Une Académie pour intégrer laïcs et intellectuels au dialogue interreligieux
Jacques Ngol, SJ – Cité du Vatican
«Il n’y a pas de dialogue sans l’implication des intellectuels», a déclaré Prof. Aloyse Raymond Ndiaye, vice-président de l’Académie africaine des sciences religieuses, sociales et politiques dans une interview accordée à Radio Vatican, insistant que les «religieux comprennent».
Une Académie pour aider au processus du dialogue interreligieux
L’idée de la création d’une Académie pour promouvoir la participation des laïcs et intellectuels au processus du dialogue interreligieux remonte à Alioune Diop. En effet, «lorsque le Pape Jean XXIII a convoqué le Concile Vatican II, Alioune Diop avait pris l'initiative de réunir un certain nombre d'intellectuels, quelle que soit leur appartenance religieuse pour réfléchir sur les questions à l'ordre du jour du Concile», a-t-il expliqué. Cette initiative avait pour but «d’aider nos représentants au Concile, les évêques qui étaient invités de l'Afrique et qui devaient participer à ce Concile, pour les aider à maîtriser les questions qui étaient soulevées lors de ces débats». C’est pour marquer l’anniversaire de cette intervention de Diop que «nous avons organisé en 2016, à la demande du cardinal Adrien Sarr et de Mgr Barthélémy Adoukonou, cette rencontre internationale à Dakar».
À l'issue de ce colloque était donc née l'idée de poursuivre l'héritage d'Alioune Diop en créant une structure. Selon le vice-Président de l’Académie, cette structure regroupe «à travers toute l'Afrique le plus grand nombre d'intellectuels croyants pour discuter des problèmes de l'Afrique sur le plan social et politique, mais toujours en relation avec la religion». Dans ce sens, a poursuivi Prof. Ndiaye, cette Académie au sens très classique du terme, est «une société savante, mais pas exclusivement universitaire». Elle a pour mission de faciliter ou d'encourager ou d'aider au dialogue interreligieux.
Impliquer laïcs et intellectuels dans le dialogue interreligieux
«Nous avons constaté que les conflits actuels impliquent d'une manière ou d'une autre, directement ou indirectement, la religion» a affirmé le vice-président de l’Académie. Pour lui, «la religion a sa part dans la construction d'une société de paix». C’est pourquoi il faut «s'efforcer d'organiser un dialogue, puisqu'on en parle beaucoup, de dialogue entre les religions». Par ailleurs, le Sénégalais a fait constater que «jusqu'à présent, ce dialogue est assumé d'une manière pas tout à fait exclusive, mais grandement par les autorités religieuses». Cela est soutenu par des déplacements «du Saint-Père dans les régions, dans les pays islamiques»; mais aussi «on le voit dans nos pays, il y a quand même des commissions dialogue interreligieux, assumée par les autorités religieuses». Il déplore dans ce sens que «les intellectuels dans leur ensemble ne sont pas directement impliqués en tant que tels». Prof. Aloyse Raymond Ndiaye a assuré qu’il serait intéressant que les intellectuels «laïcs catholiques ou chrétiens d’autres religions, intellectuels musulmans, partisans ou appartenant aux religions traditionnelles se retrouvent pour qu'en tant que tels, ils puissent apporter leur voix dans ce dialogue interreligieux».
Le Sénégal, modèle du dialogue interreligieux
«On présente souvent le Sénégal comme un modèle dans ce contexte du dialogue interreligieux, puisque la majorité de la population est musulmane, que les catholiques sont en minorité avec les religions traditionnelles» a expliqué le cofondateur de l'Académie africaine des sciences religieuses, sociales et politiques. C’est dans ce contexte que le président Léopold Sédar Senghor a «pu diriger, pendant 20 ans, avec son épouse et étant lui-même catholique, un pays à la majorité musulmane». Et même aujourd'hui a-t-il poursuivi, «avec tout ce qui se passe dans notre environnement politique, le Sénégal n'est pas tellement inquiet, il n'est pas soumis à des troubles liés à la question religieuse». Pour lui, «il y a une certaine cohabitation, une coexistence pacifique». L’exemple palpable, c’est d'abord «les autorités politiques, laïques, civiles et religieuses qui s'entendent; Senghor, le premier, a tissé des relations très fortes, fraternelles, avec des chefs religieux musulmans et les évêques font la même chose». Ce qui est visible aujourd’hui dans «les établissements catholiques, qui sont bien tenus, où catholiques et musulmans se retrouvent».
L'Académie dans une perspective d’avenir
En prenant le modèle Alioune Diop qui a su «réunir tout le monde, marxiste, révolutionnaire, réactionnaire, conservateur, pour créer la présence africaine et la société africaine», l’avenir de cette Académie est projeté dans ce sens. À la conférence de lancement de celle-ci, il avait demandé «au professeur Abdoullah Cissé de présenter la leçon inaugurale sur Fratelli Tutti du Pape François venait de paraître», ce qui donne «l'exemple concret de ce que nous souhaitons faire avec les intellectuels, un exemple concret d'une coexistence». Ainsi, au niveau des activités, l'Académie africaine des sciences religieuses, sociales et politiques envisage «deux activités à prévoir en novembre ou décembre». Il y aura dans un premier temps «une activité qui va tourner autour de l'inculturation, un problème fondamental dans l'Église». Cet évènement rassemblerait «des partenaires musulmans, juifs, religions traditionnelles pour discuter de l'affaire».
Dans le but de pousser l’Académie à sortir de l’idée unique des colloques ou des conférences qui sont parfois, très «théoriques, abstraites, spéculatifs, très universitaires», il faudra des actions. Alors à partir cette rencontre, «nous souhaitons créer comme activité un volet formation, à travers des séminaires de formation sur l'enseignement du fait religieux, monter des programmes que nous donnerons aux responsables des établissements concernés par le problème et qui s'y intéressent, pour que dans les établissements il y ait un enseignement des faits religieux», a-t-il confié.
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