant les intempéries, la faim, la soif, selon l'endroit où ils se caractérisent dans le pays, a souligné Mgr Kukah.
Malheureusement, déplore le prélat, ces élections ont été marquées par le retour de vieilles méthodes: «vol d'urnes, intimidation, violence physique à l'encontre de citoyens ordinaires, avec des incidents signalés de blessures et de meurtres purs et simples». Des scènes hideuses qui ont entaché la légitimité et la renommée de l'INEC, répandant «un nuage de doute» sur le pays, «tandis que l'excitation et les grandes attentes s'évanouissaient».
Au lieu de la renaissance attendue, les scènes de chaos qui ont émaillé les dernières élections ont plutôt donné lieu à l'apparition du «profilage ethnique et religieux» ainsi que de «nouvelles productions de discours de haine, de menaces et de gaslighting», a observé l'évêque de Sokoto.
Les frustrations engendrent la violence
Face à la haine, dont les médias sociaux sont devenus les lieux de diffusion, Mgr Kukah exhorte les Nigérians à s'«écouter les uns les autres et chercher la réconciliation». Ce défi n'est pas facile, reconnaît-il.
Les citoyens sont empêchés d’exprimer leurs griefs. Tandis qu'ils «s'efforcent d'utiliser leurs votes pour choisir ceux en qui ils peuvent avoir confiance», des violents s'obstinent à prendre le pouvoir par la force, relève le prélat.
Pour l'ordinaire de Sokoto, la violence n'est pas le fruit des clivages ethniques et religieux, mais du manque d'amour et de respect des politiciens à l'égard du peuple. C'est l'abus de pouvoir de la classe politique qui crée «les conditions de la violence», souligne l'évêque Kukah pour qui la politique nigériane est «un conflit entre le bien et le mal, la justice et l'injustice, l'amour et la douleur».
Le peuple à soif de justice
Selon Mgr Kukah, «les Nigérians sont si collectivement frustrés qu'il est presque impossible de les convaincre qu'ils peuvent trouver la justice». Ils «ont trop longtemps été battus par la pluie et le soleil de l'injustice». Mais la soif de justice les habite profondément. «Nous sommes tous en colère et nous voulons tous la justice», déclare le prélat, soulignant que «la colère contre l'injustice et l'abus de pouvoir est une cause juste».
Le défi pour les Nigérians, pense l'évêque, est de ne pas se laisser retenir prisonniers par la colère, de résister à la tentation de chercher des boucs émissaires en exploitant les différences pour les transformer en armes de guerre. Ils doivent au contraire s'engager résolument sur le chemin de la construction de la paix, qui n'est pas qu'absence de guerre, mais surtout le fruit de la justice. Un voyage «long et sinueux, épuisant mais prometteur, douloureux mais plein d'espoir». Dans ce voyage, Mgr Kukah exhorte les Nigérians à voir dans la résurrection du Christ la promesse d'une victoire finale en dépit du désespoir apparent.
Un appel aux Nigérians
Poursuivant, l’évêque de Sokoto s’est adressé au nouveau président, Bola Tinubu, lui rappelant la tâche la plus urgente qui lui incombe: maintenir les Nigérians en vie. «La mission la plus urgente est de commencer un voyage psychologique pour que les Nigérians se sentent à nouveau entiers, de créer une grande tente d'opportunités et d'espoir pour nous tous, d'étendre les frontières de notre liberté collective, de couper les chaînes de l'ethnicité et du fanatisme religieux, de nous aider à nous remettre du sentiment de viol collectif par ceux qui ont importé les hommes des ténèbres qui ont détruit notre pays, de récupérer notre pays et de nous placer sur le chemin de notre grandeur, d'exorciser le fantôme du népotisme et du fanatisme religieux», affirme-t-il dans son message.
Quant aux juges de la Cour suprême, Mgr Kukah les invite à préserver, sinon à reconquérir leur indépendance et leur crédibilité. «Les Nigérians attendent de vous que vous regagniez leur confiance en tant qu'interprètes de l'esprit de nos lois», leur a-t-il déclaré.
Enfin l'évêque de Sokoto a salué dans son message l'énergie et le courage de la jeunesse nigériane, qui a «mené un bon combat au-delà des clivages politiques». Selon le prélat, leur engagement et leur participation «ont modifié les contours de notre politique. Les choses ne seront plus jamais les mêmes». Mgr Kukah a appelé les jeunes à connaître leur rôle dans la longue lutte pour l'avènement d'un nouveau Nigeria. «Sachez quand vous battre, pour quoi vous battre et sachez quand vous retirer afin de pouvoir embrasser d'autres combats», leur a-t-il exhorté. L'évêque nigérian a conclu par une prière pour le pays d'Afrique de l'Ouest, en invitant à regarder vers l'avenir.
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