Image d'illustration - Une église attaquée au Nigéria Image d'illustration - Une église attaquée au Nigéria  

Nigeria: Mgr Kaigama dénonce le drame lié aux enlèvements des prêtres

«Il ne se passe pas une semaine sans que l'on apprenne que des prêtres catholiques ont été enlevés au Nigeria», a dénoncé Mgr Ignatius Kaigama, archevêque d'Abuja, capitale du Nigeria, en proie à des violences terroristes. Le prélat a exhorté les autorités à tout mettre en œuvre pour protéger les citoyens.

Vatican News

«Il ne se passe pas une semaine sans que l'on apprenne que des prêtres catholiques ont été enlevés au Nigéria», a dénoncé Mgr Ignatius Kaigama, archevêque d'Abuja, dans une interview au journal italien Avvenire publiée le mercredi 28 juin. Le pasteur a aussi souligné que les enlèvements ne touchent pas seulement le clergé catholique, et il a relevé les motivations économiques «le business des rançons» de ces crimes, mettant en lumière la situation difficile dans le pays le plus peuplé de l’Afrique.

Des prêtres, victimes d'enlèvements et de tueries au Nigeria

Les données sur le phénomène sont encore en cours de collecte par les diocèses. Cependant, les derniers rapports montrent qu'un certain nombre de prêtres catholiques a été tué par des hommes armés et que beaucoup d'autres ont été enlevés au cours de la seule année 2022. Mgr Kaigama a témoigné que l'année dernière a été terrible pour le clergé, qui a subi des enlèvements quasi quotidiens avec demande de rançon. «Bien que l'on ait craint que ces enlèvements ne constituent une persécution ciblée de la foi chrétienne, la motivation économique évidente - la demande de rançon - derrière ce phénomène a quelque peu éclipsé ces préoccupations» a-t-il fait savoir. Les attaques contre les responsables religieux ne se limitent pas aux prêtres catholiques, les religieux islamiques ont également fait les frais de l'insécurité dans le pays, bien que dans une moindre mesure.

Ces événements récents ont conduit de nombreuses personnes à se demander pourquoi l'Église catholique devient une cible pour les ravisseurs et les assassins dans tout le pays. Pour l'archevêque d'Abudja, ces attaques ne peuvent être une simple coïncidence, car elles sont bien coordonnées et délibérées. Certains prêtres ont été enlevés dans le presbytère de leur paroisse, parce que les auteurs savent qui ils recherchent, et où les trouver.

La responsabilité du gouvernement pour mettre fin à ces attaques

S’interrogeant sur les probables causes de ces phénomènes, le pasteur pointe du doigt «la corruption qui a exacerbé la pauvreté et l'écart de répartition des richesses», qui alimentent la violence dans tout le pays. Le taux de chômage élevé a contraint certains citoyens à trouver d'autres moyens de gagner de l'argent, dont certains sont illégaux. Les études sur les moyens et les effets de ces violences montrent clairement un effort constant et concerté pour s'emparer des terres et priver les gens de leurs droits. L'aspect religieux du phénomène ne peut être entièrement négligé: le Nigeria est la base de Boko Haram, les extrémistes islamiques dont l'insurrection, qui dure depuis 12 ans, a provoqué un nombre inquantifiable de victimes, pour la plupart chrétiennes.

En outre, l’archevêque d’Abuja a souligné que l'incapacité à protéger la population peut être imputée au gouvernement fédéral, qui a perdu sa capacité à maîtriser les différents groupes armés qui terrorisent désormais divers endroits, en particulier dans le Nord, sans arrêt ni entrave. À ce stade, a-t-il poursuivi, il devrait être clair pour les autorités que la stratégie existante pour endiguer l'insécurité et promouvoir la paix ne fonctionne pas et devrait être examinée, améliorée ou, au mieux, repensée.

