Venezuela: Les évêques dénoncent «un projet politique totalitaire»
Samuel Bleynie – Cité du Vatican
Dans une exhortation publiée vendredi 12 janvier 2018, au dernier jour de leur assemblée plénière à Caracas, les évêques vénézuéliens dressent d’abord un constat accablant. Ils évoquent l’effondrement «de la libre initiative» ainsi que des mesures économiques corrompues qui ne font qu’augmenter «la mendicité et la dépendance» aux aides sociales, «le chômage, la pénurie des biens de première nécessité» ainsi que le désespoir.
Les évêques déplorent aussi «l’exode de millions de Vénézuéliens». «La raison des problèmes réside dans l’implantation d’un projet politique totalitaire, appauvrissant, rentier et centralisé», répètent-ils.
Sur le plan politique la conférence épiscopale dénonce une Assemblée constituante «anticonstitutionnelle et illégitime», qui s’adjuge illégalement les pouvoirs exécutifs et judiciaires, criminalise les manifestations et encourage rumeurs et spéculations. En créant cette assemblée et en suspendant le référendum révocatoire contre le président Nicolas Maduro, le gouvernement «a usurpé au peuple son pouvoir originaire», critique l’épiscopat.
«Perte définitive de la liberté» ou «actions de résistance et de rébellion»
Si les autorités ne permettent pas à la société civile de s’exprimer, il n’y aura que deux possibilités, préviennent les évêques: «la perte définitive de la liberté, avec toutes ses conséquences, ou des actions de résistance et de rébellion contre le pouvoir usurpateur. C’est au peuple organisé que revient le dernier mot».
Devant la situation «dramatique» qui affecte particulièrement les plus pauvres, ils esquissent également deux attitudes: «le conformisme et la résignation» ou la recherche «des conditions de vérité, de justice et d’inclusion, malgré le risque de rejet et de persécution». «Réveillez-vous et réagissez, c’est le moment», poursuivent-ils, reprenant le thème du voyage apostolique du Pape Jean-Paul II, en 1996.
Face à la malnutrition et aux personnes qui meurent de faim, les évêques réclament un canal humanitaire et rappellent l’action de l’Église sur le terrain. Ils demandent également un «changement de route» sur le plan politique.
Appel à la publication d'un calendrier électoral
«L’exécutif a échoué dans sa tâche de garantir le bien-être de la population: ni les services publics, ni l’industrie du pétrole, ni les forces de sécurité, ni l’hôpital public, ni les autres organismes n’ont su répondre aux besoins des gens», soulignent-ils, indiquant que la solution passe par des élections démocratiques.
À l’approche de l’élection présidentielle, qui doit se tenir en fin d’année, ils exigent «la publication d’un calendrier électoral», la garantie de «l’impartialité» du Conseil électoral et la supervision par des observateurs internationaux.
Ils citent d’ailleurs le discours prononcé par le Pape François lors de ses vœux au corps diplomatique le 8 janvier dernier: «Le Saint-Siège, alors qu’il exhorte à répondre sans tarder aux besoins primaires de la population, souhaite que soient créées les conditions afin que les élections prévues pour l’année en cours soient en mesure d’apporter une solution aux conflits existants, et qu’on puisse envisager l’avenir avec une sérénité retrouvée.»
Enfin, l’épiscopat vénézuélien fait part de sa solidarité envers les exilés et prisonniers politiques, souvent détenus dans des conditions inhumaines et victimes de torture. Il conclue par un appel au dialogue à trois conditions: l’intégrité des négociateurs, des objectifs clairs et un agenda prédéfini «afin qu’il puisse bénéficier de la confiance et de la crédibilité de la population».
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici