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Mgr Pierbattista Pizzaballa, administrateur apostolique du Patriarcat latin de Jérusalem lors de la traditionnelle conférence de presse de Noël, le 20 décembre 2017 Mgr Pierbattista Pizzaballa, administrateur apostolique du Patriarcat latin de Jérusalem lors de la traditionnelle conférence de presse de Noël, le 20 décembre 2017 

Mgr Pizzaballa: avec la décision américaine, la paix s'éloigne

A Jérusalem, Mgr Pierbattista Pizzaballa a donné ce mercredi 20 décembre, la traditionnelle conférence de presse de Noël. L’administrateur apostolique du patriarcat latin de Jérusalem est revenu sur la situation qui prévaut actuellement dans la Ville Sainte après la décision de Donald Trump de transférer l’ambassade américaine en Israël de Tel Aviv à Jérusalem.

Xavier Sartre avec AFP

Lors de sa conférence de presse de Noël ce mercredi matin à Jérusalem, il fut impossible à l’administrateur du Patriarcat latin d’échapper à la question sur la décision unilatérale américaine de reconnaître Jérusalem comme capitale de l’Etat d’Israël. Une décision qui a provoqué une onde de choc et de colère dans tout le Proche-Orient et bien au-delà.

Compte-rendu de la conférence de presse avec Xavier Sartre

Sur le terrain, Mgr Pizzaballa tempère l’inquiétude : «Tout d’abord, du point de vue de la vie quotidienne, rien n’a changé à Jérusalem, tout est resté comme avant. La déclaration du président est une déclaration de principe, qui concerne le statu quo, c’est-à-dire ce fragile équilibre qui règle les relations entre les diverses communautés religieuses, chrétienne, juive et musulmane, chrétiens orientaux, et ainsi de suite. Et ça, c’est dangereux parce que Jérusalem est une ville qui n’est pas seulement pour les Israéliens et les Palestiniens, mais aussi pour les chrétiens, les juifs et les musulmans, qui doit avoir une vocation universelle, ouverte à tous. Chaque déclaration exclusive va à l’encontre de l’esprit de la ville. » Et à l’encontre de l’esprit de paix.

Maintien des fêtes de Noël

Pour Mgr Pizzaballa, l’important est de maintenir les festivités de la Nativité à Jérusalem et à Bethléem et de faire en sorte que les fidèles et les pèlerins puissent célébrer l’arrivée du Christ parmi les hommes dans la joie et l’espérance.

Lors de sa traditionnelle conférence de presse de Noël, Mgr Pizzaballa a cependant reproché au président américain d'avoir porté atteinte à l'esprit des célébrations de la Nativité en provoquant des tensions autour de Jérusalem et à Bethléem, et d'avoir conduit des centaines de chrétiens à annuler leur visite. Il a recensé «dizaines d'annulations» de voyages de groupes, représentant des centaines de personnes.

Concernant le vote jeudi à l’assemblée générale des Nations unies d’une résolution condamnant la décision américaine, Mgr Pizzaballa n’attend rien de particulier. Elle ne changera pas la situation ni la position des Etats-Unis.

L'administrateur apostolique du Patriarcat latin a également déclaré que les églises chrétiennes traditionnelles trouveraient problématique une éventuelle demande officielle de la part du vice-président américain de visiter les lieux saints de Jérusalem lors de sa venue prévue en janvier. En tant que pèlerin, «nous ne pouvons dire non à personne, même au plus grand pécheur au monde, mais s'il s'agissait d'une demande de visite officielle, nous ne pouvons pas négliger les conséquences ou les aspects politiques », a-t-il ajouté. Mgr Pizzaballa a conseillé à Mike Pence «d'écouter davantage» les autres communautés que les évangélistes chrétiens dont il fait partie et qui passent pour avoir fortement influencé la décision du président américain.

Ci-dessous, l'intervention in extenso de Mgr Pizzaballa, prononcée avant les questions des journalistes:

"Comme le veut la tradition, depuis quelques années, permettez-moi de présenter les moments et/ou les événements qui ont principalement marqué notre vie ecclésiale cette année. Pour plus de clarté je diviserai ma présentation en deux parties distinctes : une première partie qui concerne purement la sphère ecclésiale puis une seconde qui place l’Eglise au cœur d’un contexte politique et social.

La sphère ecclésiale

Le Patriarcat, c’est à dire le diocèse latin, a connu cette année de nombreux changements dans le personnel religieux et dans l’administration. Un cabinet de conseil (Deloitte) nous accompagne dans la restructuration et la réorganisation administrative qui va se poursuivre tout au long de cette année pastorale.

Nous avons mis en place un bureau pastoral qui aide les évêques et les prêtres à faire des choix pastoraux dans le diocèse nous permettant de mieux accompagner notre peuple. Nous avons décidé cette année de nous concentrer sur la pastorale familiale : la préparation au mariage, l’accompagnement de jeunes couples, l’éducation à la parentalité, la formation, etc.

J’ai initié des visites dans les paroisses et les communautés religieuses du diocèse. La première paroisse officiellement visitée était Gaza, au début de ce mois.

Nous avons vu avec plaisir le nombre de pèlerins en Terre Sainte se multiplier par deux. Nous espérons que la crise actuelle à Jérusalem n’effraiera pas ceux qui ont décidé de venir en 2018. La présence des pèlerins, en plus d’être une expérience importante de la foi, est aussi une belle expression de solidarité avec les nombreux chrétiens et non-chrétiens qui travaillent dans le domaine du tourisme religieux. En Jordanie, le climat est serein. Nous invitons donc les pèlerins à visiter la Terre Sainte et la Jordanie sans crainte, car il n’y a pas de danger.

L’amélioration des relations entre les Églises chrétiennes a été scellée par l’inauguration de l’édicule restauré du Saint-Sépulcre en mars dernier. Un événement qui, il y a quelques années, aurait paru impossible à réaliser et qui a plutôt marqué un point de non-retour dans nos relations internes.

La sphère sociale

Cette année a été assez difficile. Surtout dans la deuxième partie de l’année au cours de laquelle nous nous sommes retrouvés au cœur de différentes tensions, en particulier sur la ville de Jérusalem, qui a fait de nouveau la une dans les médias.

Au mois de juillet et tout au long de l’été, toute la ville de Jérusalem a été marquée par des tensions, suite aux problèmes d’accès aux mosquées Al-Aqsa et au Dôme du Rocher. Cette crise n’a pas touché seulement la sphère politique, les Eglises chrétiennes ont aussi publié une déclaration.

Peu de temps après, nous avons dû publier un autre document, concernant directement les Eglises elles-mêmes et leurs propriétés, pour faire face à un projet de loi présentée devant la Knesset qui aurait limité la liberté de décision des Eglises sur leurs propriétés.

Il y a quelques jours, nous avons tous enfin été témoins des déclarations du Président des États-Unis, dont les conséquences sont connues mais n’ont pas encore complètement cessé.

La position de l’Église catholique à cet égard est claire et a été rappelée par le Saint-Père lui-même : « respecter le statu quo de la ville, conformément aux résolutions pertinentes des Nations Unies ».

Dans notre communiqué de presse, nous avons dit à notre tour que : « nous pensons que toute solution unilatérale ne saurait être considérée comme une solution. Les décisions unilatérales qui modifient la configuration actuelle de la ville n’apporteront pas de bénéfices, mais seulement de nouvelles tensions et elles enlèveront la possibilité de rétablir la paix. Jérusalem est un trésor de toute l’humanité. Toute revendication exclusive, qu’elle soit politique ou religieuse, est contraire à la logique de la ville. »

Nous espérons que la violence de ces derniers jours va complètement cesser et que nous allons pouvoir continuer à discuter légitimement de Jérusalem non seulement sur le plan politique, mais aussi sur le plan religieux et culturel.

La politique est le grand absent de ce moment. Nous ne savons pas si – et comment – les choses évoluent dans les chancelleries des pays qui décident de notre avenir, mais ici, dans notre contexte, la politique, la seule chose qui indique les perspectives et esquisse l’avenir, est absente. C’est une source de frustration et de désorientation. Nous avons besoin de la politique, non pas d’une politique de salon, mais de celle qui peut traduire les attentes des peuples concernés par des choix concrets sur le territoire.

Nos populations sont fatiguées de la violence, celle-ci d’ailleurs n’a pas donné de résultats. Au lieu de cela, elles ont soif de justice, de droits et de vérité. Ces  déclarations apparaissent assez générales et rhétoriques, mais ici, elles ont une implication concrète et précise au quotidien, dans les déplacements et la liberté de mouvement, dans les permis, dans la réunification familiale et dans la vie quotidienne de toutes les familles chrétiennes.

A Noël, nous célébrons Dieu qui apparaît et entre dans l’histoire humaine, sans annonce de jugement, sans images de malheur et de punition. S’il l’avait fait de cette façon, il aurait été évident que son but était de nous conquérir, de nous subjuguer, comme toute puissance terrestre. Au lieu de cela, Dieu vient avec une simple annonce de joie : « Voici que je vous annonce une grande joie ». La joie de Dieu est une joie « incarnée », elle passe par les choses simples de la vie. Il n’y a pas de joie s’il n’y a pas de vie, l’humble vie des gens ordinaires : une mère, un père, un fils.

La joie de Dieu est le salut : cet Enfant, que les bergers vont voir s’ils partent en voyage, « est le Sauveur » (Luc 2, 11).

Et le salut est la possibilité de toujours recommencer. Le salut est la possibilité que tout se transforme : l’obscurité en lumière, le mal en bien, la douleur en joie, l’égoïsme en amour, la mort en vie.

Tout cela est le salut de Dieu : pas un paquet déjà tout prêt, pas quelque chose de déjà fait, mais un recommencement permanent, un chemin toujours neuf à sa suite.

Les difficultés de nos jours, les difficultés de tous les temps, la soif de justice, la faim de dignité cependant ne nous empêchent pas de recommencer, n’éteignent pas notre joie, ni notre détermination de travailler ensemble pour améliorer notre monde, de travailler pour défendre la vie, la vie simple de nos fidèles, de nos familles et de nos communautés religieuses."



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20 décembre 2017, 16:59