Décès du père Maurice Borrmans, pionnier du dialogue islamo-chrétien
Cyprien Viet- Cité du Vatican
Appartenant à la Société des Missionnaires d’Afrique (dont les membres sont communément appelés les "Pères blancs"), le père Maurice Borrmans, né à Lille en 1925 avait consacré sa vie à développer des efforts de compréhension et de connaissance mutuelle entre chrétiens et musulmans.
Formé en Algérie à partir de 1945, il avait été ordonné prêtre en 1949 en Tunisie, où il allait exercer son ministère durant une quinzaine d’années, avant d’être appelé à Rome pour y participer au transfert de l’Institut pontifical d’études arabes et d’islamologie (PISAI). « Le Pape Paul VI venait d’y créer un Secrétariat pour les Non Chrétiens avec lequel notre équipe a très vite collaboré à titre de consulteurs permanents, expliquait il y a quelques années le père Borrmans dans un témoignage publié sur le site internet des Pères blancs. Accueillant désormais des étudiants venant du monde entier et les préparant à une licence en arabe et en islamologie, que ce soit en français ou en anglais, le PISAI se voulait ainsi au service de l’Église universelle, lui préparant des "acteurs de dialogue" dans l’esprit même du Concile ».
Le père Borrmans avait par ailleurs obtenu un doctorat à la Sorbonne, avec une thèse sur le thème "Statut Personnel et famille au Maghreb de 1940 à nos jours", y analysant le devenir du droit familial avant, pendant et après les indépendances.
Une figure intellectuelle de référence
Tout en enseignant le droit musulman et l’histoire des relations islamo-chrétiennes au PISAI, il avait été directeur de la revue Islamochristiana de 1975 à 2004, et avait participé à de nombreux colloques islamo-chrétiens dans différentes capitales de la Méditerranée. Expert reconnu et apprécié par le Vatican, avait apporté sa contribution au discours prononcé par saint Jean-Paul II à Casablanca le 19 août 1985, ainsi qu'aux échanges avec des personnalités musulmanes lors des rencontres d'Assise.
Se situant dans la filiation de penseurs comme Louis Massignon, le cardinal Lavigerie, l’écrivain Ernest Psichari ou encore le bienheureux Charles de Foucauld, le père Borrmans avait publié plusieurs ouvrages de référence, comme Jésus-Christ et les musulmans d’aujourd’hui, réédité en 2005 au éditions Desclée de Brouwer. Son dernier ouvrage Dialoguer avec les musulmans. Une cause perdue ou une cause à gagner ?, avait été publié aux éditions Pierre Téqui en 2011. Parmi ses "disciples" figurait notamment le père Christian de Chergé, abbé du monastère de Tibhirine, assassiné en 1996.
Bien que retiré de l’enseignement actif depuis plusieurs années en raison de son grand âge, le père Borrmans restait une figure de référence pour les enseignants et étudiants du PISAI. En 2015, il avait participé à une rencontre avec le Pape François à l’occasion du 50e anniversaire de cette institution qui avait été fondée dans le contexte du Concile Vatican II et de la décolonisation.
Voici le message publié par Mgr Jean-Marc Aveline, évêque auxiliaire de Marseille et Président du Conseil pour les relations interreligieuses et les nouveaux courants religieux
«Le père Maurice Borrmans, de la Société des Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs) est décédé hier midi, 26 décembre 2017, à Bry-sur-Marne. Il avait 92 ans. Avec lui disparaît l’une des plus grandes figures du dialogue islamo-chrétien.
Au nom de la Conférence des évêques de France, je tiens à exprimer ma profonde sympathie et mes sincères condoléances à sa famille, à ses nombreux amis musulmans et chrétiens, et bien sûr aux Pères Blancs, avec qui il a cheminé tout au long de sa vie à la suite du Christ. Chercheur infatigable, travailleur acharné, professeur exigeant, Maurice Borrmans vivait humblement, attaché au Christ, assidu à la prière, fidèle en amitié. Quand je suis allé lui rendre visite à l’hôpital, il y a une quinzaine de jours, il m’avait expliqué que, dès qu’il aurait son fauteuil roulant, il pourrait se remettre au travail, ne serait-ce qu’une heure le matin et une autre l’après-midi, ce qui lui permettrait de terminer deux projets d’édition que nous avions en commun !
Ce missionnaire dans l’âme, aussi à l’aise en français qu’en arabe, était passionné de rencontres et de dialogues. Son œuvre immense nous laisse un précieux héritage qu’il importe à mes yeux de recueillir, non seulement pour mieux comprendre l’islam et entrer en dialogue avec les musulmans, mais aussi pour mieux exprimer l’originalité de la foi chrétienne à l’aide de ses deux poumons d’Orient et d’Occident. Notre Église de France a grandement besoin, sur ces questions, de recueillir l’héritage de nos anciens pour mieux accomplir aujourd’hui sa mission.
Avec reconnaissance et dans l’action de grâces, confions notre frère Maurice Borrmans à la miséricorde du Seigneur.»
(Source: site de la CEF)
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