Mgr Kaigama a relevé l'obligation fondamentale du gouvernement, telle qu'elle est inscrite dans la Constitution, qui est celle de «protéger la vie et les biens de ses citoyens, quelle que soit leur appartenance ethnique ou religieuse». Toute violation de ce concept fondamental du contrat social va à l'encontre de l'objectif même du gouvernement. Lorsqu'un gouvernement perd sa capacité à défendre la vie et les biens de ses citoyens, il perd sa légitimité et l'anarchie est à sa porte. C’est pourquoi, estime Mgr Kaigama, le nouveau gouvernement doit prendre position et faire ce qui est nécessaire pour s'assurer que les terroristes soient mis en échec, que les criminels soient arrêtés, que les bandits soient mis en déroute et que les ravisseurs soient mis hors d'état de nuire. 

Une attention constante demandée aux prêtres

Les évêques ont souvent conseillé aux prêtres d'être plus attentifs à leur sécurité, de ne voyager qu'en cas de nécessité et d'éviter un style de vie ostentatoire. Le dimanche, des contrôles de sécurité stricts sont généralement effectués pour les personnes souhaitant entrer dans les églises. Les églises du Nigeria ont également engagé des équipes de sécurité qui travaillent 24 heures sur 24 pour empêcher les personnes soupçonnées d'être des terroristes d'entrer dans les lieux de culte. Jusqu'à présent, les groupes de sécurité ont réussi à anticiper et à stopper de nombreuses tentatives d'attaques contre les églises. Les gens sont également informés que s'ils voient une personne au comportement étrange, ils doivent alerter le personnel de sécurité. La sécurité ne peut être laissée aux seules mains du gouvernement, estime aussi Mgr Kaigama. Les individus, les églises, les groupes et les communautés doivent prendre des mesures préventives pour éviter que de tels actes ignobles ne se produisent. Dans l'ensemble, les gens sont continuellement sensibilisés sur la réalité de l'insécurité dans le pays. Cependant, «en plus de toutes ces mesures de sécurité mises en place, nous avons confiance que Dieu nous fournira une sécurité maximale», a-t-il assuré, avant de citer le psalmiste: «si le Seigneur ne veille pas sur la ville, c'est en vain que les sentinelles veillent».

Appel à l’aide de la communauté internationale pour le Nigeria

En 2020, les États-Unis ont déclaré le Nigeria «pays particulièrement préoccupant» pour la liberté religieuse, au même titre que la Chine, l'Iran, le Pakistan et l'Arabie saoudite. S'il est établi que des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité ont été commis, ils devraient être traités dans le cadre de procédures nationales, sinon la Cour pénale internationale (CPI) devrait s'en charger. Selon les estimations de la Banque mondiale, plus de 95 millions de Nigérians vivent dans la pauvreté avec environ 1,90 dollar par jour. Le Nigeria ne dispose pas d'un système de protection sociale efficace capable de protéger ses citoyens des chocs économiques. Par conséquent, l'architecture de la dette internationale, composée du FMI, de la Banque mondiale, de la Banque africaine de développement et du système financier international, «devrait faire partie de notre réponse ciblée à ce phénomène», a déclaré Mgr Kaigama.

Les médias doivent contribuer au processus de la paix

L’archevêque a enfin invité les médias à ne pas se contenter de rapporter les conflits de loin. Ils devraient s'impliquer dans le processus de paix par leurs reportages en faveur d'une société pacifique. Les journalistes internationaux qui couvrent l'actualité religieuse doivent acquérir une connaissance adéquate des principales religions du Nigeria, en particulier l'islam et le christianisme, a-t-il conseillé. Ils devraient également faire preuve d'honnêteté en rapportant les nouvelles, en particulier celles concernant l'insécurité dans le pays, aux organismes internationaux compétents. Les organisations internationales de médias devraient embaucher davantage de reporters à temps plein et ne pas compter sur des collaborateurs rémunérés en fonction du nombre d'articles qu'ils publient, comme elles l'ont fait au fil des ans, a-t-il conclu.

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30 juin 2023, 17:17