Les évêques tanzaniens dénoncent les violations des principes démocratiques dans leur pays
Joris Bolomey, avec agences - Cité du Vatican
Les évêques tanzaniens ont choisi le ton de l'accusation pour leur mandement de carême 2018. «Les activités politiques sont interdites par l'instrumentalisation des forces de l'ordre», écrivent-ils. Dans une lettre pastorale publiée dimanche 11 février, l'Église catholique de Tanzanie dénonce les violations des principes démocratiques et de la liberté d'expression par le gouvernement du président John Magufuli, en lui reprochant de mettre en péril «l'unité nationale».
Surnommé «Tingatinga», bulldozer en swahili, le président Magufuli a marqué les esprits depuis sa prise de fonctions fin 2015 en se montrant inflexible dans la lutte contre la corruption. Son style peu consensuel et brutal lui vaut d'être qualifié d'autocrate et de populiste par ses détracteurs, alors que la liberté d'expression est de plus en plus réduite dans le pays. Les meetings de partis d'opposition sont interdits, des journaux ont été fermés, et des journalistes et artistes molestés ou menacés de mort pour avoir critiqué la nouvelle administration.
Des «législations liberticites» pour museler les oppositions
La conférence épiscopale de Tanzanie a souvent été accusée ces derniers mois par l'opposition de rester silencieuse face à la dérive autocratique du président Magufuli. L'Église catholique avait notamment été critiquée pour n'avoir rien dit après la tentative d'assassinat ayant visé en septembre 2017 le député Tundu Lissu, numéro deux de l'opposition au Parlement.
Atteint de plusieurs balles, chez lui, Tundu Lissu, qui est également président de l'Ordre des avocats de son pays, est actuellement hospitalisé à Bruxelles, après des mois de soins intensifs au Kenya. Il avait été arrêté six fois depuis le début de l’année, notamment pour «sédition». Bien que l'attentat ait été perpétré en plein jour, à Dodoma, dans un quartier résidentiel gardé par les forces de l'ordre, aucun suspect n'a encore été arrêté à ce jour. Le parti du parlementaire, le Chadema, accuse le gouvernement d'être derrière l'attaque.
Dans un rapport publié en août dernier, la FIDH, la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme et le Centre pour les droits juridiques et les droits de l'Homme (LHRC) dénoncent la rhétorique employée par le gouvernement face aux voix qui lui déplaisent. Huit médias ont déja été fermés et ont été arrêtés 27 journalistes ou défenseurs des droits de l’Homme et au moins 32 utilisateurs de réseaux sociaux accusés d'avoir critiqué le régime de Dodoma. Le plus grand hebdomadaire d’investigation du pays, Mawio, a lui aussi fait l’objet en juin dernier d’une interdiction de parution pour deux ans. Des «législations liberticites à l'encontre des médias et de toutes les voix considérées comme étant contestataires du régime en place», dénonçait en août dernier Tchérina Jérolon, responsable Afrique de la FIDH au micro de Rfi.
Une unité nationale mise en péril
«Les activités des partis politiques, tels que les rassemblements publics, les manifestations, les marches, les débats à l'intérieur de locaux, qui sont pourtant le droit de chaque citoyen, sont suspendus jusqu'aux prochaines élections», dénoncent finalement les évêques dans ce mandement de carême 2018. Les signataires font état d'un contexte favorable à «la division et à la haine susceptibles de mettre en péril la paix, la sécurité et la vie d'êtres humains».
«Si nous laissons perdurer ce climat, ne soyons pas étonnés de nous retrouver demain dans des conflits plus graves qui détruiront les fondements de la paix et de l'unité nationale», mettent en garde ces évêques.
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