À Goma, le cardinal Tagle exhorte à dire "oui" au respect, au pardon, à la justice

Françoise Niamien et Salvatore Cernuzio - Cité du Vatican

Après avoir clôturé le 3ème Congrès eucharistique national de la République démocratique du Congo dimanche 11 juin, l’envoyé spécial du Pape pour cet évènement national, le cardinal Luis Antonio Tagle a séjourné du 12 au 13 juin à Goma, la capitale du Nord-Kivu dans l’Est du pays. Théâtre d’une crise sécuritaire qui dure plus de deux décennies, la ville n’avait malheureusementpas pu être visitée par le Pape lors de son voyage apostolique en Rd Congo du fait de l’instabilité et l’activisme des groupes armés dans la région, notamment du M23.

L'envoyé du Pape a présidé la messe, il s'est également rendu dans la mine de cuivre de Kolwesi et dans le camp de Lushala qui abrite 13 000 personnes.

Les fidèles réunis à Goma pour la messe.

Être sel de la terre à Goma

À la paroisse Notre-Dame-du-Mont-Carmel où il a présidé l’Eucharistie, le cardinal Tagle a transmis les salutations paternelles du Pape François «qui se souvient constamment de vous dans ses prières. Vous savez qu'il a voulu venir ici à Goma pour vous montrer sa proximité. Il a beaucoup souffert de son absence. Mais soyez assurés que vous êtes dans son esprit et dans son cœur».

Dans son homélie, il s’est focalisé sur l’Évangile de ce mardi 13 juin quand Jésus appelle ses disciples à être le sel de la terre et la lumière du monde. «Le symbolisme du sel est si riche qu'il ouvre une multitude de significations pour comprendre notre mission», a-t-il affirmé.

«Nous sommes le sel de la terre», et pourtant, regrette l’envoyé spécial du Pape en Rd Congo, il faut faire ce triste constat «beaucoup de gens trouvent la vie insipide, amère, difficile à avaler. Certaines personnes considèrent les autres comme de la nourriture gâtée ou pourrie qui doit être jetée. Lorsque les gens sont traités comme de la nourriture indésirable, leur vie devient insipide, sans saveur».

Se réfèrant à Goma, le cardinal Tagle a dit espérer «que de nombreuses personnes feront l'expérience de Jésus et trouveront un nouveau sens ou une nouvelle "saveur" dans leur vie». De ce fait le pro-préfet du dicastère pour l’Évangélisation a estimé que «chaque baptisé, chaque famille, chaque école, chaque hôpital, chaque paroisse, chaque organisation et mouvement ecclésial, chaque communauté religieuse et chaque prêtre est appelé à être le sel de la terre à Goma».

Être lumière du monde à Goma 

Dans la suite de son homélie le cardinal Tagle a invité le peuple de Dieu à être la lumière du monde. «Une lampe allumée ne doit pas être cachée mais doit être posée sur un pied de lampe» a révélé le cardinal philippin. Malheureusement, le constat est clair: «tout comme le sel, la lumière ne sert pas son intérêt».
«De nombreuses personnes et communautés marchent dans les ténèbres. Certaines ont perdu espoir de revoir un jour la lumière. Le désespoir apporte l'obscurité totale. Malheureusement, ceux qui devraient apporter la lumière préfèrent éteindre leur lampe et assombrir la vie des autres. Par peur, intérêt personnel et indifférence, d'autres gardent leur lumière cachée» a-t-il encore dénoncé.

Tout comme Jésus qui a appelé ses disciples à offrir la lumière aux autres et monde, le cardinal appelé à apporter la lumière de Jésus «par des actions simples mais cohérentes: un sourire sincère, une parole consolatrice, une main tendue, un accueil chaleureux». Ainsi, dit-il «beaucoup de gens retrouveront l'espérance de vivre». À nouveau, il répète que «chaque baptisé, chaque famille, chaque école, chaque hôpital, chaque paroisse, chaque organisation et mouvement ecclésial, chaque communauté religieuse et chaque prêtre est appelé à être la lumière du monde à Goma».

«Ici, à Goma, nous lançons un appel aux personnes de bonne volonté: soyons ensemble le sel de la terre et la lumière du monde. Ensemble. Pour le bien de nos frères et sœurs et de notre belle terre» lancé le cardinal.

Oui au respect de chaque être humain, à la justice et à la paix

«En tant que sel de la terre, nous disons "oui" au respect de chaque être humain. En tant que sel de la terre, nous disons "oui" à un dialogue authentique. En tant que sel de la terre, nous disons "oui" à la guérison des personnes blessées et de notre terre».

«En tant que lumière du monde, nous disons "oui" à la justice fondée sur la vérité. En tant que lumière du monde, nous disons "oui" au pardon et à la réconciliation. En tant que lumière du monde, nous disons "oui" à une paix durable, pour nous, pour nos enfants et leurs enfants».

À l'Eglise de Goma, je dis: «Regardons toujours Jésus». « Recevons-le. Partageons-le. Avec notre bienheureuse Mère Marie et Saint Antoine, dites à Jésus "oui"» a conclu le cardinal Tagle.

Le cardinal Tagle avec une femme du camp de Lushala.

La proximité de François

Le cardinal Tagle a également visité le camp de Lushala, qui, avec ses tentes blanches et ses routes défoncées, abrite quelque 13.000 personnes. Il s'agit de déplacés fuyant les zones de conflit entre l'armée et les milices rebelles du M23 ainsi que la récente éruption du volcan Nyiragongo. Dans ce lieu d'extrême pauvreté, le cardinal est arrivé en voiture, accueilli par des femmes et des enfants sur le bord de la route.

Touché par la scène qui se déroulait sous ses yeux et rappelant ses visites en tant que président de Caritas Internationalis dans les camps de réfugiés du monde entier, le cardinal Tagle a évoqué la proximité du Pape, qui avait prévu de s'arrêter à Goma dans le cadre de son premier voyage apostolique en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud en juillet 2022, annulé par la suite en raison de problèmes de santé.

Un cadeau du Pape

Une proximité, celle de François, qui s'est traduite concrètement par un don généreux qui a permis l'achat de deux grandes citernes d'eau, un bien précieux pour les habitants du camp. Le cardinal Tagle les a bénis tous les deux et a réitéré le désir de paix du Pape dans cette terre en proie à une violence constante. Il a également formulé des vœux pour l'Église dans la région: «Les évêques du Congo, du Rwanda et du Burundi veulent travailler ensemble pour la paix dans la région», a-t-il déclaré.

Le cardinal Tagle dans la mine de cuivre de Kolwezi.